10/05/2022
Jean-Loup Trassard, Paroles de laine
Une grive avait chanté, plusieurs jours à la pointe des charmilles libres, à peine moins hautes que les chambres. Elle continuait son chant sous les averses, dos vertical, avec de longs silences comme si elle s’écoutait. Puis le vent d’ouest n’avait plus conduit de pluie, ni de grêle blanche sur le zinc des balcons. Le vent n’était plus venu, laissant au soleil une terre gorgée d’eau. Et les arbres fruitiers sauvages s’étaient signalé entre les autres jusqu’à l’horizon par leurs fleurs blanches. La grappe des orchis, serrée dans le tuyau des feuilles enroulées, avait jailli violette.
Jean-Loup Trassard, Paroles de laine, Gallimard, 1967, p. 99-100.
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09/01/2018
Emily Dickinson, Ses oiseaux perdus (dernières années, 1882)1886)
Tout à fait vide, tout à fait calme,
La Grive boucle son Nid et exerce ses Ailes —
Elle ne connaît pas la Route
Mais avance Machine toute
Vers des rumeurs de printemps —
Elle ne demande pas de Midi —
Elle ne demande pas de Merci —
Sans miettes et sans force, avec une seule requête —
Ses Oiseaux perdus —
Quite empty, quite at rest,
The Robin locks her Nest, and tries her Wings —
She doesnot know her Route
But puts her Craft about
For rumored springa —
She does not ask for Moon —
Se does not ask for Boon —
Crumbless and homeless, of but one request —
The Birds xhe lost —
Emily Dickinson, Ses oiseaux perdus, traduction François
Heusbourg, éditions Unes, 2017, p. 59 et 58.
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13/08/2014
Jacques Roubaud, Les Animaux de tout le monde / de personne
Grive musicienne
La grive
Quand s’achève le mois d’octobre
quand les vendanges sont passées
quand les vignes rouges blessées
par l’automne saignent sombres
quand les cyprès aux noires ombres
en haut des collines dressés
luttent contre les vents pressés
on voit la petite grive sobre
s’asseoir dans la vigne sous les feuilles
avec son panier à raisins
de son bec expert elle cueille
muscat, grenaches, grain à grain
elle en goûte tant qu’elle roule
dans la poussière, heureuse et saoule.
Jacques Roubaud, Les Animaux de tout le monde, Seghers, 1990 [éditions Ramsay, 1983], p. 52.
Kinkajou Poto Flavus
Le Kinkajou Potto
Alexandre von Humboldt
Possédait un Kinkajou
Il l’aimait son Potto, son pote
Il l’embrassait sur les joues.
Et le Kinkajou passait
Douce, extensive, sa langue
Sur la barbe bien brossée
Du savant en toutes langues.
Il faudrait se lever tôt
Pour trouver plus insolite
Que l’amour du grand linguiste
Pour son Kinkajou Potto.
Alexandre avait, dit-on,
Ô merveille naturelle
Deux coqs de roche femelles
Joyaux de sa collection.
Or un jour le Kinkajou
Recevut un télégramme
Qui venait de la Louisiane
Où pousse le bel acajou.
C’était de sa vieille mère :
« Faut qu’tu revienn’zaussitôt
Suite décès à ton père
Rois des Kinkajous Pottos. »
Alexandre n’était pas là
Et le Kinkajou (c’est moche !)
Tua les poulettes de roche
Et partant les emporta.
Le sens de cette aventure
C’est que le Kinkajou n’est
Pas un ours. Un ours n’aurait
Jamais pris la précaution
D’emporter des provisions
Ce n’est pas dans sa nature.
Jacques Roubaud, Les Animaux de personne, Seghers, 1991, p. 50-51.
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24/06/2011
Jacques Roubaud, Les Animaux de tout le monde / de personne
Grive musicienne
La grive
Quand s’achève le mois d’octobre
quand les vendanges sont passées
quand les vignes rouges blessées
par l’automne saignent sombres
quand les cyprès aux noires ombres
en haut des collines dressés
luttent contre les vents pressés
on voit la petite grive sobre
s’asseoir dans la vigne sous les feuilles
avec son panier à raisins
de son bec expert elle cueille
muscat, grenaches, grain à grain
elle en goûte tant qu’elle roule
dans la poussière, heureuse et saoule.
Jacques Roubaud, Les Animaux de tout le monde, Seghers, 1990 [éditions Ramsay, 1983], p. 52.
Kinkajou Poto Flavus
Le Kinkajou Potto
Alexandre von Humboldt
Possédait un Kinkajou
Il l’aimait son Potto, son pote
Il l’embrassait sur les joues.
Et le Kinkajou passait
Douce, extensive, sa langue
Sur la barbe bien brossée
Du savant en toutes langues.
Il faudrait se lever tôt
Pour trouver plus insolite
Que l’amour du grand linguiste
Pour son Kinkajou Potto.
Alexandre avait, dit-on,
Ô merveille naturelle
Deux coqs de roche femelles
Joyaux de sa collection.
Or un jour le Kinkajou
Recevut un télégramme
Qui venait de la Louisiane
Où pousse le bel acajou.
C’était de sa vieille mère :
« Faut qu’tu revienn’zaussitôt
Suite décès à ton père
Rois des Kinkajous Pottos. »
Alexandre n’était pas là
Et le Kinkajou (c’est moche !)
Tua les poulettes de roche
Et partant les emporta.
Le sens de cette aventure
C’est que le Kinkajou n’est
Pas un ours. Un ours n’aurait
Jamais pris la précaution
D’emporter des provisions
Ce n’est pas dans sa nature.
Jacques Roubaud, Les Animaux de personne, Seghers, 1991, p. 50-51.
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