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21/03/2024

Emily Dickinson, Du côté des mortels

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S’il n’avait pas de crayon

Emprunterait-il le mien —

Usé — là— émoussé – mon cher,

De t’écrire tant.

S’il n’avait pas de mot —

Ferait-il la Pâquerette,

Presque aussi grande que je l’étais —

Quand il m’a cueillie ?

 

Emily Dickinson, Du côté des mortels, poèmes

1860-1861, traduction François Heusbourg,

Editions Unes, 2023, p. 57.

20/03/2024

Zmoky Dickinson, Du côté des mortels

       emily dickinson, du côté des mortels, agonie, retour

Même si je rentre très tard — très tard ­

Au loin je rentre ­— cela compensera —

Plus forte sera l’Extase

Qu’ils se seront faite à m’attendre —

Quand la nuit — tombera — muette — et noire —

Ils m’entendront frapper sans s’y attendre —

Le moment sera donc si bouleversant —

Brassé par des décennies d’Agonie !

 

Rien que d’imaginer le feu brûler —

Imaginer ces yeux si longtemps soustraits se tourner —

Songer à ce que moi-même je dirai,

Et ce que lui-même me dira à moi —

Voilà qui fait oublier les Siècles d’errance !

 

Emily Dickinson, Du côté des mortels, poèmes 1860-1861,

traduction François Heusbourg, éditions Unes, 2023, p.71.

 

 

19/03/2024

Emily Dickinson, Du côté des mortels

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Je n’oserais pas quitter mon ami,

Au cas où — au cas où il devrait mourir

Pendant mon absence — et que — trop tard

Je rejoigne le Cœur qi m’attendait —

 

Si je devais décevoir les yeux

Qui ont scruté ­ — tant scruté — pour voir —

Et ne pouvaient se résoudre à se fermer avant

Qu’ils m’aient « aperçue » — ils m’ont aperçue —

 

Si je devais poignarder la foi patiente

Si sûre de ma venue —­ bien sûr je suis venue —

À l’écoute — à l’écoute — endormi —

En prononçant mon nom doucement —

 

Mon cœur souhaiterait se briser avant ça —

Se briserait alors — alors brisé —

Serait aussi inutile que le prochain soleil du matin —

Là où le givre de minuit — s’étendait !

 

Emily Dickinson, Du côté des mortels, poèmes

1860-1861, traduction François Heusbourg, éditions

Unes, 2023, p. 105.

23/11/2023

Emily Dickinson, Du côté des mortels

emily-dickinson-56570-330-540.jpg

Je n’oserais pas quitter mon ami,

Au cas où — au cas où il devrait mourir

Pendant mon absence — et que — trop tard —

Je rejoigne le Cœur qui m’attendait —

 

Si je devais décevoir les yeux

Qui ont scruté — tant scruté — pour voir —

Et ne pouvaient se résoudre à se fermer avant

Qu’ils m’aient « aperçue » — ils m’ont aperçue —

 

Si je devais poignarder la foi patiente

Si sûre de ma venue —

Bien sûr je suis venue —

À l’écoute — à l’écoute ­— endormi —

En prononçant mon nom doucement —

 

Mon ©œur souhaiterait se briser avant ça —

Se briserait alors — alors brisé —

Serait aussi inutile que le prochain soleil du matin —

Là où le givre de minuit — s’étendait !

 

Emily Dickinson, Du côté des mortels, traduction

François Heusbourg, éditions Unes, 2023, p. 105.

22/11/2023

Emily Dickinson, Du côté des mortels

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Tu m’aimes — tu en es sûre —

Je n’ai pas à craindre de méprise —

Je ne me réveillerai pas trompée

Par un matin souriant —

Pour trouver l’Aube partie —

Et les Vergers — intouchés —

Et Dollie — envolée !

 

Je ne dois pas tressaillir — tu en es sûre —

Une telle nuit ne se produira jamais —

Quand apeurée — me précipitant chez Toi —

Pour trouver les fenêtres éteintes —

Et plus de Dollie — vraiment —

Plus du tout !

 

Sois sûre d’être sûre — tu sais —

Je le supporterais mieux maintenant —

Si tu me le disais simplement —

Plutôt qu’ensuite — un petit Baumier terne ayant poussé —

Sur cette douleur mienne —

Tu piques — encore !

 

Emily Dickinson, Du côté des mortels, poèmes

1860-1861, traduction François Heusbourg,

éditions Unes, 2023, p. 89.

 

20/11/2023

Emily Dickinson, Du côté des mortels

emily-dickinson-56570-330-540.jpg

Marcher pour toujours à Ses côtés —

La plus petite des deux !

