06/03/2017
Isabelle Stengers, Au temps des catastrophes
« Faire attention », c’est là, apparemment, un savoir commun. Nous savons faire attention à toutes sortes de choses et même ceux qui sont le plus férocement attachés aux vertus de la rationalité occidentale ne refuseront pas ce savoir aux peuples qu’ils jugent soumis à des superstitions. D’ailleurs, même les animaux aux aguets témoignent de cette capacité..
Et pourtant, on peut dire tout aussi bien que, dès lors qu’il s’agit de ce que ‘on nomme « développement » ou « croissance », l’injonction est de surtout ne pas faire attention. Il s’agirait de ce qui commande tout le reste, nous sommes sommés de penser la possibilité de réparer les dommages qui en sont le prix. En d’autres termes, alors que nous avons bien plus de moyens de prévoir et de mesurer ces dommages, on nous demande le même aveuglement que nous attribuons à ces civilisations du passé qui ont détruit l’environnement dont elles dépendaient. Et l’on détruit de manière seulement locale et sans avoir, contrairement à ce que nous avons fait en un siècle, exploité jusqu’à la raréfaction les « ressources » constituées au cours de millions d’années d’histoire terrestre(bien plus longtemps pour les nappes aquifères).
Ce que nous avons été sommés d’oublier, n’est pas la capacité de faire attention, mais l’art de faire attention. Si art il y a, et non pas seulement capacité, c’est qu’il s’agit d’apprendre et de cultiver, c’est-à-dire, littéralement, de faire attention. Faire au sens où l’attention, ici, ne se rapporte pas à ce qui est a priori défini comme digne d’attention, mais oblige à imaginer, à consulter, à envisager des conséquences mettant en jeu des connecions entre ce que nous avons l’habitude de considérer comme séparé. Bref, faire attention, au sens où l’attention requiert de savoir résister à la tentation de juger.
Isabelle Stengers, Au temps des catastrophes, Résister à la barbarie qui vient, La Découvete/Poche, 2013, p. 51-52.
05/03/2017
Pierre Reverdy, Le Gant de crin
Je ne connais pas d’exemple d’une œuvre qui ait inspiré moins de confiance à son auteur que la mienne.
Aussi me gardé-je bien de la défendre.
J’accepte ici qu’elle peut n’être qu’un témoin d’impuissance.
Le propre de l’image forte est d’être issue du rapprochement spontané de deux réalités très distantes dont l’esprit seul a saisi les rapports.
Il n’est que les gens de métier qui se satisfassent de quelque certitude sur leurs facultés.
Mais en poésie les gens de métier sont les médiocres.
Si les glaces de verre sont flatteuses pour toi, supprime-les. Ne te regarde pas en dehors mais en dedans, il y a là un sombre miroir sans complaisance.
Pierre Reverdy, Le Gant de crin, Plon, 1927, p. 26-27, 34, 44, 105.
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04/03/2017
Jean-Christophe Bailly, La fin de l'hymne
La fin de l’hymne
[…] il en va des voix comme des lieux : la résonance n’est pas leur fort. Donner aux voix comme aux lieux la juste résonance, il se trouve que cela s’accorde en une seule question, lorsqu’il s’agit de créer des lieux tels que des voix puissent s’y faire entendre. Nous le voyons ici, très concrètement, un problème d’acoustique vient se greffer sur la parole envisagée dans son être le plus pur. À quoi bon parler si l’on n’est pas entendu ? Le seuil de tolérance au-delà duquel la parole est perdue est très vite atteint : aussi, dès que le nombre de personnes réunies par une situation de langage dépasse ce seuil, la parole doit perdre à la fois la spontanéité de l’échange et l’immédiateté de son élocution, elle doit organiser son espace. L’acoustique survient avec le politique, elle en est le signe. Comment se faire entendre ? Comment créer des lieux tels que la parole puisse être entendue par beaucoup ou par tous ?
Jean-Christophe Bailly, La fin de l’hymne, collection Titres, Christian Bourgois, 2015 (1991), p. 109-110.
