28/06/2023
Georg Christoph Lichtenberg, Aphorismes
Il y a des gens qui croient que tout ce qui se dit avec un visage sérieux est raisonnable.
La plupart des hommes ont rarement dans la tête plus de lumière qu’il n’en faut pour qu’on s’aperçoive qu’elle est précisément complètement vide.
Pour décrire avec sensibilité, il faut plus que des larmes et un clair de lune.
Mettre la dernière main à son œuvre, c’est la brûler.
Si tout à coup n ne pouvait plus reconnaître les sexes aux vêtements et qu’on soit obligé de deviner même les sexes, un nouveau monde de l’amour naîtrait. Ceci mériterait d’être traité dans le roman avec sagesse et connaissance du monde.
Georg Christoph Lichtenberg, Aphorismes, traduction Marthe Robert, Denoël, 1985, p. 138, 153, 158, 165.
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13/07/2021
Louis-René des Forêts, Poèmes de Samuel Wood
Ce que le cœur reconnaît, la raison le nie.
Un rêve, mais est-il rien de plus réel qu’un rêve ?
Faut-il se résigner à vivre sans rêver
Que l’enfant aimantée vers ses lieux familiers
Vient dans ce jardin de roses, et chaque nuit
Revient remplir la chambre de sa flamme candide
Qu’elle nous tend comme une offrande et une prière ?
Louis-René des Forêts, Poèmes de Samuel Wood, Fata Morgana, 1988, p.13.
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31/03/2020
Joseph Joubert, Carnets, I
L’imagination est le goût. La raison est sans appétits : la vérité et la justesse lui suffisent.
Le papier est patient, mais le lecteur ne l’est pas.
Tout ce qui est très plaisant a quelque exagération et contient nécessairement une vérité défigurée.
Les animaux aiment ceux qui leur parlent.
Le châtiment de ceux qui ont trop aimé les femmes est de les aimer toujours.
Joseph Joubert, Carnets, I, Gallimard, 1938, 1994, p. 271, 272, 273, 274, 278.
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06/07/2019
Marina Tsvétaïéva, Tentative de jalousie
Ennui et tristesse
Ennui et tristesse… À qui donnerai-je la main
À l’heure où plus rien ne nous leurre ?
Désirs ? À quoi bon désirer constamment et en vain ?
Et l’heure s’en va — la meilleure.
Aimer — mais qui donc ? À quoi bon ? — ces amours pour un jour ?
Que dure l’amour le plus tendre ?
Je sonde mon cœur. Ce qui fut est parti sans retour,
Et tout ce qui est n’est pas tendre.
Je vois mes passions, sous la faux de la froide raison
Gisant — comme tiges éparses,
Oh, vie ! soupirs et plaisirs et retour des saisons —
Oh, vie, tu n’es qu’une farce.
Marina Tsvétaïéva, Tentative de jalousie & autre poèmes,
traduction Ève Malleret, La Découverte, 1986, p. 207.
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22/08/2017
Jean de Sponde, Les amours
Les amours, XVII
Je sens dedans mon ame une guerre civile,
D’un parti ma raison, mes sens d’un autre parti,
Dont le bruslant discord ne peut estre amorti,
Tant chacun son tranchant contre l’autre affile.
Mais mes sens sont armez d’un verre si fragile,
Que si le cœur bien tost ne s’en est départi,
Tout l’heur vers ma raison s’en verra converti,
Comme au parti plus fort, plus juste et plus utile.
Mes sens veulent ployer sous ce pesant fardeau
Des ardeurs que me donne un esloigné flambeau ;
Au rebours, la raison me renforce au martyre.
Faisons comme dans Rome, à ce peuple mutin
De mes sens inconstans, arrachons-les en fin !
Et que nostre raison y plante son Empire.
Jean de Sponde, Œuvres littéraires, édition Alan
Boase, Droz, 1978, p. 65.
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11/04/2015
Ambrose Bierce, Épigrammes
La mise à l’épreuve de la vérité est la Raison, et non la Foi ; car les prétentions de la Foi doivent, elles aussi, être soumises au tribunal de la raison.
Adam considérait sans doute Ève comme la femme de son choix et attendait une certaine gratitude pour l’honneur de lui avoir accordé cette préférence.
La mort n’est pas la fin ; reste le litige sur l’héritage.
On peut se savoir laid, mais il n’existe pas de miroir pour le comprendre.
Le bonheur est perdu quand on le critique ; le chagrin, quand on l’accepte.
Tant que vous avez un futur, ne vivez pas trop dans la contemplation de votre passé ; à moins que vous n’aimiez marcher à reculons, le miroir est un piètre guide.
Ambrose Bierce, Épigrammes, traduction Thierry Gillybœuf, éditions Allia, 2014, p. 33, 35, 38, 43, 47, 53.
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