10/07/2024
Pierre Vinclair : Vision composée : recension
Bien des traducteurs ont écrit à propos de leur activité, des colloques ont lieu autour de la traduction qui n’intéressent pas que les spécialistes. Cependant, il est rare que l’on puisse entrer dans l’atelier du traducteur, suivre pas à pas sa démarche, ses hésitations et, de toute manière, il faut que la langue source soit suffisamment pratiquée pour que l’accompagnement soit enrichissant. La démarche de Vinclair est analogue à celle de Pascal Poyet traduisant Shakespeare : il fait entrer le lecteur dans le chantier de quelques traductions d’Emily Dickinson. Le propos est d’autant plus intéressant que l’on peut confronter le résultat à d’autres traductions.
Commenter un texte en le traduisant est une pratique courante pour Vinclair qui, à coté de Pope et de poèmes variés de langue anglaise, a analysé T. S. Eliot et John Ashbery en en proposant une version française. La démarche est explicitée ici dans un avant-propos qui précise la relation au texte original et fait un sort au cliché « traduire, c’est trahir » : « Traduire c’est d’abord lire, enquêter, déployer, essayer, comparer, objecter puis choisir : on trahit beaucoup moins qu’on agit (…) ; ce qui existe, ce sont d’abord ces gestes, qui en tant que tels ne trahissent ni ne sont fidèles. Ce sont des gestes, ils ne sont pas de même nature que le texte ». Aucune ambiguïté, donc, dans le projet. Les poèmes choisis sont réunis en deux groupes, « Visions » et « Musique », chacun à son tour divisé, « Superposition », « Composition », etc.
Il ne faut pas seulement restituer la signification d’un poème d’Emily Dickinson mais en retrouver dans le passage en français le caractère souvent elliptique et le rythme des vers. Dans la lecture d’un poème, ne pas se limiter à restituer le sens, mais avoir un « accès intuitif au sens », pratique qui viendrait d’un « inégal rapport des hommes au partage du sens », fait qui implique, ce que souligne Vinclair, une politique de la lecture, d’autant plus nettement lorsqu’il s’agit de traduire. Peut-être peut-on souligner que cette inégalité n’est pas due au hasard ou innée mais est d’origine sociale : qui n’a pas eu une pratique de la lecture littéraire dès l’enfance a peu de chance d’acquérir un « accès intuitif » au poème. Dans l’examen du premier poème qu’il traduit, Vinclair cite une traduction existante1 dans laquelle le choix de privilégier le sens aboutit à laisser de côté le rythme : le vers de 8 syllabes d’E. D. (My fisrt well day — since many ill —) est devenu en français un vers de 20 syllabes (Au premier jour où je me suis sentie bien — après une longue maladie). La traduction de Vinclair, et les choix sont justifiés, conserve la concision et le rythme de l’original, une signification identique bien que non immédiatement accessible : « Premier bon jour — après tant mal — ».
Une question est justement posée après la traduction du second quatrain, « faut-il faire droit, dans la réception du poème, au commentaire ? » On peut douter, sauf à être un angliciste confirmé, que le lecteur d’Emily Dickinson sache pour chaque poème lire ce qui soutient les vers ; sans qu’il soit nécessaire de les recouvrir de gloses, il est opportun d’éclairer le contexte et d’éclaircir certains choix syntaxiques. Un exemple : toujours dans ce premier poème, Vinclair détaille le jeu complexe des pronoms et note l’emploi de « he » (il) pour « pain » (douleur), de « She » (elle) pour « Summer » (= l’été) ; comment traduire ? Si on peut substituer le masculin « affre » à "douleur", mais il n’est pas de mot féminin pour « été » — donc Vinclair change la morphologie et retient Étée. On peut objecter que l’emploi de « affre » au singulier est rarissime en français (dans le Trésor de la langue française, trois exemples, Verhaeren, Verlaine et Eugénie de Guérin) et le mot est normalement au féminin ; quant au choix de « Étée », on hésiterait à approuver cette "licence poétique" pour restituer le jeu avec la langue d’Emily Dickinson et, dans le quatrain, le rythme 8-6-8-6.
