21/01/2017
Yves di Manno, Champs, un livre de poèmes, 1975-1995
Non sans peine
Son aile ! quand sous couvert d’abri
Couve mon hirondelle. April.
— « Comment t’appelles-tu ? Oh quel
lied, hymne à l’hommage du ciel
Plié lui dis-je (« lui ai-je dit »)
Et d’ailleurs. Répétant. Jeudi.
Un mot tourné dans les deux sens
Déchiffré à l’envers : versant
Est — s’en expliquer. Ou d’Anvers
À Hambourg — mais à la fin vers
Quel « il » dont est absent le vers
Te mèneront ces mots (bleu, vert)
— Et l’on croit que j’ironise
Pour tant soit peu qu’il soit de mise
— « Et ton prénom ? » Ah, je n’ai plus
Espoir qu’en vous deux (mon, nom) lus
À l’envers inversement.
Yves di Manno, "Sciences", dans Champs,
un livre de poèmes, 1975-1995, Flammarion,
2014, p. 133.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : yves di manno, "sciences", dans champs, non sans peine, inversion | Facebook |
20/01/2017
Ivan Alechine, Enterrement du Mexique
Cela s’appelle mesure
Si on considère la lune comme un visage de femme
quand une femme se maquille
on peut dire que ses mains (qui agissent) sont
l’atmosphère qui entoure la lune
comme la Vierge cachée par l’Arbre à sucre
pose son pied de bois sculpté sur un nuage
survolant un olivier croissant sur un globe terrestre
dans l’église de la Charité de San Cristobal de Las Casas
plus loin
une tranche de pain trempé dans un jus d’ananas chaud
à l’échoppe tout en plastique
entouré (je) d’objets en plastique
une musique de plastique
télévision de plastique
pulls de plastique
tout pour le brillant
néon bleu
ampoules nues
comme si les câbles électriques tendaient l’horizon
de points de fuite d’une perspective qui nous échapperait
et qu’on s’y fasse
finalement c’est la terre au crépuscule qui a le dernier mot
la nuit vient et fait d’elle la dernière ombre découpée
sur le papier du ciel
un œil du dix-huitième siècle
un lapin sur une galette de maïs
Ivan Alechine, Enterrement du Mexique, dessins d’Eduardo
Arroyo, Galilée, 2016, p. 35-36.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ivan alechine, dessins d’eduardo arroyo, mesure, visage, plastique, enterrement du mexique | Facebook |
19/01/2017
Anne Calas, Honneur aux serrures
Je me tais
devant les platanes nus
et le ciel presque [je me tais]
nuages brossés d’acier
totalement tendrement tragiquement aimés
bras levés, haut levés, dressés par dizaines érigés
invoquant, suppliant
intimant l’ordre intimidant
de t’aimer
Pourquoi prends-tu cet air pensif ?
parce que je pense à quelque chose
une chair neigeuse une lumière poudrée
une inadvertance rapide un
nuage d’inconscience
[je me tais parce que je n’ai plus rien à dire
Anne Calas, Honneur aux serrures, isabelle sauvage,
2016, p. 76-77.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : anne calas, honneur aux serrures, se taire, aimer, nuage | Facebook |
18/01/2017
T. S. Eliot, La terre vaine
Les hommes creux
(Un penny pour le vieux Guy)
I
Nous sommes les hommes creux
Les hommes empaillés
Cherchant appui ensemble
La caboche pleine de bourre. Hélas !
Nos voix desséchées, quand
Nous chuchotons ensemble
Sont sourdes, sont inanes
Comme le souffle du vent parmi le chaume sec
Comme le trottis des rats sur les tessons brisés
Dans notre cave sèche.
Silhouette sans forme, ombre décolorée,
Geste sans mouvement, force paralysée ;
Ceux qui s’en furent,
Le regard droit, vers l’autre royaume de la mort
Gardent mémoire de nous — s’ils en gardent — non pas
Comme de violentes âmes perdues, mais seulement
Comme d’hommes creux
D’hommes empaillés.
