17/07/2020
Alexandre Castant, Mort d'Athanase Shurail : recension
Un premier ensemble, "L’écritoire", compte trois textes numérotés en italique, très brefs, qu’un narrateur commente aussitôt et attribue (quatrième et cinquième séquences) à un certain Damien dans les deux séquences suivantes. Ce Damien n’écrirait dans un cahier que des « amorces » de récits qu’il accompagnerait de dessins de marque-pages ; il construirait ainsi une « bibliothèque invisible » puisque le tout ne quitterait pas son « écritoire ». Du narrateur (un "je"), on ne saura rien ; il a lu dix-sept projets, qu’il a réunis sous le titre "Vie et mort d’Athanase Shurail", et les fait suivre d’une coda, "Après Athanase", dans laquelle il réapparaît, avec un autre (d’autres ?) personnage ("nous"). Le lecteur reconnaît ici la longue tradition de l’enchâssement narratif, intéressant en ceci que certains des textes brefs enchâssent eux-mêmes un embryon de récit et, par ailleurs, que la partie préliminaire annonce l’essentiel des motifs présents dans les textes enchâssés.
À la fin de "La main noire", le personnage qui porte un gant de cuir noir, se coupe un doigt de la main intacte, ce qui constitue la chute de cette première nouvelle. Le lecteur est surpris par son nom, Jean de Gray, qui semble sorti d’un roman du XIXe siècle — c’était le nom d’un évêque anglais (fin XIIe-débute s.) et dont l’une des activités est de dresser des listes de prénoms et de les commenter. En accord avec cette pratique, les prénoms que l’on relève dans les textes pourraient bien appartenir à la fiction. Le lecteur s’arrête à celui de Léonie, qui évoque la tante Léonie de Combray et, de là, cherche dans les romans l’origine d’autres prénoms ; il trouve assez rapidement (et peut-être sans fondement) une source pour une large partie d’entre eux dans l’immense répertoire des personnages de Balzac : « Augusta » rappelle Augusta de Nucingen, « Diane » Diane de Maufrigneuse, « Madeleine » Madeleine de Morsauf, et la liste n’est pas close. Mais "Madeleine", dans la même nouvelle que "Ava" (variante de "Ève") peut en même temps évoquer la pécheresse du Nouveau Testament, elle qui souhaite ici découvrir le cinéma érotique. Tout se passe comme si la « bibliothèque invisible » se nourrissait de l’immense réservoir des noms déjà employés dans la fiction pour mieux s’y intégrer : les personnages de fiction ne meurent jamais et c’est pourquoi "Athanase" figure dans le titre de l’ensemble, étymologiquement le mot signifie « l’éternel », a-thanatos, "celui qui ne meut pas", et que "Lazare", nom du ressuscité du Nouveau Testament, et "Anastasia" signifiant « résurrection » sont également présents. En outre, si ces prénoms ont déjà été employés, ils apparaissent donc comme des doubles et le motif du double est récurrent de différentes façons tout au long du livre.
Dans la première séquence de "Vie et mort", Jean de Gray s’imagine être un autre lui-même, « contemple dans ses propres yeux sa peau, son corps », ce que commente le narrateur,
La fin d’un monde, ou sa révélation, sera une affaire de doubles,
reproduction, duplicata, calque, miroir, télévision.
Le même Jean de Gray, prenant un taxi, s’aperçoit que le chauffeur lui ressemble et s’interroge, « Tous les personnages sont-ils interchangeables ? ». Jusqu’à un certain point, sans aucun doute. Reviennent constamment les miroirs, les reflets, les illusions d’optique, les rétroviseurs, les caméras, les écrans ; à voir deux femmes qui se ressemblent mais d’âge différent, comment être sûr qu’il s’agit d’une mère et de sa fille ou de la même femme à des âges différents ? Cet aspect à la limite du fantastique apparaît dans d’autres séquences ; tel personnage ne dessine que des dessins de planches anatomiques, fasciné non par le corps humain mais par son imitation, par les « images d’images » ; tel autre semblerait manquer d’un double et se demande, « Que se passe-t-il dans mon studio quand je n’y suis pas ? » La réalité souvent saisie par sa reproduction, par ce que l’on voit dans le cadre que forme la fenêtre ou par le biais de tableaux : de tableaux, ceux de Géricault ou de Delacroix — pour ce dernier, il s’agit de La mort de Sardanapale, tableau de morts violentes présentes aussi dans le livre.