Plutôt que de suivre chaque ensemble et reconnaître toutes les questions de poétique abordées, on s’attardera à lire un autre exemple de commentaire et de traduction où Vinclair met en valeur ce qui s’accorde avec ses pratiques et sa conception du poème. Notamment dans un poème2, « ce qu’apporte la musique » : « c’est justement l’arabesque (avec ses structures) qui redonne l’unité (d’un mouvement) à la multiplicité (d’une signification ouverte par les superpositions) ». Le poème s’ouvre sur le pays des morts — une tombe ouverte, allusion au sépulcre vide du Christ ressuscité —, et c’est de là que s’impose un nouveau rapport au temps, ce qu’éclaire un commentaire cité : la tombe n’est qu’une « matière première », « l’histoire d’Emily Dickinson n’est pas divine mais humaine, elle dit que ce n’est qu’à la mort de quelqu’un que nous comprenons sa vraie valeur. » Vinclair élimine toute équivoque dans la lecture de cette première strophe en rétablissant une syntaxe et une ponctuation "normales", mais c’est surtout la seconde strophe qui arrête avec Compound Vision, « Vision composée », expression reprise pour titrer le livre : elle est essentielle car elle affirme la possible « co-présence des contraires » dans un poème, sans contradiction : The Finite — furnished / With the Infinite », « Le Fini — contenant l’Infini ». La mise en regard de l’original et de sa version française laisse imaginer la nécessité et l’intérêt d’un commentaire :
’Tis Compound Vision La Vision Composée
Light — enabling Light — Lumière — autorisant
The Finite — furnished Lumière — le Fini
With the Infinite — Et l’Infini dedans —
Convex — and Concave Witness — Esprit Convexe — et Concave
Back — toward Time — Revient — vers le Temps — et
And Forward — S’avance — vers
Toward the God of Him — le Dieu qu’il est.
Ce qui retient dans Vision composée, c’est une démarche qui sollicite constamment le lecteur, invité à accompagner chaque moment de la traduction. Certes, mieux vaut avoir une bonne pratique de l’anglais et avoir déjà (un peu) lu Emily Dickinson mais, ceci étant, on accordera que « Vision et musique sont (...) les deux objets d’une sorte d’enquête critique et traductologique », que Vinclair a « voulu mener ici, en invitant la lectrice et le lecteur, non pas à lire des traductions, mais à traduire avec [lui] » et, ainsi, « faire à leur tour une expérience de l’œuvre d’Emily Dickinson ». Qui a déjà lu la poète d’Amherst découvrira dans ce livre bien des raisons de la relire.
1 Emily Dickinson, Poésies complètes, édition bilingue, traduction Françoise Delphy, Flammarion, 2020.
2 n° 830, dans The Poems of Emily Dickinson : Reading Edition, édition par R. W. Franklin, 1999, Harvard University Press.
Pierre Vinclair, Vision composée, 20 poèmes d’Emily Dickinson traduits et commentés, Exopotamie, 2024, 124 p., 17 €. Cette recension a été publiée par Sitaudis le 17 mai 2024.
Publié dans RECENSIONS | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pierre vinclair, vison composée : recension, emily dickinson | Facebook |
30/06/2024
Polina Barskova, Chaque ville ne sera plus jamais mienne
Célébration du 9 mai 2022 sur la pelouse devant la maison d’Emily Dickinson
Dans ma vie
ai-je fini par me dire
il y a eu moins de sexe que souhaité :
amoureux morts disparus peu conformes
changés en rivières ou pierres
crapauds lézards cendres outils de jardinage.
Mieux qu’avec des humains ma curiosité s’aiguise,
je me sens comblée et plus complexe
en flirtant
avec des villes.
