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20/09/2020

Jacques Réda, L'adoption du sytème métrique

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               L’insaisissable

 

Le matin et le soir, quand la foule s’active

Entre les carrefours, déserts après midi

Comme au fond d’un miroir où l’heure s’engourdit,

J’ai vu dans les faubourgs la beauté fugitive.

Je reconnais de loin la teinte un peu trop vive

De sa robe trop courte et le geste arrondi

Qu’elle a vers ses cheveux dont la flamme assourdit

L’éclat des bijoux faux des vitrines.

                                                         J’arrive

Parfois à m’approcher d’elle, mais c’est toujours

Quand de nouveau midi submerge ces faubourgs

Dont le silence augmente avec leur étendue.

Elle m’appelle alors, et – joueuse –

M’échappe quand j’allais l’atteindre : dans l’instant,

Plus personne – un couloir sordide l’a happée,

Puis ce miroir au fond duquel, en écoutant

Mon pas elle se tient droite comme une épée.

 

Jacques Réda, L’adoption du système métrique,

Gallimard, 2011, p. 26.

19/09/2020

Vélimir Khlebnikov, Choix de poèmes

 

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             Sombre

 

Quand j’en aurai assez de moi

je me jetterai dans le soleil doré,

l’aile bruissante je revêtirai,

je mêlerai le vice et le sacré.

Je suis mort, je suis mort et le sang a coulé

sur l’armure en large torrent.

Je reviens à moi, différent, vous toisant

à nouveau du regard de guerrier.

 

Vélimir Khlebnikov, Choix de poèmes,

Traduction Luda Schnitzer, édition

Pierre Jean Oswald, 1967, p. 61.

18/09/2020

Jacques Réda, Du rythme — revue Catastrophes

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Lettre parue dans la revue en ligne Catastrophes le 15 septembre 2020

                                                         

                                                                 Du rythme


Hyères, le 13 juillet 2020

.

Cher Laurent Albarracin,

Chers Catastrophés,

merci de me convier une fois encore dans votre cénacle dont aucun de ceux qui l’ont précédé dans l’histoire de la littérature ne s’est réuni sous un nom aussi approprié aux circonstances.

Mais répondre point par point à un questionnaire, m’a toujours laissé l’impression un peu désagréable de subir un interrogatoire. Aussi répondrai-je globalement au vôtre qui, d’ailleurs, concerne divers aspects du rapport qu’entretiennent, non moins globalement, prose et poésie.

Ici j’observe déjà un temps d’arrêt, car on sait à peu près ce que signifie le mot prose (si l’on fait abstraction du sens particulier qu’il a en latin de la liturgie romaine), mais je ne connais aucune définition communément acceptable du terme poésie. Je lui préférerai donc le mot vers, puisque même après l’abandon de ses formes régulières, et de ce qui justifiait pleinement l’emploi de ce nom, les poètes ont continué, pour la plupart, à présenter leur prose découpée d’abord en suivant plus ou moins les règles de la syntaxe, puis, fatalement, après l’avoir bousculée, selon des modèles arbitraires individuels qui relèvent de l’artifice typographique.

Prose et vers, donc, si vous le voulez bien, étant entendu qu’il existe des proses poétiques et des vers d’un prosaïsme parfait.

Mais il me semble que nous devons remonter à une époque où le langage ne connaissait pas la partition entre écrit et parlé. Certainement alors, en raison de ses avantages en matière de mémorisation, mais aussi des ressources de mystère et de puissance qu’il paraissait détenir pour le prêtre ou le sorcier, le vers a permis de distinguer le sacré du profane, et d’introduire ensuite dans le profane un élément particulier que nous appelons vaguement poésie.

Toutefois je vois les choses autrement, et je les ai vues ainsi de bonne heure, non en raison d’un « génie » particulier, mais bien parce que je suis, au contraire, longtemps resté au niveau commun brut où nous abordons le langage. C’est-à-dire, et peut-être même avant d’être nés, que nous découvrons d’instinct qu’il existe deux états principaux du langage : l’un qui n’est qu’une modulation, dans le mouvement incessant du temps, du sens qu’il véhicule dans le domaine de la vie courante ; l’autre qui, comme à contretemps, et sans pouvoir échapper à l’écoulement de la durée, y introduit un élément fixe qui est le vers. C’est en lisant La Naissance de la tragédie de Nietzsche (je ne suis pas nietzschéen pour autant), que j’ai compris en quoi mon intuition, universellement partagée, était juste : avant tout, il y a le rythme. Et les gestuelles comme les danses et arrangements de son qui ont dû précéder le langage (voyez les autres animaux), traduisent cette relation du vivant (de l’inerte aussi) avec le rythme.

