04/05/2023
Oskar Pastior, Poèmepoèmes
quand la fête commence à quatre heures le point culminant commence à six quand le poème commence par la fête le point culminant par la fin quand la fin commence à six heures la fête commence par le point culminant quand le point culminant commence par la fin la fin commence le poème quand la fin commence par la fête le poème commence par le point culminant quand le poème commence à six heures le poème commence à quatre quand le point culminant commence le poème commence par la fin quand le poème commence commence la fin
Oskar Pastior, Poèmepoèmes, traduction Alain Jadot, NOUS, 2913, p. 90.
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08/09/2020
Étienne Faure, Légèrement frôlée
Aux champs dans les kermesses,
cérémonies et fêtes, c’est la fusion
des corps, des âmes, feux et foyers
avec le tintamarre des cloches
à la volée, en concordance avec les oiseaux migrateurs
et les canards dans le ciel incendié, les fanfares
et les drapeaux des jours fériés traversés de soleil
et des lois qui les ont institués :
toutes les générations présentes,
à venir, passées, hantent les lieux à la cantonade,
la bouche ouverte au rire, mégot, cigare ou pétard à mèche,
au boire et au manger,
fêtant leur saint patron, plastronnent
avec la certitude éternelle d’être au cœur
du monde et de l’instant
(à peine à cette heure sait-on qu’elle est ronde
et tourne, ignorant
par une sorte d’application de la théorie des vases,
où va le soleil qui s’abat, s’engloutit en silence,
comme étranger aux clameurs du canton).
le centre du monde en plein champ
Étienne Faure, Légèrement frôlée, Champ
Vallon, 2007, p. 65.
Photo Chantal Tanet
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02/07/2020
Jean Tardieu, Le témoin invisible
Les jours
Dans une ville noire entraînée par le temps
(toute maison d’avance au fil des jours s’écroule)
Je rentrais, je sortais avec toutes mes ombres.
Mille soleils monta ient comme du fond d’un fleuve,
mille autres descendaient, colorant les hauts murs ;
je poursuivais des mains sur le bord des balcons ;
des formes pâlissaient (la lumière est surelle)
ou tombaient dans l’oubli (les rayons ont tourné)
Les jours, les jours... Qui donc soupire et qui m’appelle
pour quelle fête ou quel supplice ou quel pardon ?
Jean Tardieu, Le témoin invisible, dans Œuvres,
édition J.-Y. Debreuille, Quarto / Gallimard,
2003, p. 141.
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10/05/2019
Norge, Le Stupéfait
Une fête
La folle mouche d’octobre
Qu’exaltait l’amour de vivre,
Sent déjà pincer le givre
Qui va lui blanchir la robe.
Mais elle ne gémit pas
Et nous zézaie à tue-tête
Mordant au raisin muscat
Que la mort est une fête.
Norge, Le Stupéfait, Gallimard,
1988, p. 99.
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22/12/2017
Edmond Jabès, Le Livre de Yukel
Journal de Sarah, III
11 décembre
Chaque flamme était une note de musique et, de cette gamme insoupçonnée, un compositeur triste comme la boue de la route, avait tiré sa musique ; une valse sans issue où le rassurant savoir du monde abdiquait.
J’ai vu danser le reptile et l’insecte, le quadrupède et l’oiseau.
J’ai vu danser le poisson et la plante.
Et la mort était une fête éclairée où les rires doublaient les râles ; de sorte que je ne savais plus si elle se déroulait en moi ou devant et si la plainte n’avait pas toujours eu pour partenaire le plaisir.
La folie, avec sa chevelure de chanvre où les rêves attardés s’accrochaient s’était installée dans la salle. Ses mains décharnées contrastaient violemment avec son corps d’adolescente éprise de matins. Elle brandissait le candélabre et se moquait de mon émotion.
J’avais peur d’être morte comme les sept nuits qui venaient de s’écouler.
Edmond Jabès, Le Livre de Yukel, Gallimard, 1964, p. 85.
