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31/12/2017

Norge, La langue verte

 

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Ode aux vaches

 

Allez-y, vaches sacrées,

Je suis seul à vous entendre.

Votre chant s’est retiré

De leurs oreilles de cendre.

 

Donnez votre lait qu’on guette

Aux ordinaires barattes,

Gardons nos secrets, fillettes

Par le Tigre et par l’Euphrate.

 

L’homme rond, l’homme carré,

Tout l’homme géométrique

N’écoute d’un cœur zélé

Que le sifflement de trique.

 

Inutile de beugler

Si haut ! J’ai compris, mes vaches,

Et nos destins sont réglés

Par une même cravache.

 

Ruminez les gazons bêtes,

C’est encore loin l’empyrée

Après quoi vous soupirez

Comme l’ours et le poète.

 

Ce qui fait votre langage

Si noble et si riche de ton,

C’est qu’il puise dans l’herbage

Le cri même du limon.

 

Tu rêves, je rêve, ils rêvent.

Ô, ma vache ensommeillée,

Crois-tu que les nuis s’achèvent,

Crois-tu qu’on va s’éveiller ?

 

Norge, La langue verte, Gallimard,

1954, p. 119-120.