T. S. Eliot, La terre vaine, dans Poésie, traduction Pierre
Leyris, Seuil, 1969, p. 107.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : t. s. eliot, la terre vaine, hommes creux, voix, silhouette, mémoire, âme | Facebook |
17/01/2017
Laurent Fourcaut, lecture ce soir à la librairie Le Rideau Rouge
Le mardi 17 janvier à 19h30, Laurent Fourcaut fera une lecture de ses deux livres de poésie tout juste parus, Arrière-saison et Du vent.
Ce sera à la librairie Le Rideau Rouge, 42 rue de Torcy, dans le XVIIIe arrondissement de Paris (métro Marx Dormoy).
Il y aura abondamment à boire et à grignoter après !
Arrière-saison est un bref livre de poèmes (sonnets et dizains), publié par un éditeur de Genève, Le Miel de l'Ours (44 p., 11 euros).
Du vent est un « poème cinématographique » (un scénario de film dont les dialogues en sont en alexandrins), paru aux éditions La Passe du vent (122 p., 10 euros).
On pourra se procurer également les deux précédents livres de Laurent Fourcaut, Sonnets pour rien (Tarabuste, 2006) et En attendant la fin du moi (Bérénice, 2010), ainsi que le dernier numéro paru de la revue de poésie Place de la Sorbonne (PLS 6, PUPS, 2016), dont il est le rédacteur en chef.
| Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
Aimé Césaire, Soleil cou coupé
Marais
Le marais déroulant son lasso jusque là lové autour de son nombril le marais dégoisant les odeurs qui jusque là avaient tissé une épaule avec des aisselles
Le marais défaisant le mauvais œil qui jusqu’à présent lui avait éclairé tant bien que mal le mauvais bouge au fond duquel il entretenait ses mauvaises raisons dans un bocal de sangsues luxueuses réservées au sang des plus illustres têtes couronnées.
et me voilà installé par les soins obligeants de l’enlisement au fond du marais et fumant le tabac le plus rare qu’aucune alouette ait jamais fumé.
Miasme on m’avait dit que ce ne pouvait être que le règne du crépuscule. Je te donne acte que l’on m’avait trompé. De l’autre côté de la vie, de la mort, montent des bulles. Elles éclatent à la surface avec un bruit d’ampoules électriques brisées. Ce sont les scaphandriers des victimes de la réclusion qui reviennent à la surface remiser leur tête de plomb et de verre leur tendresse.
[ …]
Aimé Césaire, Soleil cou coupé, K éditeur, 1948, p. 77.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Cummings, Edward Estlin | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : aimé césaire, soleil cou coupé, marais, mauvais œil, sang, tabac, victime | Facebook |
16/01/2017
Andrea Zanzotto, Vocatif, suivi de Surimpressions, traduction Philippe Di Meo
Vide des toiles d’araignée
par les fissures et les vallées,
vide de naissance et de sang.
De l’eau et quel verbe pierreux
tu déposes au pied de ces monts, de ces collines,
et quel vert sans pitié
vous révélez dans un feu
inégal et néfaste
ou — c’est égal — dans un feu
effilé, équilibré
contre le mur où je pleure ; et le mur s’élève
depuis la tête lasse
lasse de naître et de naître encore
dans l’atroce vie bourdonnante.
Andrea Zanzotto, Vocatif suivi de Surimpressions,
traduit de l’italien et présenté par Philippe Di Meo,
Maurice Nadeau, 2016, p. 79.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : andrea zanzotto, vocatif suivi de surimpressions, philippe di meo, naissance, sang, feu, vie | Facebook |
15/01/2017
Jacques Réda, La Tourne
Pauvreté. L'homme assiste sa solitude.