Cerveau de Son Cerveau —

Sang de Son Sang —

Deux vies — Un Être — Désormais —

 

Partager Son Sort pour toujours —

En cas de chagrin — abandonner ma part

À ce Cœur bien-aimé —

 

La vie entière — pour connaître l’autre

Que nous ne pouvons jamais apprendre —

Et petit à petit — un Changement —

Appelé Paradis —

Voisinage d’humains en extase —

Découvrant alors — ce qui nous troublait —

Sans le lexique !

 

Emily Dickinson, Du côté des mortels, poèmes

1860-1861, traduction François Heusbourg,

Editions Unes, 2023, p. 133.

18/11/2023

Emily Dickinson, Du côté des mortels, poèmes 1860-1861

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Elle est morte en jouant —

Tournoyant tout le long

De son bail aux heures inachevées

Puis elle a glissé aussi gaiement qu’un Turc

Sue un Coussin de fleurs

 

Son fantôme flottait doucement sur la colline

Hier, et aujourd’hui —

Son vêtement une toison d’argent —

Son visage — un embrun —

 

Emily Dickinson, Du côté des mortels, poèmes

1860-1861,traduction François Heusbourg,

éditions Unes, 2023, p. 19.

14/04/2022

Emily Dickinson, Je cherche l'obscurité

emily-dickinson.jpg

Elle ne s’élève pas plus haut la Tombe

Pour les héros que pour les Hommes —

Elle n’est pas plus proche pour l’Enfant

Que pour le Septuagénaire engourdi —

 

Ce dernier Repos berce aussi bien

Le Mendiant et sa Reine

Séduis ce Démocrate

Un Après-midi d’Été —

 

Emily Dickinson, Je cherche l’obscurité,

traduction François Heusbourg, éditions

Unes, 2021, p. 97.

27/11/2021

Emily Dickinson, Je cherche l'obscurité

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Un grand Espoir est tombé

Tu n’as rien entendu

La Ruine était intérieure

Oh Naufrage rusé

Qui n’a conté aucune Histoire

Et n’a admis aucun Témoin

 

L’esprit fut bâti pour de lourdes Charges

Planifié pour de terribles occasions

Si souvent sombrant en Mer

Soi disant, sur Terre

 

Emily Dickinson, Je cherche l’obscurité, traduction

François Heusbourg, éditions Unes, 2021, p. 73.

02/09/2020

Emily Dickinson, Un ciel étranger

                emily-dickinson.jpg

La Vérité — est immobile —

Une autre forme — se déplace peut-on présumer —

Cela — donc — est mieux pour la confiance —

Quand les plus vieux Cèdres ploient —

 

Et que les chênes dénouent leurs poings —

Et les montagnes — faibles — penchent —

Un corps si parfait

Qu’il se tient sans un Os —

 

Une Force si vigoureuse

Qu’elle se maintient sans Support —

La Vérité reste Elle-même — et chaque homme

Qui se fie à Elle — fièrement dressé —

 

Emily Dickinson, Un ciel étranger, traduction

François Heusbourg, éditions Unes, 2019, p. 85.

27/11/2019

Emily Dickinson, Un ciel étranger

 

Emily_Dickinson.jpg

La Douleur — agrandit le Temps —

Les siècles s’enroulent dans

L'infime Circonférence

D’un simple Cerveau —

 

La Douleur contracte — le Temps —

Occupées par la détonation

Les Gammes d’Éternités

Sont comme n’existant pas —

 

Emily Dickinson, Un ciel étranger,

traduction François Heusbourg,

éditions Unes, 2019, p. 45.

19/01/2019

Emily Dickinson, Le vent se mit à bercer l’Herbe

 

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  Le vent se mit à bercer l’Herbe

 

Le Vent se mit  à bercer l’Herbe

Avec des Airs de Basse grondeuse —

Lançant une Menace à la Terre —

Une Menace au Ciel.

 

Les Feuilles se décrochèrent des Arbres —

Et s’égaillèrent de toutes parts

La Poussière se creusa elle-même comme des Mains

Et dispersa la Route.

 

Les Chars se hâtèrent dans les Rues

Le Tonnerre se rua lentement —

L’Éclair exhiba un Bec Jaune

Et puis une Griffe livide.

 

Les Oiseaux verrouillèrent leurs Nids —

Le Bétail s’enfuit vers les Granges —

Vint une goutte de Pluie Géante

Et puis ce fut comme si les Mains

 

Qui tenaient les Barrages avaient lâché prise

Les Eaux Dévastèrent le Ciel,

Mais négligèrent la Maison de mon Père —

N’écartelant qu’un Arbre —

 

                  The Wind begun to rock the Grass

 

The Wind begun to rock the Grass

With threatening Tunes and low —

He threw a Menace at the Earth —

A Menace at the Sky.