L’invention progressive de l’écrit a tout changé. Longtemps encore, danse, musique et vers ont été réunis et, pour ce qui regarde notre propre histoire, le divorce ne s’est définitivement accompli qu’au moment de ce qu’on appelle curieusement la Renaissance. 

Sans jamais rompre franchement mes liens avec ce qui me parait la prosodie naturelle, puisqu’elle fait droit au rythme qui informe tout, j’ai comme tout le monde écrit diverses espèces de vers réputés libres, avant de revenir aussi strictement que possible au vers régulier. Ce qui s’est passé depuis Rimbaud – et avec lui – prouve que notre langue s’est révélée, pour cause d’usure, incapable de trouver une autre structure susceptible de replacer le vers dans le continu rythmique à l’œuvre partout. Elle n’y peut parvenir qu’en changeant profondément elle-même, comme les divers latins en usage dans les Gaules entre le IIIe et le Xe siècle sont insensiblement devenus, au XVIIe, un intangible français.

Il ne sert à rien de le défendre. Mais il serait aussi vain de croire qu’avec le processus de métamorphose où son âge et toutes sortes de circonstances l’ont engagé depuis cent-cinquante ans, notre langue puisse se fixer de façon durable, utile à la communauté, autrement qu’à la faveur d’initiatives ponctuelles, individuelles, stériles et éphémères dans le parlé comme dans l’écrit.

Le français écrit se présente actuellement sous deux formes : une forme relativement stable de prose qui est en somme notre latin (et, en gros, celui de la langue littéraire), et celui du vers qui ayant perdu le contact avec le rythme, peine indéfiniment à le rechercher jusque dans les diverses et innombrables contorsions qu’on veut lui imposer.

C’est sans doute ce qui explique le mieux la désaffection dont la poésie est l’objet : on ne comprend plus la langue qu’elle emploie, chacun ayant son propre dialecte en vers, l’ensemble offrant la seule cohésion paradoxale d’un chaos typographique.

Écrire comme on parle ? Mais l’on ne parle déjà plus aujourd’hui le français que l’on parlait hier, et qui aura changé demain encore. Durant environ trois bons siècles (disons de 1620 à 1920), la langue écrite est restée proche comme jamais de la langue parlée par ceux qui savaient écrire. Et c’était certes un privilège, désormais à peu près aboli, mais sans effet, puisqu’en même temps la langue parlée a commencé à perdre l’énergie nécessaire à son renouvellement et à son simple maintien.

Voilà pourquoi j’écris en ce moment même en latin, et pourquoi, dans ce latin, je réutilise les formes de vers qu’il a patiemment et anonymement élaborées, car j’ai renoncé à croire que je pouvais me montrer plus savant que lui. Sa pratique n’exige qu’un peu de travail et un peu de modestie. À la portée de tous, il est le plus éminemment démocratique. Des dizaines de milliers de poètes l’ont employé (davantage peut-être), et permis de voir apparaître ceux que l’on peut attribuer sans erreur à Du Bellay, La Fontaine, Delille, Hugo, Baudelaire, Mallarmé, Toulet, Audiberti. (J’en passe.)

La vieillerie que lui a reprochée Rimbaud, est devenue celle du vers parfois gâteux qui universellement radote, au besoin avec une très constante intention de contribuer à la ruine qui le menaçait de toute manière.

Personne n’est coupable. Comme un jour me l’a dit prosaïquement Guillevic, en son temps célèbre, « on fait ce qu’on peut, on n’est pas des bœufs. » Voilà de quoi en rabattre sur le lyrisme. Et malheureusement pas que sur lui... 

Pardon de m’être montré si loquace : le sujet me tient à cœur. Je comprendrais très bien que vous ne puissiez pas publier la totalité de ma réponse. mais je ne souhaite pas que l’on n’en donne que des extraits. Comme je suppose que vous, vous l’aurez lue, j’estimerai avoir eu ainsi suffisamment de vrais lecteurs.

.

Avec ma sympathie la plus sincère,

JRéda

 

17/09/2020

Laurent Albarracin, Sonnets de contrebande

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Prendre une clochette pour de l’argent content

N’est certes pas commettre une bien grande erreur.

Il est parfois plus de vérité dans un leurre

Si l’on prend celui-ci pour midi au cadran,

 

Car il faut bercer les illusions qui nous bernent,

C’est le meilleur moyen de les circonvenir.

Et dans le but de ne pas trop con devenir,

Vidons nos vessies pour éclairer nos lanternes.

 

Tomber dans le panneau miraculeusement

Arrive à qui est naïf délibérément.

Cela survient quand le mot fait fourcher la chose

 

Et que bifide elle se darde et se regarde

En chien de faïence, stupéfaite, hagarde,

Elle correspond quand à soi-même s’oppose.