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23/03/2017
Ivan Alechine, Enterrement du Mexique
Proche du porc
L’aube soulève le toit de chaume
sans eau sans nourriture
je veux forcer l’enclos
c’est en octobre la fête des premiers fruits et des enfants de moins de cinq ans
je dors d’un œil
l’autre se lève
à travers un trou dans la toile
je vois les feux de la cérémonie à fleur de terre
leurs flammes sont les cris joyeux
des enfants dits akiélis — esprits —
elles montent aux ciel — bataillons de flammes —
combattre les 400 Mimixcoas — les étoiles de l’infini du Nord qui voudraient en finir avec notre vie
il y a un sang de l’aube
comme il y a un sang du soir
le soleil file le coton des nuages
sang de naissance
sang de mort
c’est la lumière saisie par l’eau
que l’on capture dans les coupes votives
demain on sacrifiera trois taureaux
avec leur premier sang on peindra du doigt
le maïs et les fleurs
les flacons d’eau de sources et les flèches votives
hommes esclaves des fleurs
hommes sous le poids des fleurs
Ivan Alechine, Enterrement du Mexique, Galilée, 2016, p. 82-83.
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15/10/2016
Michel de M'Uzan, Le Rire et la Poussière
Les Obèses du royaume
La célébration des fêtes du Couronnement devait avoir lieu à la fin du printemps. Cette date un peu tardive avait été choisie à cause du temps qui, en cette saison, demeurait incertain pendant de longues semaines. Ainsi, au moment des fêtes, le couple royal, règnerait déjà depuis plusieurs mois. Son premier acte légal avait été la promulgation d’un décret qui rétablissait temporairement et dans leur forme ancienne les Services royaux du Couronnement. À ceux-ci incombait l’organisation des principales cérémonies. Pour qu’une tâche aussi lourde eût une chance d’être menée à bien, les employés des Services avaient été nommés par voie de concours, les candidats ayant été choisis parmi les meilleurs fonctionnaires du royaume. D’une manière générale, les femmes avaient remporté les premières places. C’est à elles que revint une part importante du travail : la sélection des sujets qui, plus tard, formerait le Carré des Obèses.
Le terme de Carré des Obèses, qui s’était imposé s vite que le pays entier le connaissait — à vrai dire, c’est à peu près tout ce qu’il connut jamais des préparatifs du Couronnement —, était entendu dans son sens large et désignait à la fois l’ensemble des participants et leur disposition à certains moments de la cérémonie. Le terme avait été proposé par la Reine elle-même ; en reprenant une ancienne dénomination, elle mesurait assez combien elle tenait à la réussite de ce qui allait être le pivot des fêtes.
Michel de M’Uzan, Le Rire et la Poussière, Gallimard, 1962, p. 92-94.
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15/04/2016
Yves di Manno, Champs, un livre de poèmes, 1975-1985
Nocturne
Triste j’entends l’âne qui brait
l’année mourir
les femmes qui dansaient
au bord de la jetée ont relevé
leurs jupes et se sont tues après
avoir abandonné tambours et fifrelins
aux enfants éblouis qi les voyaient
passer à l’abri des fougères sous
le grand masque noir et
la crinière du lion
loin
dans les dunes un chien
aboie une trompette
sonne les feux se sont
éteints qui dessinaient
ailleurs le contour des
danseuses
celui qui marche dans
la nuit se tourne vers le ciel cra
quant une allumette la braise bleue
des toits penche comme une ardoise
j’entends siffler le vent la nuit
qui s’amoncelle la flûte de
l’idiot l’invite de la fête les ombres
sur la plage n’ont plus formes humaines.
Yves di Manno, Champs, un livre de poèmes,
1975-1985, Flammarion, 2014, p. 260.
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10/01/2016
Agnès Rouzier, À haute voix, dans Change
Tout vouloir dire et ne pouvoir rien dire, quand on dit. Cette distance invincible qui fait effectivement que la parole ne serait valable que si elle pouvait être, en même temps, une forme de fête. Parce que quand on écrit, elle est fête, ou faite pour la fête, très exactement, oui, faite pour la fête. Mais la fête n’arrive jamais. Alors l’écriture est silence, et c’est dans cet intervalle : être faite pour la fête et ne devenir que silence, qu’il faut la situer, comme si dans cet intervalle le silence devenait : une fête, une sorte de fête, une fête, difficile de trouver le mot : ce n’est pas défaillant, ce n’est pas triste, une fête à part, une autre fête, une fête qui est redoublement du silence, peut-être que le silence, alors, devient quelque chose d’insolent, je ne sais pas. Je ne comprends pas bien. Je crois qu’il serait très important de définir, de chercher à comprendre ce que peut contenir cette forme de silence, ce qui le rend possible, ce qui rend cette parole-silence possible.