Elle le lui rend bien. Ils partagent les œufs du soir,
Le litre jamais suffisant, un peu de fromage,
Et la femme paraît avec ses beaux yeux de divorce.
Alors l'autre que cherche-t-elle encore dans les placards,
N'ayant pas même une valise ni contre un mur
La jeune amitié des larmes ? — Te voilà vieille,
Inutile avec tes mains qui ne troublent pas la poussière.
Laisse. Renonce à la surface. Espère
En la profondeur toujours indécise, dans le malheur
Coupable contre un mur et qui te parle, un soir,
Croyant parler à soi comme quand vous étiez ensemble.
Jacques Réda, La Tourne, "Le Chemin", Gallimard, 1975, p. 59.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Réda Jacques | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jacques réda, la tourne, solitude, amitié, coupable | Facebook |
14/01/2017
Daniil Harms, Œuvres en prose et en vers
Mais combien de mouvements divers
Courent impétueusement à sa rencontre
Un autre aide se hâte vers lui
Un autre char se meut encore
La fenêtre s'ouvre
Paisiblement s'approche
un éléphant. Le voilà le cher
spectral. Le voilà
le cher spectral.
Le voilà le cher
spectral. Le voilà
le cher spectral. Le voilà le jour
plein de souffrance. Rien à manger,
rien à manger, rien à manger.
J'ai faim. Oï oï oï !
J'ai faim. J'ai faim.
Voilà mon mot.
Je veux nourrir ma
femme. Je veux nourrir
ma femme. Nous avons très
faim.
Ah qu'il y a de choses
merveilleuses ! Ah qu'il y a
de choses merveilleuses !
Le vin et la viande. Le vin et la viande.
Le vin est plus agréable que le gruau.
Putain, putain, putain !
Le vin est plus agréable que le gruau.
Prenons prenigue prinigonfli !
La viande est meilleure que la pâte !
La viande est meilleure que la pâte !
Je ne mange que viande et légumes.
Je ne bois que bière et vodka.
Gongli gonfla !
Je n'aime pas les femmes russes.
La femme russe surtout si elle a maigri,
surtout si elle a maigri,
Gonfili gonfilette !
Surtout si elle a maigri,
Ça vaut pas tripette !
Pouah ! Pouah ! Pouah !
C'est une horreur !
J'aime les juives bien en chair !
Ça c'est adorable !
Ça c'est adorable !
Ça c'est,
Ça c'est,
Ça c'est adorable !
Je me conduis avec insolence.
Je me conduis avec extrême insolence.
(Saute à travers le tonneau).
Je me conduis avec insolence.
Gonfli gonfla !
J'aime manger de la viande,
Boire bière et vodka,
Manger viande et légumes
Boire bière et vodka.
Gonfilette gonfila !
Je veux manger de la viande !
Boire bière et vodka !
C'est comme ça !
(Saute à travers le tonneau !)
Harmonius
3 janvier 1938
Daniil Harms, Œuvres en prose et en vers, traduit du russe et annoté par Yvan Mignot, Verdier, 2005, p. 706-708.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : daniil harms, œuvres en prose et en vers, faim, femme, nourriture, ivresse | Facebook |
13/01/2017
Joyce Mansour, Carré blanc
Du doux repos
Prends vire une plume
Écris
Je volerai je volerai
L’orbite de la lune sauvage
Les grêles sanglots des vagues
Venues de l’autre rive
Vagues vaguelettes bandelettes et babillage
Écris
Roule entre mes bras
Ainsi qu’un caillou entre le ciel et le fond
D’un puits
Le sable sauvegarde de l’aveugle
Sur le parchemin de sa nuit
Prends vite du papier
Écris
Suis-moi entre les plates-bandes
Tranchées béquilles épines
Écoute
Les confidences de la rose
Mâchées hachées anodines
Herbes
Lèvres acides et luxurieuses
Lèvres aux fadeurs de cire
Lobes boudeurs moiteurs sulfureuses
Rongeurs rimeurs plaies coussins rires
Je rince mon épiderme dans ces puits capitonnés
Je prête mes échancrures aux morsures et aux mimes
La mort se découvre quand tombent les mâchoires
La minuterie de l’amour est en dérangement
Seul un baiser peut m’empêcher de vivre
Seul ton pénis peut empêcher mon départ
Loin des fentes closes et des fermetures à glissière
Loin des frémissements de l’ovaire
La mort parle un tout autre langage
Joyce Mansour, Carré blanc, éditions Le Soleil noir, 1961, p. 121 et 94.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : joyce mansour, carré blanc, du doux repos, herbes | Facebook |
12/01/2017
Franz Kafka, Récits et fragments narratifs
La poursuite
Quand on marche la nuit dans la rue et qu'un homme qu'on voit venir de loin — car la rue est en pente et il fait pleine lune — court de notre côté, on ne cherchera pas à l'empoigner, même s'il est faible et déguenillé, même si quelqu'un court derrière lui en criant ; nous le laisserons passer son chemin.