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03/03/2017
Walter Benjamin, Images de pensée
San Gimignano
À la mémoire de Hugo von Hofmannsthal
Trouver des mots pour ce qu’on a devant les yeux — comme cela peut être difficile. Mais lorsqu’ils viennent, ils frappent le réel à petits coups de marteau jusqu’à ce qu’ils aient gravé l’image sur lui comme sur un plateau de cuivre. « Le soir les femmes se rassemblent à la fontaine devant la porte de la ville pour puiser de l’eau dans de grandes cruches » — c’est seulement lorque j’eus trouvé ces mots que l’image se dégagea du vécu trop aveuglant, avec des bordures dures et des ombres profondes. Qu’avais-je su auparavant des saules à la blancheur flamboyante qui veillent l’après-midi avec leurs petites flammes devant les remparts de la ville ? Auparavant, les treize tours devaient s’arranger pour vivre bien à l’étroit, et, depuis lors, elles prirent chacune sagement leur place et, entre elles, il y avait encore beaucoup d’espace.
Walter Benjamin, Images de pensée, traduction Jean-François Poirier et Jean Lacoste, Christian Bourgois, collection Titres, 2011, p. 113.
***
Après « Les huîtres en questions », les éditions Les Ateliers d’Argol publieront « Les semences en questions ».
Pour aider à publier ce livre une campagne de financement participatif est lancée.
Cette opportunité aujourd’hui courante pour le montage de films, se propose désormais pour des projets personnels ambitieux d’auteurs et éditeurs.
Le livre « Les semences en questions » représente une aventure personnelle à partager, soutenue par un réseau de futurs lecteurs et pour une sensibilisation de tous aux questions d’alimentation durable.
Rendez-vous sur :
https://www.kisskissbankbank.com/les semences-en-question?ref=category
Sa sortie en librairie est prévue pour le mois de septembre 2017, mais il est déjà écrit qu’il fera grand bruit. La question des semences, pierre angulaire de notre agriculture, y est abordé sous toutes ses coutures. Ce « plus petit élément de vie » est aussi le plus grand dénominateur commun d’une alimentation saine. Réglementé, privatisé, confisqué même, l’univers des semences est passionnant car il est l’objet de tous les appétits des multinationales. Lesquelles ont compris qu’en mettant la main sur la semence, ils tenaient en laisse toute la chaine, de la terre à la fourchette.
Débattre de la semence relève de la responsabilité individuelle et collective. C’est ce que propose ce livre très bien documenté et argumenté, écrit et pensé par Catherine Flohic, journaliste et éditrice.
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02/03/2017
Julien Bosc, La coupée
Garder son cap
n’est jamais varier que très lentement
ne jamais non plus aller plus vite qu’il ne faut
bien observer tout ce qui entoure sans se soucier de soi
aimer la lenteur à sn corps défendant si nécessaire
l’apparence du surplace quelquefois et s’il advient s’armer de patience
attendant sans tourments des jours meilleurs ils reviendront tôt ou tard
être là de nuit comme de jour et
en permanence à l’écoute de ce qui se dit ou chante
comme de tout semblerait se taire
de quelques règles de la vie en mer
— qui pourraient être du poète
Julien Bosc, La coupée, Potentille, 2017, p. 14.