Une photographie d’une pie décomposée, de Gisèle Freund, décide un homme à se suicider, « parce qu’en finir avec soi-même est aussi raisonnable ou déraisonnable que de ne pas le faire » et, poursuit le narrateur, « rien dans la vie n’est décidable ni indécidable ni visible ni invisible ». Une femme se noie avec ses enfants, un homme se suicide, des corps « se décomposent » ou, chez un peintre, « se métamorphosent en charognes », comme si après la hantise du double il y avait un mouvement inverse vers la disparition. Ce peintre travaille les « bords : de la mort et de la folie » et un écrivain entend se mettre « en retrait » et « écrire depuis les bords du monde ». L’espace dans lequel évoluent plusieurs personnages a souvent l’aspect d’un décor, toujours le même : parc ou jardin et, surtout, « échiquier de dalles », « damier noir et blanc du carrelage » (le damier de Damien) — deux couleurs récurrentes, comme dans les films N&B — et, en même temps, grande abondance des couleurs, ce que souligne une scène où, dans l’étreinte, une femme sort de sa bouche « un monde virtuel fait de couleurs vives, de monstres et de livres ».
Le "je" qui rapporte les récits de Damien souhaite le retour d’Athanase, que le lecteur n’a pas rencontré dans les « ténèbres d’un labyrinthe en fragments ». Chaque nouvelle lecture de cette Vie d’Athanase Shurail conduit à de nouvelles découvertes et questions : on ne sait si le narrateur, qui a rassemblé l’ensemble, s’efface devant Alexandre Castant quand, à la fin du livre, on lit les dates « 1996-1999, 2019 » — Alexandre Castant a publié plusieurs livres sur l’image et la photographie.
Alexandre Castant, Mort d’Athanase Shurail, Tarabuste, collection Brèves rencontres, 114 p., 11 €. Cette note de lecture a été publiée par Sitaudis le 9 juin 2020.
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16/07/2020
Edoardo Sanguineti, Corollaire
gravez-les en toutes lettres, lecteurs testamentaires (c’est à mes écoliers que je parle,
mes hypocrites enfants, les philoprolétaires qui me ressemblent tant, innombrables,
désormais comme les grains de sable de mon désrt vide), ces paroles miennes, sur ma tombe,
avec la salive, en vous trempant un doigt dans la bouche : (comme je le trempe maintenant,
entre les excessifs abcès de mes gencives glacées) :
j’en ai joui, moi, de ma vie :
Edoardo Sanguineti, Corollaire, traduction Patrizia Atzei et Benoît Casas, NOUS, 2013, p. 15.
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15/07/2020
Norge, La langue verte
La porte
Non, n’ouvre pas cette porte,
Ça donne sur l’océan...
Ça donne sur des cloportes...
Pas compris ? Sur le néant !
Après ça, c’est difficile
D’aller vivoter, Cécile,
C’est difficile, Zaza,
De vivoter après ça.
Disons qu’on a des raisons
De froid, de vent, de tonnerre.
N’ouvre pas, disons, disons
Que c’est pour les courants d’air.
Au bonheur des maisonnées
Il faut des portes fermées,
— Tralalire et troundelaire —
D’ailleurs l’usine a sifflé,
Il est grand temps d’y aller,
Prends bien la porte ordinaire !
