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14/09/2024

David Bosc, L'incendie de l'Alcazar

       david bosc, l'incendie de l'alcazar, salariat, solitude

que c’est en somme depuis le salariat

que peu à peu il s’est perdu de vue

et que pour finir il ne sait plus

qui prend le train quand il prend le train

et regarde filer le paysage

 

inchangée

en revanche

la terreur placide qui le laisse à la porte

des autres gens

impatient toujours de prendre congé

en gardant, cela va sans dire

sa propre porte verrouillée

(mais c’est

une maison de poupées

il y manque le toit

et l’un des quatre murs)

 

David Bosc, L’incendie de l’Alcazar,

Héros-Limite, 2024, p. 95.

13/09/2024

David Bosc, L'incendie de l'Alcazar

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mais alors que faire ?

rien

ne fais rien

fais ce que tu veux

ne va pas imaginer

ce que tu pourrais faire

pour que les autres

vivent comme il faut

 

personne ne t’a passé commande d’une civilisation

 

David Bosc, L’incendie de l’Alcazar, Héros-Limite,

2024, p. 92.

12/09/2024

David Bosc, L'incendie de l'Alcazar

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lieux imprimés

par les yeux-gouges de l’enfant

où l’on revient en visiteur

en voleur

En propriétaire

(quand ça n’est pas à son esprit défendant

qu’on s’y trouve transporté

enfermé, baladé

ramené, ramené, ramené)

 

précipités de nature sauvage

derrière la palissade

le mont pelé d’une solitude

dans un angle inondé de soleil

où l’on se tenait accroupi, oublié, stylite

la forêt de quatre arbres modus

la terre grattée par les joueurs de billes

la ave noir et chaude

au parfum d’encaustique et de pétrole lampant

 

David Bosc, L’incendie de l’Alcazar,

Héros-Limite, 2024, p. 71.

11/09/2024

David Bosc, L'incendie de l'Alcazar

david bosc,l'incendie de l'alcazar,labyrinthe,enfance

 

en l’absence de minotaure

il s’est assis

sur ses talons et creuse

- il a cessé de parcourir

le labyrinthe nul

qui n’est fait que d’issues

 

on l’a confié à la petite ville

aux couloirs aux salles d’attente

aux cages d’escaliers où la moquette est sur les murs

 

dans l’anachronisme de toute enfance

dans le toute allure interminable

des petites années

 

David Bosc, L’incendie de l’Alcazar,

Héros-Limite, 2024, p. 65.

10/09/2024

David Bosc, L'incendie de l'Alcazar

                       Unknown.jpeg

les rangs de pommiers, la route et la haie noire

dans l’étau inhumain

du crépuscule

 

jusqu’à ce que s’ouvre

à travers la poitrine

un appétit inquiet d’animal nocturne

 

l’oreille parvient à museler

l’aboi misérable des chiens

la narine insensiblement

déplace vers le fond

les remugles criards de poubelles qui débordent

 

et tout entier tu t’ouvres à de menus miracles

de feuilles émues de fruits tombés

de remuements d'amour

au ventre d’un cyprès

 

David Bosc, L’incendie de l’Alcazar,

Héros-Limite, 2024, p. 50.

20/12/2017

David Bosc, Relever les déluges

                                  bosc©frederic_bosc_site-70x73.jpg

                                               Mirabel

   Tout me plaît en ce monde et il ne me va pas. Je voudrais que tout change sans que rien ne se perde. Mon nom est Mirabel. Je sais lire et signer, je suis valet de ferme à la bastide Sarturan — laquelle se lève et dîne et fait son lit quand le lui dit la cloche de Saint-Jean-du Désert, près de Marseille, entre la Veaune et le Jartet.

   Mademoiselle Sartran, qui est vieille, m’a donné à faire dans ses vergers. J’ai le poignet trop fin pour les travaux de force, mais j’ai l’air franc, mes dents sont fortes encore à casser des amandes : elle aura jugé, la vieille, que je m’entends à finasser dans les amours des plantes. Le bastidon n’est pas bien grand. Les femmes y couchent sous le toit, défendues par une cuisinière aux pognes de grès rouge et qui ne dort jamais. Le palefrenier, les deux laquais, les domestiques dont on hérite avec les meubles ont au-dessus des écuries tout un arrangement de cloisons et de rideaux tirés qui leur fait des stalles come celles des chevaux (les chevaux tapent du pied la nuit, surtout s’il fait du vent). Pour moi, j’ai dû trouver à me loger et on me donne pour ça un rabiot de gages.

 

David Bosc, Relever les déluges, Verdier, 2017, p. 21.

28/01/2016

David Bosc, Mourir et puis sauter sur son cheval

 

                                            David-Bosc-©-Frédéric-Bosc-light1-200x284.jpg

Je suis une jonchée de feuilles, qui dévale, tourbillonne, s’élève, retombe, s’arrête, s’élance à nouveau, se divise, se mêle à d’autres tas de feuilles, plus jeunes ou plus anciens, accueille un papier gras, une page de journal, un morceau de ficelle, se laisse acculer dans une impasse, rebrousse chemin, explose en gerbe folle sur une bouche d’aération, paie son écot à l’eau de la rigole, espère et trouve les jambes   nues d’un enfant, n’est aucune des feuilles pas plus qu’elle n’est le vent, elle est la danse, elle est dansée. Fugace impression de me disperser enfin, mais le corps résiste, le pavé, le mur, et même l’air et l’eau m’opposent leur matérialité, leur permanence obtuse.

 

David Bosc, Mourir et puis sauter sur son cheval, Verdier, 2016, p. 47.© Photo Frédéric Bosc.