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01/03/2017
Octave Mirbeau, La Grève des électeurs
Une chose m’étonne prodigieusement — j’oserai dire qu’elle me stupéfie — c’est qu’à l’heure scientifique où j’écris, après les innombrables expériences, après les scandales journaliers, il puisse exister encore dans notre chère France (comme ils disent à la Commission du budget) un électeur, un seul électeur, cet animal irrationnel, inorganique, hallucinant, qui consente à se déranger de ses affaires, de ses rêves ou de ses plaisirs, pour voter en faveur de quelqu’un ou de quelque chose… Quand on réfléchit un seul instant, ce surprenant phénomène n’est-il pas fait pour déroutes les philosophies les plus subtiles et confondre la raison ? […] qu’un député, ou un sénateur, ou un président de la République, ou n’importe lequel de ces étranges farceurs qui réclament une fonction élective, quelle qu’elle soit, trouve un électeur, c’est-à-dire l’être irrêvé, le martyr improbable, qui vous nourrit de son pain, vous vêt de sa laine, vous engraisse de sa chair, vous enrichit de son argent, avec la seule perspective de recevoir, en échange de ces prodigalités, des coups de trique sur la nuque, des coups de pied au derrière, quand ce n’est pas des coups de fusil dans la poitrinr, en vérité cela dépasse les notions déjà pas mal pessimistes que je m’étais faites jusqu’ici de la sottise humaine en général, et de la sottise française en particulier, notre chère et immortelle sottise, ô chauvin !
Octave Mirbeau, La Grève des électeurs [1888], éditions Allia, 2017, p. 7 et 8-9.
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28/02/2017
Dorothea Grünzweig, Album de poésie
Traduis et rêve
Je suis un poème à l’instant traduit
dissous et récréé
ne me rappelle aucune dérive
entre mon moi démonté et remonté
rêve juste que c’est arrivé
Je dis
Viens vieux corps
sois mon hôte dans le nouveau
il vient
est invisible passe en moi
reste dans le présent
si bien que je suis moi et
à ma place
Un ruban me traverse
je n’en vois pas les extrémités
et quelqu’un dit
C’est la corde de l’âme
indissoluble inébranlable
Et dit
Elles seront autour de lui
car le corps n’est que prêté
transformées métamorphosées
Dorothea Grünzweig, Album de poésie,
traduction C. Colomb et M. Millischer,
dans Europe, n°1055, mars 2017, p. 264.
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27/02/2017
Jean-Pierre Chevais, Le temps que tombent les papillons
Je préfèrerais pas
être mort tout
de suite
j’ai
un mot trois
en fait à
vous dire a
près
je rangerai
oh
ça prendra
pas long
temps
si
quelques mots
trop longs
ils
se plieront ja
mais
je les met
trai
en
tre nous
ça
fera bien
les mots
pour finir
c’est bien sur
tout
les longs
Jean-Pierre Chevais, Le temps
que tombent les papillons, Rehauts,
2017, p. 65.
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26/02/2017
Laurent Fourcaut, Arrière-saison
Laurent Fourcaut, responsable de la très belle revue annuelle Place de la Sorbonne, éditeur de Giono, fin connaisseur de la littérature contemporaine, est aussi poète. Arrière-saison rassemble 34 sonnets et 4 dizains ; une bonne partie est consacrée à la vie quotidienne, avec un regard critique sur ce qui se passe dans la société, dénonçant quand il y a à dénoncer ce qui détruit la vie de uns et des autres, notamment « la finance flasque / qui contamine tout jusqu’à putréfaction » — ou pour le dire autrement : « le Capital nous pourrit la vie ». Avec la même verve, Laurent Fourcaut, dans un dizain titré "Prière", associe religion et sexualité, commençant par détourner des notions toujours vivantes pour les chrétiens, « Un feu d’enfer efface les péchés / aussi est-on tous les soirs près de l’âtre / de quoi ressusciter un vit branché ». Le dizain, construit avec des mots liés au feu — donc pour tous à la passion — s’achève ironiquement, après une jeu des sons, sur ce qui illustre la mièvrerie amoureuse : « incandescent dessin carte du Tendre ».
L’ironie est sans doute un des caractères de ces poèmes, manière de se mettre à distance d’un monde bien peu satisfaisant. Décrivant un tableau de Pieter Brueghel l’Ancien, Chasseurs dans la neige, Laurent Fourcaut semble un moment céder au lyrisme, mais notant que l’eau « fait comme un miroir / qui dédouble le monde », il ajoute dans le dernier vers : « multipliant du coup les espaces où choir ». Chute du sonnet pour éloigner toute sentimentalité — mais auparavant il avait rompu l’ordre de la description en changeant brusquement de niveau de langue : « le froid nique leur [des chasseurs] flair ».