Me voici revenue
dans la ville qui n’est pas mienne.
Un carrefour, la tombe
d’une femme ravissante monstrueuse spirituelle.
Une autre maison toute pareille.
Surplombant la tombe un faucon bouffe un écureuil.
Que vois-tu de là, faucon ?
Aperçois-tu ma maman ?
— Peu probable, elle n’était pas de celles
qui aiment rester plantées au même endroit.
Que vois-tu de ton grenier
poète exaltée arrogante
éprise des fillettes, des rats, des scarabées, des racines de plantes printanières
Vois-tu ma maman ?
— Bien sûr que non, sourit-elle,
ta maman est devenue faucon, écureuil,
un vers que j’ai biffé trois fois.
La ville qui n’est pas mienne
empeste embaume terrasse
par ses lilas et ses latrines toujours bouchées
par la neige qui n’a cessé de tomber,
elle sent la peau vieillissante de Nonna et celle toute fraîche de Frossia,
elle sent mes larmes honteuses
de gratitude humiliation orgasme pertes tourments.
Chaque ville ne sera plus jamais mienne
D’autant plus forte l’odeur, plus vive la mèche repoussée derrière l’oreille,
plus élargi le regard s’enfuyant on ne sait vers où,
là où la carte s’achève,
où il n’y a rien à voir et ne pas voir
si tu es toi-même — Celui qui s’enfuit.
Polina Barskova, Chaque ville ne sera plus jamais mienne, traduction du russe Henri Abril, dans La Revue de belles-lettres, 2024-I, p. 105.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : potina barskova, chaque ville ne sera plus jamais mienne, emily dickinson | Facebook |
11/06/2024
Emily Dickinson, Du côté des mortels : recension
« La Vie n’est que la Vie ! Et la Mort la Mort ! »
Est-il indispensable de donner une nouvelle traduction de poèmes dont on a déjà plusieurs versions ? Ce genre de questions, heureusement, n’a plus cours : il existe plusieurs éditions en français, complètes ou non, des poèmes d’Emily Dickinson, on peut prendre plaisir à passer de l’une à l’autre, et l’on peut en souhaiter de nouvelles ; les variations dans la saisie de la langue source aboutissent à des solutions différentes qui sont toujours bienvenues. François Heusbourg n’a pas le projet de traduire la totalité de l’œuvre, près de 1800 poèmes, mais en choisit par tranches chronologiques : il a déjà publié quatre volumes et il présente ici un ensemble pris dans les années 1860 et 1861, « juste avant la période la plus intense de sa production poétique ».
"Du côté des mortels" est la traduction du dernier vers (« Opon the mortal side », p. 28) d’un poème., vers choisi parce que dans cet ensemble demeurent encore fortement vivants pour la jeune femme — elle a trente ans — Amherst, le jardin, les fleurs, les oiseaux, l’enfance, avant le repli noté par le traducteur « dans le monde intérieur de la demeure familiale ». La nature est très présente, sous une forme générale (arbre, verger, rosée, oiseau — « "Maman" n’oublie jamais les oiseaux » —, etc.) et les différents éléments observés peuvent être aussi nommés : aster, renoncule, marguerite, rose, baumier, grive, merle, cerf, cerise, etc., et souvent mis en relation, « Si la Campanule avait ouvert son corset / à l’Abeille amoureuse (…) ». L’attention d’Emily Dickinson aux choses de la nature est aussi lisible dans des comparaisons, par exemple dans « Toi — aussi — prends des allures d’Arantèle » [= mot ancien pour "toile d’araignée" ; pour cobweb]. Il y a dans son imaginaire le sentiment d’être totalement du côté des plantes et des animaux, ainsi dans un distique : « Ni Rose, me suis pourtant sentie fleurir, / Ni oiseau — ai pourtant plané dans l’Éther — » ; cette proximité est sans doute nécessaire dans un monde où il lui est difficile de trouver une identité.
