24/03/2024
Michel Deguy, Donnant Donnant
Donnant
Donnant est la formule
l’échange sans marché
où la valeur d’usage ne serait que l’échange du don
où le commun n’est pas même cherché, foison des
incomparables sans mesure prise en commun, un troc où
la fleur d’ail se change en ce qui n’est pas de refus
Que désirez-vous donner
C’est le geste qui compte
Miche Deguy, Donnant Donnant, Gallimard, 1981, p. 57.
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09/05/2021
James Sacré, Figures de silences
Écrire : on entend quoi ?
3
Écrire dans le silence d’un papier
Sur lequel on peut lire une adresse ;
Un n om tracé par la main de quelqu’un
Mais ce qu’on a mis dans ce nom ?
Mon poème comme une lettre pour dire
Entre un silence et mon silence
Toucher une joue, tenir
Une épaule ou plus bas
Le bougé d’un désir
Si ça serait plus intense ?
On pressent le même écart
Entre deux silences ?
*
Quelqu’un s’en va, tu ne sais pas
Si même il s’en va ?
Penser ou ne pas pouvoir penser
Le retient mal on n’attrape
Que du silence
Quelqu’un peut-être reprend
Tout ce qu’il a donné
Mais dans le genre de ne plus parler
Quelque chose encore
Est donné.
James Sacré, Figures de silences, Tarabuste,
2018, p. 121-122.
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10/02/2018
Pierre Mabille, C'est cadeau
Tout ce qui est à moi mon abandon mon absence
mon activisme mon addiction mon admiration
mon adolescence mon adresse mon affection
mon ailleurs mon allure
mon ambiguïté mon ambition
mon âme mon amitié mon amoralité
mon angélisme mon angle d’attaque
mon animalité mon animosité
mon anti dictionnaire mon anti héroïsme
mon antipathie
mon appartenance
mon après
mon ardeur
Tout ce qui est à moi mon art contemporain
mon attente mon audience mon augmentation
mon autrefois mon avance
mon avant mon avenir
mon aventure mon bégaiement
mon blaze mon blues
mon bon caractère mon bon conseil
mon bordel mon bout du rouleau mon caprice
mon caractère pas facile
mon cauchemar
mon chagrin
mon charisme
mon code mon cosmos mon coach
mon courage mon courroux
mon creux mon cri
mon cv mon cynisme
mon défaut mon dégoût mon délire
(…)
mon vocabulaire mon voile
mon voyage tout ce qui est à moi
tout ce qui est à moi c’est
pour toi tout ce qui est
à moi et toi et moi est à toi
est à tu
et à toi est à toi
Pierre Mabille, c’est cadeau, éditions Unes,
2018, p. 27-28 et 31.
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19/12/2017
Cécile A. Holdban, Battements, dans I rouge
Battements
tu noues chaque matin brin par brin
veine par veine
ton corps au monde
mais derrière le rideau de nuit comme de hauts cyprès
tes mains demeurent suspendues hors du don
Cécile A. Holdban, Battements, dans I rouge, "L’invisible", revue en ligne, 2017, p. 35.
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29/05/2016
Alberto Giacometti, Écrits
Enfant, j’avais plutôt l’envie d’illustrer des histoires. Et puis, assez vite, j’ai commencé à dessiner d’après nature, et j’avais l’impression que je dominais tellement mon affaire que je faisais exactement ce que je voulais. J’étais d’une prétention, à dix ans… Je m’admirais, j’avais l’impression de pouvoir tout faire, avec ce moyen formidable : le dessin ; que je pouvais dessiner n’importe quoi, que je voyais clair comme personne. Et j’avais commencé à faire de la sculpture vers 14 ans, un petit buste. Et là aussi cela marchait ! J’avais l’impression qu’entre ma vision et la possibilité de faire, il n’y avait aucune difficulté. Je dominai ma vision, c’était le paradis et cela a duré jusque vers 18-19 ans, où j’ai eu l’impression que je ne savais plus rien faire du tout ! Cela s’est dégradé peu à peu… La réalité me fuyait. Avant je croyais voit très clairement les choses, une espèce d’intimité avec le tout, avec l’univers.. Et puis tout d’un coup, il devient étranger. Vous êtes vous et il y a l’univers dehors, qui devient très exactement obscur… J’essayais de faire mon portrait d’après nature, et j’étais conscient que ce que je voyais, il était totalement impossible de le mettre sur une toile. Laligne — je me rappelle très bien — la ligne qui va de l’oreille au menton, j’ai compris que jamais je ne pourrais copier cela tel que je le vyais, que c’était du domaine pour moi de l’impossibilité absolue. S’acharner dessus, c’ »était absurde, c’en était fini à tout jamais de toute possibilité de copier, même très sommairement, ce que je voyais.
Alberto Giacometti, Écrits, Hermann, 1990, p. 261.
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