Norge, La langue verte, Gallimard,
1964, p. 73-74.
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14/07/2020
André Frénaud, Il n'y a pas de paradis
14 juillet
C’est le jour de fête de la Liberté
Nous avions oublié la vieille mère
Dont les anciens ont planté les arbres.
Il est des morts vaincus qu’il faut précipiter
Encore un coup du haut des tours en pierre.
Il est des assauts qu’il faut toujours reprendre.
Il est des chants qu’il faut chanter en chœur,
Des feuillages à brandir et des drapeaux
Pour ne pas perdre le droit des arbres
De frémir au vent.
Nous allons en cortège comme une noce solennelle.
Nous portons le feu débonnaire des lampions.
Soumis à notre humble honneur, le geste gauche.
Les bals entrent dans la troupe et les accordéons.
Le génie de la Bastille a sauté parmi nous.
Il chante dans la foule, sa voix mâle nous emplit.
Au faubourg s’est gonflé le levain de Paris.
Dans la pâte, nous trouverons des guirlandes de verdure,
Quand nous défournerons le pain de la justice…
C’est aujourd’hui ! Nous le partageons en un banquet,
Sur de hautes tables avec des litres.
Le monde est en liesse, buvons et croyons !
Je bois à la joie du peuple, au droit de l’homme
De croire à la joie au moins une fois l’an.
À l’iris tricolore de l’œil apparaissant
Entre les grandes paupières de l’angoisse.
A la douceur précaire, à l’illusion de l’amour.
André Frénaud, Il n’y a pas de paradis, Gallimard, 1967.
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13/07/2020
Ambrose Bierce (1842-1914), Dictionnaire du diable
Homme. Animal si profondément plongé dans la contemplation extatique de ce qu’il croit être, qu’il en oublie totalement ce qu’il devrait être. Son occupation principale consiste à exterminer les autres animaux et ceux de son espèce qui, nonobstant, se multiple avec tant de rapidité qu’elle infeste toutes les parties habitables du globe, et même le Canada.
Journal (intime). Procès-verbal quotidien de la partie de notre existence que nous pouvons nous raconter sans rougir.
Labeur. Un des procédés par lesquels A gagne des biens pour B.
Mausolée. La dernière et la plus ridicule folie des riches.
Non-Américain. Pervers, intolérable, païen.
Ambrose Bierce, Dictionnaire du diable, traduction Jacques Papy, Nouvel Office d’édition, 1964, p. 115, 132, 135, 149, 160.
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12/07/2020
Ambrose Bierce (1842-1914), Dictionnaire du diable
Foi. Croyance, sans l’appui d’aucune preuve, en ce que raconte quelqu’un, sans en rien connaître, au sujet de choses sans parallèle.
Grammaire. Système de trappes préparées sous les pieds d’un autodidacte, le long du chemin qu’il parcourt pour parvenir à la distinction.
Humilité. Attitude mentale qu’il convient de prendre et que l’on prend d’habitude en présence de la richesse ou du pouvoir. Particulièrement séante à un employé lorsqu’il s’adresse à son employeur.
Impiété. Votre irrespect à l’égard de mon dieu.
Intimité. Rapports dans lesquels deux imbéciles sont providentiellement entraînés pour leur destruction mutuelle.
Ambrose Bierce, Dictionnaire du diable, traduction Jacques Papy, Nouvel Office d’édition, 1964, p. 98, 108, 117, 120, 139.
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11/07/2020
Johannes Bobrowski, Terre d’Ombres Fleuves,
Hölderlin à Tübingen
Terrestres les arbres, et lumière,
où la barque repose, appelée,
rame contre la rive, la belle
pente, devant cette porte
passait l’ombre, elle est
tombée sur une rivière,
le Neckar, qui était vert, Neckar
inondant
les prairies et les saules de la rive.