Il faut pour cela pouvoir se situer, y compris dans le temps. Ce qui est le plus aisé à définir pour elle, c’est le passé. Quelques éléments qui ont compté sont conservés dans une « boîte d’Ébène », une lettre, une fleur, une boucle. On ne saura rien de plus, sinon qu’ils appartiennent à un temps accompli, « comme si la petite Boîte d’Ébène / N’était notre affaire en rien ». Pour le présent, Emily Dickinson imagine pouvoir un lieu social tout en en marquant la quasi impossibilité, « À l’aube — je serai — une Épouse — (…) À minuit — je ne suis qu’une jeune fille — (…) / Si tôt pour une enfant — de ne plus l’être — ». L’aube est toujours le moment d’une séparation pour quelque chose à venir - c’est le matin renaissance -, d’où la question « Y aura-t-il vraiment un matin ? » pour que s’accomplisse, notamment, la sortie de l’enfance, qu’elle devienne elle-même, « Je suis "Femme" maintenant / C’est plus sûr ainsi ». Femme, épouse…, lorsqu’elle a « prudemment, examiné [sa] petite vie », elle a fait la part de ce qui pouvait disparaître et rester, et elle termine par une question, « Te trouves-tu dans cette petite Grange / Que l’Amour T’a offerte ? ».
À côté d’Emily, il y aurait un "tu" et cet "Autre" semble bien vivant ; elle lui écrirait tant qu’elle voit son « crayon émoussé » et, pensant à une prochaine rencontre elle note qu’il lui faudrait « Songer à ce que moi-même je dirai / Et ce que lui-même me dira à moi — ». Elle projette une vie commune, imaginant une présence continue (« Marcher pour toujours à ses côtés ») et elle est consciente que la durée est nécessaire pour que l’Autre devienne pleinement un "tu", « La vie entière — pour connaître l’autre / Que nous ne pouvons jamais apprendre ». Serait-ce la voie pour être reconnue ? « Enfin— être identifiée —/ Enfin — les Lampes tournées vers toi —/ Le reste de la vie — ». Parallèlement à ce désir d’être vue comme une femme, et surtout un "je", est aussi rappelé le sort commun, le sort de tous, donc le sien, « Je ne suis Personne / Qui êtes-vous ? / Êtes-vous — Personne — vous aussi ? / (…) C’est si morne — d’être — Quelqu’un / Si commun — ». Ce mouvement de la reconnaissance de ce qu’elle est à l’effacement est une constante, mais son identité est toujours assurée quand elle parle de son rapport à la nature, en particulier à l’eau, à la mer. S’imaginant devenue rivière, elle questionne, « Mer bleue — m’accueilleras-tu ? » ; question toute rhétorique : elle ne pense pas être comme une goutte d’eau dans la mer, qu’elle associe par ailleurs à l’Autre rêvé dans deux vers quelque peu énigmatiques, « Les plus petites Rivières — dociles à quelque mer / ma Caspienne — toi ». L’eau est parfois associée à la mort : un nageur disparaît, parce que la mort n’est jamais loin dans les poèmes d’Emily Dickinson.
Elle est bien terrienne et son lien à la nature proche d’elle est vivant, constant, ce qui n’empêche pas qu’elle aille « Vers l’éternité profonde », que la mort soit toujours présente, emportant une amie. Elle-même, se supposant disparaître, souhaiterait qu’une grive « à Foulard Rouge » reçoive « une miette Commémorative ». Les vers semblent parfois empruntés à une prédication tant ils ne laissent que peu d’espoir à la vie, « La Poussière est le seul Secret / La mort la seule Personne ». Reste le paradis, qui l’obsède, coupé de tout ce qu’elle vit : « Savent-ils qu’ici c’est "Amherst" — ».