 

The Leaves unbooked themselves from Trees —

And started all abroad

The Dust did scoop itself like Hands

And threw away the Road.

 

The Wagons quickened on the Streets

The Thunder hurried slow —

The Lightning showed a Yellow Beak

And then alivid Claw.

 

The Birds put up the Bars to Nets —

Ther came one drop of Giant Rain

And then as il the Hands

 

That held the Dams had parted hold

The Waters Wrecked the Sky,

But overlooked my Fathers’s House —

Just quartering a Tree —

 

Emily Dickinson, traduction Pierre Leyris dans son Anthologie

de la poésie américaine du XIXe siècle, édition bilingue, Gallimard,

1995, p. 332-333.

09/01/2018

Emily Dickinson, Ses oiseaux perdus (dernières années, 1882)1886)

                                       Dickinson.JPG

Tout à fait vide, tout à fait calme,

La Grive boucle son Nid et exerce ses Ailes —

Elle ne connaît pas la Route

Mais avance Machine toute

Vers des rumeurs de printemps —

Elle ne demande pas de Midi —

Elle ne demande pas de Merci —

Sans miettes et sans force, avec une seule requête —

Ses Oiseaux perdus —

 

Quite empty, quite at rest,

The Robin locks her Nest, and tries her Wings —

She doesnot know her Route

But puts her Craft about

For rumored springa

She does not ask for Moon —

Se does not ask for Boon —

Crumbless and homeless, of but one request —

The Birds xhe lost —

 

Emily Dickinson, Ses oiseaux perdus, traduction François

Heusbourg, éditions Unes, 2017, p. 59 et 58.

09/11/2017

Emily Dickinson, Y aura-t-il pour de vrai un matin

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I’m Nobody! Who are you?

Are you — Nobody — too?

Then there’s a pair of us!

Dont tell ! they’d banish us — you know!

 

How dreary — to be — Somebody!

How public — like a Frog —

To tell your name — the livelong June —

To an admiring Bog!

 

Je ne suis personne ! et vous ?

Personne — non plus ?

Alors nous faisons la paire !

Chut ! on nous bannirait — savez-vous !

 

Que c’est ennuyeux — d’être — Quelqu’un !

Vulgaire — comme la grenouille —

De claironner son nom — au long de Juin —

À un Marais admiratif !

 

Emily Dickinson, Y aura-t-il pour de vrai un matin,

traduit et présenté par Claire Malroux, José Corti,

2008, p. 252-253.

22/12/2015

Emily Dickinson, Nous ne jouons pas sur les tombes : recension

 

   Emily Dickinson a été largement accueillie en France et, avec des points de vue différents, traduite pour un ensemble de poèmes par Pierre Leyris et Patrick Reumaux, pour une grande partie de l’œuvre par Claire Malroux qui, en outre, lui a consacré un livre(1). Il existe un dizaine d’autres choix dont, à vrai dire, on ne comprend pas toujours le principe, et seulement une traduction complète des poèmes proposée par Francoise Delphy(2). François Heusbourg, lui, retient 60 poèmes parmi ceux écrits en 1863, l’année « la plus prolifique de l’auteur avec près de 300 poèmes écrits, et qui marque le début d’un réclusion progressive qui fera sa légende ». Sa sélection propose des poèmes relativement longs (plusieurs strophes) et de très courts (le premier traduit, 2 vers) ; elle recouvre les thèmes propres à Emily Dickinson, mais choix et traduction aboutissent à lui donner un visage différent, moins sombre, plus varié que celui très souvent proposé.

Dans les poèmes choisis, la mort demeure un thème important et elle garde, ni plus ni moins, les valeurs que lui impose la poésie lyrique et, en particulier, celle de la fin du xvie siècle : elle s’oppose à tout ce qui est mouvement, transformation, passage. Étrangère à ce qui constitue le quotidien, elle est inconnaissable et, donc, n’est en rien l’essentiel de ce qui devrait préoccuper les vivants : « Je pourrais mourir — pour savoir / C’est un savoir insignifiant ». Elle ne peut être qu’imaginée, comme si elle appartenait à l’univers du théâtre, la vie s’apparentant à une fiction sans cesse à construire. Par ailleurs, il y a une séparation totale d’avec les morts dont les tombes n’ont rien à voir avec le vivant, ce que rappelle le poème dont le premier vers est repris pour titre du recueil :

