28/12/2017
Sergueï Essenine, Journal d'un poète
Ne m’en veuillez pas, c’est ainsi !
je ne barguignerai pas avec les mots :
elle est alourdie, affaissée,
ma jolie tête dorée.
Ne plus aimer ni la ville, ni mon village
comment le souffrirais-je ?
Je largue tout. Me laisse pousser la barbe.
Et je vais bourlinguer en Russie.
J’oublierai livres et poèmes,
j’irai le ballot sur l’épaule
— au noceur dans la steppe, on le sait,
le vent fait fête comme à nul autre.
Je puerai le raifort et l’oignon.
Et troublant la torpeur du soir
me moucherai bruyamment dans les doigts.
Partout je ferai l’idiot.
Je ne réclame d’autre bonheur
que de me perdre dans le blizzard :
car sans ces extravagances
je ne puis vivre sur terre.
Sergueï Essenine, Journal d’un poète, traduction
du russe Christiane Pighetti, éditions de la
Différence, 2014, p. 91.
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13/12/2013
Giuseppe Conte, Le dieu humble de l'aube
Le dieu humble de l'aube
Ne le voyez-vous pas ? Je ne possède rien.
Vagabond, mendiant,
rien ne me fut donné
de ce qui devait m'échoir.
Je fus blessé, moqué,
poignardé, compris de travers
et laissé pour mort
s'il est vrai que les mots peuvent tuer.
En chaque vaincu je reconnais mon frère.
En chaque rebelle aussi.
Qu'ai-je reçu de toi, ma vie,
si ce n'est cette joie violente dans ma chair,
cette joie déraisonnable
qui fait que certains matins au réveil,
moi, le plus misérable des hommes,
moi qui connais tous les déchirements,
j'esquisse un pas de danse,
laisse monter dans ma gorge un chant
et rends grâce en ce tremblement
au dieu humble de l'aube.
Giuseppe Conte, traduit par Jean-Baptiste Para,
dans PO&SIE, "1975-2004, Trente ans
de poésie italienne", n°109, 2004, p. 277.
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