Agnès Rouzier, ‘’À haute voix’’, Change, ‘’La machine à conter’’, n° 38, octobre 1979, p. 75.
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03/10/2014
Mathieu Bénézet, Poèmes uniques, dans Rehauts
Tes habits d'aujourd'hui
Rue du Moulin Vert un rejet de gly
cine se prit dans es cheveux Je
t'évoquais dans tes habits d'aujourd'hui
Tu pars comme on dit au travail
dans un journal à Saint-Denis
(J'y écrivis naguère encore hier demain qui sait)
Ô la glycine je nous connus neuf
ans déjà rue du Château, rue des Plantes
les allers et retours
charriant le petit panier du repas
(Ô fête d'une sieste sous un ciel de chambre)
(fête du poulet grillé dans un four)
Si profondément se forme un pas d'homme
(moi) il te regarde chaque jour
dans tes habits d'hier d'aujourd'hui
demain qui sait
Rue Jean Sicard, Paris le 30.X.1991
Mathieu Bénézet, Poèmes uniques, dans Rehauts,
n° 33, 2014, p. 91.
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26/06/2014
Adrienne Rich (1929-2012), dans Olivier Apert, Une anthologie de la poésie féminine
D'une vieille maison en Amérique
16.
« De telles femmes sont dangereuses
pour l'ordre des choses »
et bien oui nous serons dangereuses
à nous-mêmes
avançant à tâtons parmi les épines du cauchemar
(datura s'enchevêtrant à une herbe simple)
car la ligne séparant
la lucidité des ténèbres
st encore à tracer
Isolement, le rêve
de la femme de la frontière
mettant en joue sa carabine derrière
la clôture de la ferme
piège encore notre vanité
— Une feuille suicidaire
s'étend sous le verre brûlant
de l'œil du soleil
La mort de toute femme me diminue.
From an old house in America
"Such women are dangerous
in the order of things"
and yes, we wille be dangerous
to ourselves
groping through spines of nightmare
(datura tangling with a simple herb)
because the line dividing
lucidity from darkness
is yet to be marked out
Isolation, the dream
of the frontier woman
levelling her rifle along
the homestead fence
still snares our pride
—a suicidal leaf
laid under the burning-glass
in the sun eye
Any woman death diminishes me.
Adrienne Rich (1929-2012), dans Olivier Apert, Une anthologie bilingue de la poésie féminine américaine du XXe siècle, Le Temps des Cerises, 2014, p. 183 et 182.
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20/06/2014
Robert Creeley (1926-2005), Dire cela
Catulle, tu décoiffes
1
Mon amour — mon amour dit
qu'elle m'aime.
Et qu'elle n'aura jamais
un autre homme que moi.
Pourtant ce qu'une femme annonce
à un homme qui la jette
doit être écrit sur le vent et sur
l'eau vive.
2
Ma vieille dit c'est moi je suis le mieux,
elle dit personne ne le fait mieux que moi.
Mais que dit ma vieille quand je la jette, —
Mmmm, plutôt non que le mieux.
3
Ma vieille est une cinglée de moi,
elle me dit elle m'aime ne me quitte pas —
mais ce qu'une cinglée peut annoncer à un homme
est le mieux écrit sur le vent & l'eau & le sable.
4
Amour & argent & pilier de bar
mon homme passe pour un lascar
y rentre tard et c'est pas de mon lit
et maintenant qu'est-ce que je lui dis ?
5
Nous sommes fous mais nous sommes gais,
la vie est courte & la vie nous trouve, s'il te plaît,
c'est le moment ou jamais & c'est la fête,
rate pas le mieux, ou je te savonne la tête.
Robert Creeley, Dire cela, choix, présentation et
traduction de l'américain par Jean Daive, NOUS,
2014, p. 53-54.
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