23/03/2023
Judith Chavanne, De mémoire et de vent
Rêves et projets que l’on forma
à notre insu parfois
sont comme fantômes ou brumes d’automne
quand le soleil est trop incertain,
trop faible pour les dissiper.
Ce sont présences qui nous environnent
marchent à nos côtés ;
on en conçoit de l’inquiétude,
loin de se sentir épaulés.
on sent qu’elles ont part à notre existence,
qu’il faudrait vivre la vie
à leur ressemblance, mais
d’elles à ce qu’aujourd’hui nous sommes,
ce sont promesses perdues.
Judith Chavanne, De mémoire et de vent,
L’herbe qui tremble, 2023, p. 41.
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15/02/2018
Madeleine Lee, Arbres à pluie
Arbres à pluie
arbre à pluie immense
splendeur fière ancienne
bras haut levés vers les cieux
pieds fermement enracinés
toi, un sanctuaire
où les fougères nids-d’oiseaux offrent
des orchidées blanches sauvages — pour la paix
et la fougère cheveux-de-Vénus à tes pieds
se prosterne en remerciements
pour la promesse tenue
tes petites feuilles s’égarent
en travers de mon front
ouvrant mon troisième oeil
massant mon crâne comme le faisait mon père
il y a longtemps dans la mer méditerranée
on éleva une statue colossale
édifiante jusqu’à ce qu’elle tombe en miette sombrant dans les profondeurs de la mer
mais toi tu resteras debout
étant fait de matière des cieux.
Madeleine Lee, Arbres à pluie, traduction de l’anglais (Singapour) Pierre Vinclair, dans Catastrophes, revue numérique, n° 4, janvier 2018, "L’esprit du bas".
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30/12/2017
Friederike Mayröcker, Bonsoir, Bonjour
Image arrêtée
Sans amour lieu
Sans amour se traiter
soi-même, attendre
n’importe quelle promesse :
facteur téléphone
direction lune
couleur de ciel
progressivement la nature
couronne la clôture
de rose
Plusieurs fois par jour l’heure (l’alarme)
ce temps en éclats ! chaque fois
vers une prochaine charité
se tourner
à la fin le dernier
soleil ourle en la dorant
l’oreille
réconfortant, flamme de cire
en nonchalant rose
Friederike Mayröcker, Bonsoir, Bonjour,
traduction de l’allemand Gabrielle Ross
et Marcelle Fonfreide, dans
Le Nouveau Commerce, automne 1982, p. 41.
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12/01/2014
Paul Celan, Pavot et mémoire,
En hommage à Jean Bollack : une semaine avec Paul Celan
Louange du lointain
À la source de tes yeux
vivent les filets des pêcheurs d'eaux folles.
À la source de tes yeux
la mer tient sa promesse.
Je jette là
un cœur qui a vécu parmi les hommes,
jette bas mes vêtements et l'éclat d'un serment :
Plus noir dans le noir je suis plus nu.
Infidèle seulement je suis fidèle.
Je suis tu quand je suis je.
À la source de tes yeux
je suis emporté et je rêve de rapine.
Un filet a pêché un filet :
nous nous séparons enlacés.
À la source de tes yeux
un pendu étrangle sa corde.
Lob der Ferne
Im Quell deiner Augen
leben die Garne der Fischer der Irrsee.
Im Quell deiner Augen
hält das Meer sein Versprechen.
Hier werf ich,
ein Herz, das gewellt unter Menschen,
die Kleider von mir und den Glanz eines Schwures :
Schwärzer im Schwarz, bin ich nackter.
Abtrünnig esrt bin ich treu.
Ich bin du, wenn ich ich bin.
Im Quell deiner Augen
treib ich und träume von Raub.
Ein Garn fing ein Garn ein :
wir scheiden umschlungen.
Im Quell deiner Augen
erwürgt ein Gehenkter den Strang.
Paul Celan, Pavot et mémoire, traduction de Valérie
Briet, Christian Bourgois, 1987, p. 69 et 68.
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