La tour,
qu’elle soit habitable
comme un jour, pesanteur
des murs, la pesanteur
contre le vert,
arbres et eau, les peser
tous les deux dans une main :
le son de la cloche tombe
sur les toits, l’horloge
se met en mouvement pour faire
que tournent les fanions de fer.
Hölderlin in Tübingen
Baüme irdisch, und Licht,
darin der Kahn steht, gerufen,
die Ruderstange gegen das Ufer, die schöne
Neigung, vor dieser Tür
ging der Schatten, der ist
gefallen auf einen Fluß
Neckar, der grün war, Neckar,
hinausgegangen
um Wiesen und Uferweiden.
Turm,
daß er bewohnbar
sei wie ein Tag, der Mauern
Schwere, die Schwere
gegen das Grün,
Baüme und Wasser, zu wiegen
beides in einer Hand:
es laütet die Glocke herab
über die Dächer, die Uhr
rührt sich zum Drehn
der eisernen Fahnen.
Johannes Bobrowski, Terre d’Ombres Fleuves,
traduction Jean-Claude Schneider, Atelier
La Feugraie, 2005, p. 80-81.
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10/07/2020
Arno Schmidt, Scènes de la vie d'un faune
Dehors, un ciel de porcelaine : de blanches ventripotences, des serpillières bleues. En bas, autour de moi, un courant d’air agitait les maigres buissons, comme si, dans les parages, toutes les portes étaient restées ouvertes (ma chemise claquait sur ma poitrine et mes cheveux gris dansaient la carmagnole). Et, pourtant, j’étais toujours en Terre Administrative : les poteaux télégraphiques faisaient escorte à toutes les routes, prenaient gauchement les virages à leurs côtés, tous revêtus de la même livrée brun sombre et rectiligne. Ils n’auront de cesse que chaque mètre carré ne soit tendu de lignes télégraphiques au-dessus de nos têtes et de conduites souterraines sous nos pieds !
Arno Schmidt, Scènes de la vie d’un faune, Christian Bourgois, 1991, p. 89.
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08/07/2020
Julien Bosc, Le coucou chante contre mon cœur
Du phare mon lieu ma peine mon exil j’ai vue sur les quatre océans
Les mers intérieures
Vue sur l’humanité aveugle et sourde :
Bateaux surchargés tels des charniers
Naufrages
Corps pas plus épais qu’une planche qui se débattent et crient
Sombrent
Introuvables
Ou hommes enfants femmes crevés qui touchent le rivage
Boursouflés d’eau et d’algues pour avoir fui la misère ou la guerre
Julien Bosc, Le coucou chante contre mon cœur, le Réalgar, 2020, p. 28.
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07/07/2020
Arno Schmidt, Scènes de la vie d'un faune
Dans le hangar : depuis peu les vélos doivent être munis d’un feu rouge et d’un numéro d’immatriculation : comme si les accidents étaient provoqués par les vélos ! je proposerais une autre solution : interdiction de tout véhicule équipé d’un moteur lui permettant d’atteindre plus de 40 km/h. On aurait enfin la paix. (Mais il y a sans doute un fabricant d’ampoules qui siège au Reichstag : c’est l’explication la plus plausible.)
Arno Schmidt, Scènes de la vie d’un faune, traduction Jean-Claude Hémery, Christian Bourgois, 1991, p. 33.
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06/07/2020
Georges Didi-Huberman, Éparses
Éparses, les positions psychiques que chacun est susceptible de tenir au creux d’une seule, d’une simple expérience émotionnelle.