Ces décalages sont constants et efficaces. On notera certains titres qui, d’emblée, questionnent la tentation que l’on pourrait avoir de lire sérieusement un sonnet ; ainsi "De l’art et du cochon", "À poil !", "Sœur âne" — ou "Rosbifs" (dizain à propos d’Anglais). L’emploi d’un subjonctif (« on voudrait qu’il fût ») est immédiatement suivi de formes lexicales familières : « Une belle instit blonde au beau cul ». Un éloge de Glenn Gould est titré "La totale", et même si d’autres sonnets évoquent Watteau, Van Loo ou l’abbaye du Thoronet, la majorité des poèmes abordent plutôt des sujets liés à des plaisirs plus terrestres : boire de la bière, regarder les jolies femmes.
On sait bien que la mélancolie n’est pas toujours loin de l’ironie et ici est dite avec simplicité la difficulté, souvent, de vivre. Le second sonnet emprunte son titre à Baudelaire, "Enivrez-vous", et en propose une variation, comme on parle de variation musicale : « qu’est-ce qui s’interpose entre le triste moi / et la jouissance du réel ». Le réel, toujours à rechercher, toujours fuyant ? « pas une once de réel dans l’atroce info / générale », il faudrait ouvrir « une fenêtre / sur un peu de réel » et non pas parler. Des dates ponctuent l’ensemble, et le dernier poème est titré "13 novembre" : cette fois, « On prend un affreux coup de réel dans la face » avec la mort, et cette fois, « Faut du silence sinon rien qui soit du sens ».
Laurent Fourcaut, dans cette Arrière-saison comme dans ses précédents recueils, garde une forme fixe, le sonnet en alexandrins ; il choisit, presque toujours, un modèle du xvie siècle, comme pour le dizain la forme en décasyllabes de Maurice Scève pour Délie. Cela n’empêche pas quelques accommodements : l’amateur trouvera souvent des rimes riches (trois sons en commun), mais aussi — rarement — des assonances, dans les dizains (monstres / honte / remonte) et dans les sonnets (mornes / menottes). Cela n’empêche pas non plus de jouer avec ce qui est réputé classique, en introduisant par exemple un vocabulaire qui est à l’encontre du convenu (chouia, impec, kiffer, locdu, etc.) ou couper un mot pour obtenir une rime (perpendiculaire / ment ; obéissanc / e). Les choix sont d’ailleurs définis clairement dans un "Art poétique" liminaire ; retenir le sonnet, soit, mais sans être esclave du dispositif : on en fait ce que l’on veut en faire (voir hier Queneau, aujourd’hui Roubaud) et, pour Laurent Fourcaut, il « écrit donc des vers lubriques et pervers / pour se frotter au réel par l’intermédiaire / d’une langue trouée érotisée ».
Laurent Fourcaut, Arrière-saison, Le Miel de l’Ours, 2016, 44 p.
Cette note a été publiée par Sitaudis le 10 février 2017.
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25/02/2017
Amelia Rosselli, Document, 1966-1973
Tu mourus toi aussi ; ou tu voulus mourir, moi
j’en eus des nouvelles avant d’en mourir, si jamais
ce fut toi à m’en donner.
J’ai l’ennui pour ligne d’arrivée, et la faute
pour arrière-garde.
Tangente divisée, je suis grotesque ce soir
et les montres avec leurs nombreux objets
ne se lassent pas de regarder.
Amelia Rosselli, Document, 1966-1973, traduction
Rodolphe Gauthier, La Barque, 2014, p. 162.
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24/02/2017
Edward Lear, Nonsense
Un Alphabet
L’Âne Affreusement Anorexique vivait dans un tonneau, ayant pour tout régime Limonade et Cornichons.
La Bienveillante Blatte portait toujours, par beau temps, un Parapluie Vert qu’elle oubliait, par gros temps, au fond d’un placard.
Le Charolais au Confortable Canapé aimait à paresser devant la Cheminée où il faisait griller quelques tranches de pain.