Tout a été dit de la simplicité du vocabulaire d’Emily Dickinson. et de son usage du tiret qui impose un rythme à la lecture, mais qui ne rendent en rien aisée la traduction : celle de François Heusbourg transforme notre approche des poèmes sans doute parce qu’il traduit en ayant présent l’ensemble de l’œuvre. On lira avec intérêt l’analyse de Claude Ber, à qui la postface a été confiée comme elle l’a été à des écrivaines dans les volumes précédents.
Emily Dickinson, Du côté des mortels, Poèmes 1860-1861, traduction François Heusbourg, éditions Unes, 2023, 152 p. Cette recension a été publiée par Sitaudis le 19 avril 2024.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Dickinson Emily, RECENSIONS | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : emily dickinson, dru côté des mortels : recension | Facebook |
21/03/2024
Emily Dickinson, Du côté des mortels
S’il n’avait pas de crayon
Emprunterait-il le mien —
Usé — là— émoussé – mon cher,
De t’écrire tant.
S’il n’avait pas de mot —
Ferait-il la Pâquerette,
Presque aussi grande que je l’étais —
Quand il m’a cueillie ?
Emily Dickinson, Du côté des mortels, poèmes
1860-1861, traduction François Heusbourg,
Editions Unes, 2023, p. 57.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Dickinson Emily | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : emily dickinson, du côté des mortels, écrire, commencer | Facebook |
20/03/2024
Zmoky Dickinson, Du côté des mortels
Même si je rentre très tard — très tard
Au loin je rentre — cela compensera —
Plus forte sera l’Extase
Qu’ils se seront faite à m’attendre —
Quand la nuit — tombera — muette — et noire —
Ils m’entendront frapper sans s’y attendre —
Le moment sera donc si bouleversant —
Brassé par des décennies d’Agonie !
Rien que d’imaginer le feu brûler —
Imaginer ces yeux si longtemps soustraits se tourner —
Songer à ce que moi-même je dirai,
Et ce que lui-même me dira à moi —
Voilà qui fait oublier les Siècles d’errance !
Emily Dickinson, Du côté des mortels, poèmes 1860-1861,
traduction François Heusbourg, éditions Unes, 2023, p.71.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Dickinson Emily | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : emily dickinson, du côté des mortels, agonie, retour | Facebook |
19/03/2024
Emily Dickinson, Du côté des mortels
Je n’oserais pas quitter mon ami,
Au cas où — au cas où il devrait mourir
Pendant mon absence — et que — trop tard
Je rejoigne le Cœur qi m’attendait —
Si je devais décevoir les yeux
Qui ont scruté — tant scruté — pour voir —
Et ne pouvaient se résoudre à se fermer avant
Qu’ils m’aient « aperçue » — ils m’ont aperçue —
Si je devais poignarder la foi patiente
Si sûre de ma venue — bien sûr je suis venue —
À l’écoute — à l’écoute — endormi —
En prononçant mon nom doucement —
Mon cœur souhaiterait se briser avant ça —
Se briserait alors — alors brisé —
Serait aussi inutile que le prochain soleil du matin —
Là où le givre de minuit — s’étendait !
Emily Dickinson, Du côté des mortels, poèmes
1860-1861, traduction François Heusbourg, éditions
Unes, 2023, p. 105.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Dickinson Emily | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : emily dickinson, du côté des mortels, attente, écoute, fin de vie | Facebook |
23/11/2023
Emily Dickinson, Du côté des mortels
Je n’oserais pas quitter mon ami,
Au cas où — au cas où il devrait mourir
Pendant mon absence — et que — trop tard —
Je rejoigne le Cœur qui m’attendait —
Si je devais décevoir les yeux
Qui ont scruté — tant scruté — pour voir —
Et ne pouvaient se résoudre à se fermer avant
Qu’ils m’aient « aperçue » — ils m’ont aperçue —
Si je devais poignarder la foi patiente
Si sûre de ma venue —
Bien sûr je suis venue —
À l’écoute — à l’écoute — endormi —
En prononçant mon nom doucement —
Mon ©œur souhaiterait se briser avant ça —
Se briserait alors — alors brisé —
Serait aussi inutile que le prochain soleil du matin —
Là où le givre de minuit — s’étendait !