Car il fait nuit, et ce n'est pas notre faute si la rue est en pente et s'il fait clair de lune ; et, d'ailleurs, qui sait si ces deux-là n'ont pas organisé cette course pour s'amuser, qui sait s'ils ne sont pas tous deux à la poursuite d'un troisième, qui sait si le deuxième ne s'apprête pas à commettre un crime, dont nous nous ferions le complice, qui sait même s'ils se connaissent — peut-être chacun court-il se coucher, sans s'occuper de l'autre — qui sait s'il ne s'agit pas de somnambulisme et si le premier n'est pas armé.
Et enfin, nous avons bien le droit d'être fatigués, car nous avons bu ce soir pas mal de vin. C'est une chance de ne même pas apercevoir le deuxième.
Franz Kafka, Récits et fragments narratifs, traduction Claude David, dans Œuvres complètes, II, édition présentée et annotée par Claude David, Pléiade / Gallimard, 1980, p. 108-109.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Kafka Franz | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : franz kafka, récits et fragments narratifs, ignorance, ivresse | Facebook |
11/01/2017
William Blake, Esquisses poétiques
Chanson de folie
Les vents sauvages pleurent,
La nuit est glacée ;
Viens, ici, Sommeil,
Et dévoile mes chagrins.
Mais voici le point du jour
Dans les hauteurs de l'Orient
Et les oiseaux frémissants de l'aube
S'envolent loin de la terre
Voyez, jusqu'au zénith
De la voûte céleste,
Chargés de douleurs,
Mes accents sont portés ;
Ils frappent l'oreille de le anuit,
Et font couler les larmes du jour ;
Ils font rugir les vents en folie
Et se jouent avec la tempête.
Comme un démon dans la nue
Hurlant de douleur
Suivant la nuit je me hâte
Et avec la nuit je m'en irai
Me détournant de l'Orient
D'où nous est venue consolation,
Car la lumière frappe mon âme
D'un indicible mal.
Mad song
The wild winds weep,
And the night is a-cold ;
Come hither, Sleep,
And my grifs unfold :
But Io ! the morning peeps
Over the eastern steeps,
And the rustling birds of dawn
The earth do scorn.
Lo ! to the vault
Of paved heaven,
With sorrow fraught
My notes are driven :
They strike the ear of Night,
Make weep ths eyes of day ;
They make mad te roaring winds,
And with tempests palay.
Like a fiend in a cloud
With owling woe,
After night I do croud,
And with night will go ;
I turn my back to the east
From whence comforts have increas'd ;
For light doth seize my brain
With frantic pain.