 

Laurent Albarracin, Sonnets de contrebande, dans

Place de la Sorbonne, n° 8, mai 2018, p. 46.

15/09/2020

Anne Seidel, Khlebnikov pleure

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SARAT II / Origine

 

le poème commence

nous laissons une image

telle une fumée

de cheminées

monter, un navire

qui sombre

nous regardons les petits

 

(tristia-)

 

meurtri

 

étroit,

silencieux, bourdonnant ou rusé.

 

soir (avec fin)

étranger

 

effleurée, la couverture brillante

près

des réseaux électriques

un lambeau de shakespeare

 

Anne Seidel, Khlebnikov pleure, traduction

(allemand) de Laurent Cassagnau,

éditions Unes, 2020, p. 13.

13/09/2020

Étienne Faure, Tête en bas

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Manger du pain noir fut longtemps craint

de tous ceux que la guerre asséna

sur tous les fronts de part et d’autre,

comme si ce froment allait faire revenir

les années noires de frêle constitution

quand il fallait à défaut de croître

escompter, surseoir, subsister,

rassasié jamais en ces temps rassis,

en appelant aux mots, ces ersatz

dont la bouche et les os, les corps dans l’attente

étaient devenus friands, même à l‘école,

à délier gravement à l’encre de sureau

sur des cahiers les lettres mauves, resserrées

je déguste, il savoure, nous nous régalons — l

longeant les jours de guerre en courant

dans des vêtements hérités des grands,

inaptes, pendant longtemps, à les remplir.

 

aux mangeurs de pain noir

 

Étienne Faure, Tête en bas, Gallimard,

2018, p. 133.

 

12/09/2020

Étienne Faure, Ciné-plage

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Logeaient-ils dans la grandiloquence,

le bruit sec bien réel des chaussures

les ramenait, comédiens jour et nuit

sur les planches — presque des étagères —,

à se déplacer lentement, parole et gestes,

dans une jeune ou vieille chair bientôt carne,

mince à passer les portes du décor,

ou tonitruante et tremblante

sous le trouble du verbe en mouvement,

experts à déclamer jusqu’à leur mort

tout ce qu’une cervelle encore recèle

— ce n’est pas là qu’il faut applaudir —

la voix reprenant le dessus,

les mots leur envol déployé

jusqu’aux battements d’ailes imprécis

à la fin qui se joignent

— et le reste est silence.

 

parole et gestes

 

Étienne Faure, Ciné-plage, Champ Vallon,

2015, p. 119.

 

11/09/2020

Étienne Faure, La vie bon train

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Lents comme des états d’âme,

après l’été les trains revenaient,

las d’avoir trimballé tous ces corps

à la mer, dans les montagne, dans les contrées

dont furent natifs les pères (introuvables sur la carte),

à grincer de nouveau en gare,

y faire leur rentrée, annoncer le pire

qui toujours sera à venir,

le soleil ras rougissant la face des ultimes

voyageurs ; c’était l’automne,

chacun se rappelait les vers

d’Apollinaire — un train qui roule ; ô ma saison mentale

et la violente espérance de vie :

devait-on revenir

quand il aurait fallu ne partir jamais

— et puis après,

dans la gare sans issue,

on n’allait pas pleurer pour ça.

 

revenir

 

Étienne Faure, La vie bon train, Champ Vallon,

2013, p. 91.

 

10/09/2020

Étienne Faure, Horizon du sol

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Le taffetas des robes

au chevet des mourants inspire

une espèce de rémission :

les morts, in extremis, les robes

leur accorderont un semblant de répit.

Il faut finir,

ne penser à manger ni dormir

— adieu mon amour, le moins possible —

et ils respirent, c’est ça,

l’éternité — souffles longs —

des grains d’amaryllis au parfum suspendu,

spacieuse éternité,

à la lenteur des pas pressentant du drapé

le mouvement des plis qui frôlent

la lourdeur de la litre, à tout âge

le gris fatidique des femmes.

 

les robes mortes

 

Étienne Faure, Horizon du sol, Champ Vallon,

2011, p. 89.

Photo Chantal Tanet

09/09/2020

Étienne Faure, Vues Prenables

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Et puis après tout ce remue-ménage

laisser les dieux se reposer,

les meubles se déglinguer, lentement

retrouver le guingois propice à la résonance.

Sans inquiétude à l’idée de chute

il reste et prend goût en précaire imposture

à la minime durée qui lui échoit,

pour rire, traverser la langue et s’attarder

dans un vérisme où le soleil dru tombe

sur des motifs très humbles :

ici l’abandon d’un mot qui tout disait

mais boiteux contrariait le texte

— une mortaise le remplace

pas trop visible, ainsi qu’une console au pied plus clair,

ces meubles naguère aimés

quand jeune (pas un ver, rien de vermoulu)

il parlait aux meubles ; ils l’écoutaient, endurant ses mots

poussés jusqu’à la sciure.

