24/12/2017
Fabienne Courtade, corps tranquille étendu
Je choisis une année en été
Pour lire les papiers collés
je n’en dis pas un mot
le livre m’est apparu
au cours des nuits
devant moi
posé sur l’étagère
l’année n’en finit pas
septembre 2012
Il perd se voix
Je tiens sa main
le souffle manque
il ne tient plus rien
rien ne tient à moi
Il s’assoit à grand-peine sur le bord du lit
Dans l’échelle de douleur
on peut s’installer dans la case 7
La première fois que je l’ai vu
Il avait un large tache rouge
Sur sa chemise
Au milieu du cœur
Un verre de vin renversé
Fabienne Courtade, corps tranquille étendu,
Flammarion, 2017, p. 14-15.
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16/10/2016
Fabienne Courtade, Papiers retrouvés
Fabienne Courtade mentionne une année, une saison, été 2013 et, plus loin, note un jour, 12 juillet, jour de la mort de Mathieu Bénézet — qui est dans le poème avec une citation (« jouets d’enfant »), fragment dont la source est donnée sur le rabat de la plaquette.
Que reste-t-il quand l’aimé disparaît ? Il écrivait des mots dispersés sur des papiers, mots qui demeurent, à lire, peut-être à rassembler : des « papiers retrouvés », pour lier quelque chose du passé au présent. Rien qui puisse apaiser celle qui les lit, ne vient pour en parler que le vocabulaire du désordre : feu, sang, bruits, mouvements de la vie qui ne cesse, pleurs, chocs, qui l’emporte sur le mot « lumière », très présent.
Quand tout semble aller vers un autre équilibre, avec les roses dans un pot, et non plus des bruits mais le pas d’un passant, toujours revient et s’impose la couleur rouge, celle du sang — sang et rouge, deux mots qui ponctuent le poème. Il ne peut y avoir qu’une paix trompeuse, l’avancée vers la mort continue : « je ramasse une branche d’arbre / je la pose / sur l’étagère / tous les jours elle indique : ta présence / papiers / terre remuée // elle pourrit doucement // depuis le mois de juillet ». La fracture est irrémédiable, et « Les morts ne s’occupent pas des vivants », ces vivants pour qui les choses du monde n’ont pas changé, pas plus que le passage des saisons.
Dans une narration très épurée, sans jamais de pathos, s’esquisse ce qui ne peut se dire, les moments d’une vie que rappellent des objets, des lieux, les moments de l’attente. Persistent aussi les souvenirs de l’été : c’est ce temps de la rencontre, de « la lumière devenue vivante » — elle bondit, en effet —, et de la « lumière / de son regard », mais du passé ne subsistent que des images, et l’« on perd tout ».
Fabienne Courtade, Papiers retrouvés, le phare du cousseix, 2016, 16 p., 7 €.
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