William Blake, Esquisses poétiques, dans Poèmes,
traduction et préface L Cazamian, Aubier-Flammarion,
1968, p. 99 et 98.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : william blake, esquisses poétiques, chanson de folie, vent, chagrin | Facebook |
10/01/2017
James Sacré, Cappuccino brioche au Belvedere Bar à Montalcino
Si j’étais peintre et doué pour le dessin
En quelques traits et taches de couleur
J’aurais là sur le papier ce qu’on voit de la campagne par le fond vitré du café :
Au pied des dernières maisons avant la chute en presque falaise
Toits de tuiles qui se distinguent mal de la pierre et briques des murs…
J’aurais là sur mon papier le silence ou l’esprit de Montalcino.
Paysage toscan sans trop de cyprès (il n’y en a pas
Dans les fresques de Lorenzetti à Sienne,
Ou de Signorelli Monte Olivero Maggiore) :
La très large étendue de campagne s’ouvre au loin
Jusqu’à sa remontée vers des Crêtes perdues dans le gris d’aujourd’hui
Taches de verts, et d’autres couleurs de terre
À peine soulignées d’arbres et de buissons.
Je dessine quoi avec des mots ? Et quel rapport
Entre le rythme de mes vers et celui des lignes
Qui tiennent le paysage et l’ouvrent dans l’infini ?
James Sacré, Cappuccino brioche au Belvedere Bar à Montalcino, Faï fioc, 2016.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Sacré James | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : james sacré, cappuccino brioche au belvedere bar à montalcino, paysage, campagne, couleur, mot, rythme | Facebook |
09/01/2017
Bernard Noël, Monologue du nous
Monologue du nous
… Nous avons perdu nos illusions, et chacun de nous se croit fortifié par cette perte, fortifié dans sa relation avec les autres. Nous savons cependant que nous y avons égaré quelque chose car la buée des illusions nous était plus utile que leur décomposition. Nous oublions ce gain de lucidité dans son exercice même. Nous n’en avons pas moins de mal à mettre plus de raison que de sentiment dans notre action. Nous aurions dû depuis longtemps donner sa place au durable, mais la séduction s’est toujours révélée plus immédiatement efficace. Nous avions toutes els raisons de penser grâce à notre époque qu’un approbation, si elle est massive, ne peut qu’assurer l’avenir. Nous avons vite déchanté sans comprendre d’abord qu’il n’en va pas de l’engagement collectif comme du commerce, et que les lois de ce dernier ne provoquent que des excitations éphémères.
Bernard Noël, Monologue du nous, dans La Comédie intime, Œuvres iv, P.O.L, 2015, p. 383.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Noël Bernard | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bernard noël, monologue du nous, dans la comédie intime, illusions, collectif | Facebook |
08/01/2017
Denis Thouard, Pourquoi ce poète ? Le Celan des philosophes
Poétique, philosophie, politique : les trois s’enchaînent, et enchaînés, libèrent. Les bonnes et les mauvaises recettes sont là depuis longtemps.
Une société très sélective, qui pourrait être une secte littéraire, aussi bien qu’une communauté politique, d’abord. Lucien, auteur grec du IIe siècle de notre ère, né en Syrie, rapporte la proposition de décret que Momus présente à Jupiter pour limiter les nouveaux arrivants de cette assemblée : les dieux qui ne pourront faire la preuve de leur citoyenneté olympienne « seront renvoyés en leur pays, leurs autels profanés et leurs statues renversées, et s’ils s’ingèrent à l’avenir d’entrer dans le Ciel, ou sont trouvés sur le chemin, ils seront précipités dans les Enfers ! » Le rejet est ici sans ménagements. Une société se constitue par la clôture. Elle s’autosacralise en expulsant l’autre hors de soi. Pour faire la preuve de sa bonne foi, ou à tout le moins de papiers en règle, il faut un bon avocat.
[…]
Denis Thouard, Pourquoi ce poète ? Le Celan des philosophes, ‘’L’ordre philosophique’’, Seuil, 2016, p. 184.
Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Celan Paul | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : denis thouard, pourquoi ce poète ? le celan des philosophes, dieux, grèce, exclusion, citoyen | Facebook |