Emily Dickinson, Du côté des mortels, traduction
François Heusbourg, éditions Unes, 2023, p. 105.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Dickinson Emily | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : emily dickinson, du côté des mortels, ami, amant | Facebook |
22/11/2023
Emily Dickinson, Du côté des mortels
Tu m’aimes — tu en es sûre —
Je n’ai pas à craindre de méprise —
Je ne me réveillerai pas trompée—
Par un matin souriant —
Pour trouver l’Aube partie —
Et les Vergers — intouchés —
Et Dollie — envolée !
Je ne dois pas tressaillir — tu en es sûre —
Une telle nuit ne se produira jamais —
Quand apeurée — me précipitant chez Toi —
Pour trouver les fenêtres éteintes —
Et plus de Dollie — vraiment —
Plus du tout !
Sois sûre d’être sûre — tu sais —
Je le supporterais mieux maintenant —
Si tu me le disais simplement —
Plutôt qu’ensuite — un petit Baumier terne ayant poussé —
Sur cette douleur mienne —
Tu piques — encore !
Emily Dickinson, Du côté des mortels, poèmes
1860-1861, traduction François Heusbourg,
éditions Unes, 2023, p. 89.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Dickinson Emily | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : emily dickinson, du côté des mortels | Facebook |
20/11/2023
Emily Dickinson, Du côté des mortels
Marcher pour toujours à Ses côtés —
La plus petite des deux !
Cerveau de Son Cerveau —
Sang de Son Sang —
Deux vies — Un Être — Désormais —
Partager Son Sort pour toujours —
En cas de chagrin — abandonner ma part
À ce Cœur bien-aimé —
La vie entière — pour connaître l’autre
Que nous ne pouvons jamais apprendre —
Et petit à petit — un Changement —
Appelé Paradis —
Voisinage d’humains en extase —
Découvrant alors — ce qui nous troublait —
Sans le lexique !
Emily Dickinson, Du côté des mortels, poèmes
1860-1861, traduction François Heusbourg,
Editions Unes, 2023, p. 133.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Dickinson Emily | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : emily dickinson, du côté des mortels, vie, apprendre | Facebook |
18/11/2023
Emily Dickinson, Du côté des mortels, poèmes 1860-1861
Elle est morte en jouant —
Tournoyant tout le long
De son bail aux heures inachevées
Puis elle a glissé aussi gaiement qu’un Turc
Sue un Coussin de fleurs
Son fantôme flottait doucement sur la colline
Hier, et aujourd’hui —
Son vêtement une toison d’argent —
Son visage — un embrun —
Emily Dickinson, Du côté des mortels, poèmes
1860-1861,traduction François Heusbourg,
éditions Unes, 2023, p. 19.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Dickinson Emily | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : emily dickinson, du côté des mortels | Facebook |
14/04/2022
Emily Dickinson, Je cherche l'obscurité
Elle ne s’élève pas plus haut la Tombe
Pour les héros que pour les Hommes —
Elle n’est pas plus proche pour l’Enfant
Que pour le Septuagénaire engourdi —
Ce dernier Repos berce aussi bien
Le Mendiant et sa Reine
Séduis ce Démocrate
Un Après-midi d’Été —
Emily Dickinson, Je cherche l’obscurité,
traduction François Heusbourg, éditions
Unes, 2021, p. 97.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Dickinson Emily | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : emily dickinson, je cherche l’obscurité, tombe, égalité devant la mort | Facebook |
27/11/2021
Emily Dickinson, Je cherche l'obscurité
Un grand Espoir est tombé
Tu n’as rien entendu
La Ruine était intérieure
Oh Naufrage rusé
Qui n’a conté aucune Histoire
Et n’a admis aucun Témoin