Edward Lear, Nonsense, traduction Patrick Hersant, Petite bibliothèque Ombres, 1997, p. 102, 103, 104, 122.
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23/02/2017
Philippe Beck, iduna et braga de la jeunesse
Chapitre 2. De l’école à l’impression. L’éditeur et l’apparition.
Le passé ne choisit pas. Il s’édite ou s’imprime. Le peuple des écrivains acceptés (enregistrés, conservés) et isolés est une communauté d’efforts employés. La bibliothèque en forme l’image bizarre : des êtres côte à côte (des boîtes arrêtées) aident les silhouettes qui apparaissent, et les ombres consistantes qui tendent les bras en cherchant. Les volumes qui se partagent l’espace imaginé marquent les vergers circulants (les silhouettes consolidées). Chercher un livre, c’est apparaître devant lui. Mais le peuple des auteurs (des noms autorisés) assemble les textes apparus pour éduquer des nouveau-nés. L’état du lecteur face aux œuvres classées est donc l’état du nouveau-né continué ; il explique la fascination désarmée, le rêve de partager une force (une autorité), et l’obéissance, mêlée de respect, aux hommes qui nomment l’effort pour être majeur, pour apparaître dans un monde. (Dante élabore un babil enseignant pour soustraire à la torpeur sans rêve d’être soumis à la bible du passé fermé. Le geste neuf est d’un parlant commençant et impressionné — d’un apparaissant frère et descendant.) Or, un tel arrachement à l’état du désarmé est le but d’une transmission forcée. L’autorité sans fraternité est la tentation de l’éducateur lettré, qui réalise la tradition. L’éditeur des classiques éduque sans forcer ; il propose des textes, les dispose aux lecteurs en puissance de pensée. Il vaporise des condensés circulants et pense en démocrate. Un désir despotique d’imposer la nuée des modèles (et ses orages possibles) aux âmes tendres à l’école détruit l’idée de l’égalité.
[…]
Philippe Beck, iduna et braga de la jeunesse, Corti, 2017, p. 27-28.
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22/02/2017
Tom Raworth (1938-2017), Penser un titre
Penser un titre
plus tard elle lui marcherait
sur les pieds en dormant
jusqu’au bord de l’inspiration
les ongles vernis
arrêtés au milieu d’une phrase
négligeant — méprisant
la courbe légendaire des étoiles
élaborant des stratagèmes
rétrécissait dans sa tête
jusqu’à emplir le jour
créant une illusion
la radiation d’un éclair orange
englouti dans le vide
au-delà des étangs, en bas des collines
Tom Raworth, Penser un titre, traduction de
l’anglais par Marie Borel et Jacques Roubaud, dans
intempéries, textes Éric Audinet, Tom Raworth,
Sarah Clément, photographies Jean-Yves Cousseau,
éditions isabelle sauvage, 2017,
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21/02/2017
Paysages d'hiver, reflets au bord de l'eau
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20/02/2017
Denis Roche, Le Mécrit
Idées sur une lecture démonstrative particulièrement rapide (III)
/II/ La poésie est inadmissible. D’ailleurs elle n’
existe pas. Je l’ai quittée une semaine auparavant
Disant : « cette vie vécue des nues d’entre nous
Et répétant qu’il le minéral du temps du vent
Je regarde par la fenêtre de ce flambeau neuf
Hélas, pot, crassier, enflure gigantesque appeau
Je remonte, sans m’en donner la peine, l’épais
Tapis de chemins étroits, confondus, oléagineux
Coulis de saine envie enfilant fesse après fesse
À l’écharpe agitée depuis le bastingage d’août
Dernier. Rien n’y fait. De toute façon. Le
Marbre surgit et soutire tout à l’haleine. Et
Elle sourit parce que visiblement elle ne peut
Rien faire d’autre. Sinon, évidemment me jeter
À la tête quelque aliment dont la vulgarité ne
Fera qu’ajouter au mystère.
Denis Roche, Le Mécrit, Seuil, 1972, p. 62.
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