Nous ne jouons pas sur les Tombes —

Car il n’y a pas de Place —

De plus — ce n’est pas plat — ça penche

Le désespoir est beaucoup plus présent que la mort dans le vécu : « Nul Homme ne peut compasser un Désespoir », désespoir aussi violent que celui des naufragés qui ne voient pas le rivage. La métaphore n’est pas indifférente, la mer figurant aussi l’éternité, éternité seulement présente dans la nature, par exemple encore avec les « faces éternelles » des montagnes. S’il y a désespoir, c’est sans doute par absence de Dieu, ou plutôt d’un signe de la divinité créant ici sans peine un Soleil, mais « Là — oubliant un Homme — ». C’est peut-être, tout autant, par impossibilité de comprendre : comprendre pourquoi ‘’je’’ est ; ce qu’exprime avec force un vers, « L’Expression la plus Vitale du Drame est le Jour Ordinaire ». Du désespoir, de l’incompréhension naissent la douleur qui, donc, n’a pas de début ni de fin, « Son infini contient / Son passé ».

   Poésie sombre ? certainement si l’on isole certains poèmes, et l’on peut ajouter que l’obscurité, celle de la nuit est toujours crainte, figure par excellence de la séparation. Le choix de François Heusbourg, bien heureusement, engage une lecture plus complexe — plus juste — d’Emily Dickinson. Certes, elle écrit « Je n’ai pas l’habitude de l’Espoir », mais le motif de la joie est souvent associé à celui de la douleur, mais la place du rêve est essentielle dès qu’il y a méditation sur le monde et parce que nous sommes vivants : « Nous rêvons — c’est bon que nous rêvions », mais il y a un plaisir à vivre le quotidien. Il faut aussi apprécier l’humour d’Emily Dickinson quand, par exemple, elle se définit vivante grâce au souffle dans le miroir, mais aussi parce qu’elle est absente du salon et qu’elle n’est pas propriétaire d’une maison, ou ailleurs comparant le jour et elle-même elle constate que tous deux ont leur crépuscule, mais : « Le mien est plus pratique / À porter dans la Main ».

   On pourrait aussi lire dans les poèmes de celle qui vécut solitaire (« Seule [...] comme une Église en ruines ») une érotique, toujours exprimée par le biais de figures ; c’est la mer qui s’ouvre, c’est le soleil qui « Cherche longuement — d’un dernier — regard doré — / Une compagnie — pour la nuit —». Et l’amour est un « petit labeur », écrit-elle, « assez grand pour moi ». Et le mouvement vers les autres prend une autre forme ; quand Emily Dickinson énumère ce qui fait sens dans la vie (le soleil, l’été, le paradis), elle en vient à conclure que les poètes « semblent / Comprendre le Tout », et la place de la poésie dans la vie devrait être d’autant plus essentielle qu’est reconnue l’impossibilité de dire exactement ce qui est à dire. Plus largement, « La Province des Sauvés / Devrait être l’Art ».

   J’ai choisi des poèmes dans le choix de François Heusbourg et, ce faisant, n’ai évidemment mis en valeur que quelques aspects d’une poésie dont d’autres ont dit la complexité. Je n’ai rien dit de l’avant-propos : vive lecture que le poème en prose de Caroline Sagot Duvauroux, pour qui Emily Dickinson « arpente le bord changeant de la lumière, le roulis, le seuil glissant d’un je à l’autre je, parmi les épaves dont nous sommes ramasseurs. »

 

Emily Dickinson, Nous ne jouons pas sur les tombes, édition bilingue, traduit de l’américain par François Heusbourg, éditions Unes, 2015, 136 p., 21 €.

Cette note a été publiée dans Sitaudis le 7 décembre 2015.

 

  1. On lira les traductions de Pierre Leyris dans son Esquisse d’une anthologie de la poésie américaine du xixesiècle (Gallimard, 1995). Pour Patrick Reumaux : traduction, préface et postface, Emily Dickinson : Le paradis est au choix (Elisabeth Brunet, 1998). Pour Claire Maltoux : traduction et présentation : Emily Dickinson, Une âme en incandescence, Lettres au maître, à l’ami au précepteur, à l’amant (José Corti, 1998) ; Emily Dickinson, Quatrains et autres poèmes brefs, édition bilingue (Poésie / Gallimard, 2000) ; Car l'adieu, c'est la nuit (Poésie / Gallimard, 2007) : Avec amour Emily, Y aura-t-il pour de vrai un matin (José Corti, 2008) ; et Chambre avec vue sur l’éternité : Emily Dickinson (Gallimard, 2005)
  2. Emily Dickinson, Poésies complètes, édition bilingue, traduction de Françoise Delphy, Flammarion, 2010, 1472 p.