L’esprit fut bâti pour de lourdes Charges
Planifié pour de terribles occasions
Si souvent sombrant en Mer
Soi disant, sur Terre
Emily Dickinson, Je cherche l’obscurité, traduction
François Heusbourg, éditions Unes, 2021, p. 73.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Dickinson Emily | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : emily dickinson, je cherche l’obscurité, espoir, ruine | Facebook |
02/09/2020
Emily Dickinson, Un ciel étranger
La Vérité — est immobile —
Une autre forme — se déplace peut-on présumer —
Cela — donc — est mieux pour la confiance —
Quand les plus vieux Cèdres ploient —
Et que les chênes dénouent leurs poings —
Et les montagnes — faibles — penchent —
Un corps si parfait
Qu’il se tient sans un Os —
Une Force si vigoureuse
Qu’elle se maintient sans Support —
La Vérité reste Elle-même — et chaque homme
Qui se fie à Elle — fièrement dressé —
Emily Dickinson, Un ciel étranger, traduction
François Heusbourg, éditions Unes, 2019, p. 85.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Dickinson Emily | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : emily dickinson, un ciel étranger, arbre, vérité, fierté | Facebook |
27/11/2019
Emily Dickinson, Un ciel étranger
La Douleur — agrandit le Temps —
Les siècles s’enroulent dans
L'infime Circonférence
D’un simple Cerveau —
La Douleur contracte — le Temps —
Occupées par la détonation
Les Gammes d’Éternités
Sont comme n’existant pas —
Emily Dickinson, Un ciel étranger,
traduction François Heusbourg,
éditions Unes, 2019, p. 45.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Dickinson Emily | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : emily dickinson, un ciel étranger, douleur, temps, françois heusbourg | Facebook |
19/01/2019
Emily Dickinson, Le vent se mit à bercer l’Herbe
Le vent se mit à bercer l’Herbe
Le Vent se mit à bercer l’Herbe
Avec des Airs de Basse grondeuse —
Lançant une Menace à la Terre —
Une Menace au Ciel.
Les Feuilles se décrochèrent des Arbres —
Et s’égaillèrent de toutes parts
La Poussière se creusa elle-même comme des Mains
Et dispersa la Route.
Les Chars se hâtèrent dans les Rues
Le Tonnerre se rua lentement —
L’Éclair exhiba un Bec Jaune
Et puis une Griffe livide.
Les Oiseaux verrouillèrent leurs Nids —
Le Bétail s’enfuit vers les Granges —
Vint une goutte de Pluie Géante
Et puis ce fut comme si les Mains
Qui tenaient les Barrages avaient lâché prise
Les Eaux Dévastèrent le Ciel,
Mais négligèrent la Maison de mon Père —
N’écartelant qu’un Arbre —
The Wind begun to rock the Grass
The Wind begun to rock the Grass
With threatening Tunes and low —
He threw a Menace at the Earth —
A Menace at the Sky.
The Leaves unbooked themselves from Trees —
And started all abroad
The Dust did scoop itself like Hands
And threw away the Road.
The Wagons quickened on the Streets
The Thunder hurried slow —
The Lightning showed a Yellow Beak
And then alivid Claw.
The Birds put up the Bars to Nets —
Ther came one drop of Giant Rain
And then as il the Hands
That held the Dams had parted hold
The Waters Wrecked the Sky,
But overlooked my Fathers’s House —
Just quartering a Tree —
Emily Dickinson, traduction Pierre Leyris dans son Anthologie
de la poésie américaine du XIXe siècle, édition bilingue, Gallimard,
1995, p. 332-333.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Dickinson Emily | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : emily dickinson, le vent se mit à bercer l'herbe, pierre layris | Facebook |