Je me souviens — c’était il y a longtemps —qu’un jour où je pleurais beaucoup, je rencontrai par hasard mon visage dans le miroir. Quelque chose alors se brisa, quelque chose apparut : mon existence devint éparse, clivée. Je découvris, à me voir pleurant, une perception nouvelle : cela partait sans doute de moi-même et de mon chagrin du moment, mais cela ouvrait soudain une dimension bien plus large, impersonnelle et intéressante. Un ailleurs dans l’ici-même. C’était devenu, en un seul instant et sans doute pour le reste de ma vie, la leçon d’un nouveau regard. Il était né de la mise à distance, fatale dans cette situation optique : me voyant pleurer, j’observai tout à coup, comme de l’extérieur, ce que l’émotion, chose toute intérieure, modifiait sur l’interface de mon visage (pas beau à voir, d’ailleurs : régressif, grimaçant, chiffonné).
Georges Didi-Huberman, Éparses, éditions de minuit, 2020, p. 9-10.
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05/07/2020
Jean Tardieu, Obscurité du jour
Tandis que la notation des sons musicaux (pour ne parler que de l’Occident) naissait puis se précisait comme écriture particulière, lue par des yeux qui ont des oreilles, ce qui s’écoute était aussi « regardé » par les peintres.
Je pense à Sofonisba Anguissola, à Vermeer, aux Caravagesques, à Renoir, à tant d’autres. Leurs personnages sont là, ouvrant la bouche pour chanter, les doigts posés sur un luth, sur le clavier d’une épinette ou d’un piano, mais on dirait qu’ils se sont arrêtés au seuil d’un monde interdit.
(Il est vrai que l’instant du peintre, coup de couteau dans le fruit ouvert sous nos yeux, saisit et bloque la durée. Et il est vrai aussi qu’à l’inverse, la musique, enchaînée par son propre sortilège, n’est jamais qu’un souvenir perpétuel, puisqu’elle ne peut passer et « se passer » que dans le monde de la disparition, même si elle cherche, comme souvent aujourd’hui, à dresser dans l’espace immédiat une série de constructions verticales et ponctuelles.)
Jean Tardieu, Obscurité du jour, Les Sentiers de la création / Skira, 1974, p. 77-78.
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04/07/2020
Jean Tardieu, Margeries
Mots refoulés
... Mais ni la pêche cressonnière
D’un adjectif dormeur et lourd,
Ou d’un verbe de rivière
Qui, brusque, entre les algues, court,
Ni cette patience entière
De sertir un mot d’un discours
Comme s’il était de matière
Plus précieuse que l’entour,
Ne ternit mon amour du monde !
Je connais l’animal plaisir
De refouler sans les saisir
Mes mots, — et, les yeux entr’ouverts
L’âme pendue à la seconde
D’accueillir absent l’univers.
Jean Tardieu, Margeries, dans Œuvres,
édition J.-Y. Debreuille, Quarto / Gallimard,
2003, p. 1343.
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03/07/2020
Jean Tardieu,Hollande
Crescendo decrescendo
large largue lave
délie ébroue surgi salubre hume
arbore cataracte dérive horreur ravir ouragan
délire hurle flux fui rafale déploie souffle
siffle saisir plie sombre pluie place
éparse pâle palme file ruisselle
patte pétale épuise rêve
soupire rive effleure
espace endormi reflet
hâle calme
rame
là
Jean Tardieu, Hollande, dans Œuvres, édition J.-Y. Debreuille, Quarto / Gallimard, 2003, p. 927.
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02/07/2020
Jean Tardieu, Le témoin invisible
Les jours
Dans une ville noire entraînée par le temps
(toute maison d’avance au fil des jours s’écroule)
Je rentrais, je sortais avec toutes mes ombres.
Mille soleils monta ient comme du fond d’un fleuve,
mille autres descendaient, colorant les hauts murs ;
je poursuivais des mains sur le bord des balcons ;
des formes pâlissaient (la lumière est surelle)
ou tombaient dans l’oubli (les rayons ont tourné)
Les jours, les jours... Qui donc soupire et qui m’appelle
pour quelle fête ou quel supplice ou quel pardon ?
Jean Tardieu, Le témoin invisible, dans Œuvres,
édition J.-Y. Debreuille, Quarto / Gallimard,
2003, p. 141.
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