 

énième consolation

 

Étienne Faure, Vues prenables, Champ Vallon,

2009, p. 95.

Photo Tristan Hordé

08/09/2020

Étienne Faure, Légèrement frôlée

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Aux champs dans les kermesses,

cérémonies et fêtes, c’est la fusion

des corps, des âmes, feux et foyers

avec le tintamarre des cloches

à la volée, en concordance avec les oiseaux migrateurs

et les canards dans le ciel incendié, les fanfares

et les drapeaux des jours fériés traversés de soleil

et des lois qui les ont institués :

toutes les générations présentes,

à venir, passées, hantent les lieux à la cantonade,

la bouche ouverte au rire, mégot, cigare ou pétard à mèche,

au boire et au manger,

fêtant leur saint patron, plastronnent

avec la certitude éternelle d’être au cœur

du monde et de l’instant

(à peine à cette heure sait-on qu’elle est ronde

et tourne, ignorant

par une sorte d’application de la théorie des vases,

où va le soleil qui s’abat, s’engloutit en silence,

comme étranger aux clameurs du canton).

 

le centre du monde en plein champ

 

Étienne Faure, Légèrement frôlée, Champ

Vallon, 2007, p. 65.

Photo Chantal Tanet

07/09/2020

Johannes Bobrowski, Boehlendorff et quelques autres

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La béatitude des païens

 

Au-dessus du manteau court, taillé dans la peau d’une bête abattue, un visage comme de fer. Avec des yeux profondément enfoncés, que la lumière ne doit pas atteindre. Même la chevelure grise, qui mange une partie du front, n’accepte pas la lumière, tout comme le vent qui vient de la rivière, en sautes rases, et parle sans s’arrêter, et dit un nom, toujours le même.

Ici, avant les rapides, la rive envoie des bancs de sable en travers du courant jusqu’à ce que l’eau vive cède du terrain, se détourne, se heurte à l’autre rive. Juste de l’écume encore à la pointe plate des langues de terre et le bruit des eaux, comme des débris de verre, des tourbillons au-dessus desquels les oiseaux fusent comme s’ils voulaient calmer les flots, et le silence inévitables propre aux lieux désertés.

[...]

 

Johannes Bobrowski, Beohlendorff et quelques autres, traduction Jean-Claude Schneider, La Dogana, 1993, p. 71-72.

 

06/09/2020

Johannes Bobrowski, Temps sarmate

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Nymphe

 

Le temps des cigales, un temps

blanc, alors que le garçon, assis

au bord de l’eau, sur ses bras

inclinait la rondeur de son front. Où

est-il allé ?

 

Il y a des chemins

à travers la forêt,

secrets. J’y vais cueillir une herbe

qui saigne. Sur les pierres je la pose,

lance par-delà la lisière le cri

de chasse du geai, clair.

 

Et, le regard verdissant,

elle émerge dans la poudreuse, la tendre

ombre des aulnes.

Syrinx, ton ah, un bris de verre,

court parmi les buissons.

 

Johannes Bobrowski, Temps sarmate,

traduction Jean-Claude Schneider,

L’Atelier La Feugraie, 1995, p. 21.

05/09/2020

Johannes Bobrowski, Terre d'ombres fleuves

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Récit

 

Rajla Gelblung

échappée à Varsovie

d’un transport parti du Ghetto,

la fille

a traversé des forêts,

avec une arme, la partisane

fut prise

à Brest-Litowsk,

portait une capote (de soldat polonais),

fut interrogée par des officiers

allemands, il y a

une photographie, les officiers sont

des personnes jeunes, aux uniformes impeccables,

aux visages irréprochables,

leur apparence

est exemplaire.

 

Johannes Bobrowski, Terre d’ombres fleuves,

traduction Jean-Claude Schneider, Atelier

La Feugraie, 2005, p. 137.

04/09/2020

Johannes Bobrowski, Ceci vit encore

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Et voici que

 

Et voici que

 nous avons les deux mains pleines de lumière —

les strophes de la nuit, les eaux

agitées heurtent de nouveau

la rive, le sentiment âpre, sans regard,

des bêtes dans les roseaux

après l’étreinte — puis

nous voilà debout contre la pente

dehors, contre le ciel

blanc, qui vient

par-dessus la montagne,

froid, cascade-splendeur,

et demeure figé, glace

qui descendait des étoiles.

 

Sur ta tempe

je veux vivre cette petite

saison, oublieux, sans bruit

laisser errer

mon sang à travers ton cœur.

 

Johannes Bobrowski, Ce qui vit encore,

traduction de l’allemand Ralph Dutli et

Antoine Jaccottet, L’Alphée, 1987, p. 73.