Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

14/04/2023

Benoît Casas, Combine

artworks-000510950841-pgigp7-t500x500.jpg

81 

Vous êtes

l’objet

de la lecture

de l’autre

chacun lit

en l’autre

son histoire

non écrite.

 

92

S’il ne

Lisait

pas

il ne voyait

pas

le jour

dans le

jour.

 

96

Concerné

j’accepte

le temps

comme

j’accepte

les nuages.

 

98

Elle

m’a fait

découvrir

de quoi

 

il était

question

dans ma vie

dans

mon livre.

 

Benoît Casas, Combine,

NOUS, 2023, np.

 

13/04/2023

Benoît Casas, Combine

casas_benoit.jpg

47

Sous le

grand soleil

 fermentent

les hommes

les femmes  

les passions

les siècles.

 

60

Elle prépare

le feu

de l’ombre

où je resterai

visible.

 

63

Comment

déterminer

le moment

précis

où commence

une histoire ?

 

542
Ce n’était 

qu’une question 

de temps 

mais le temps 

ne nous a 

pas bien 

traités 

quelque chose 

s’est mal 

passé.

 

Benoît Casas, Combine,

Nous, 2923, np.

 

 

12/04/2023

Benoît Casas, Combine

 

casas_benoit.jpg

16

La poésie

est expérience

qui subtilise

est apparence

qui varie

la poésie

est l’une des

expansions

de la vie.

 

19

Ce

travail

mettre

des mots

ensemble.

 

25

La poésie

crée

un rapport

de un

à un `

entre

le lecteur

et l’auteur.

 

42

Les poèmes

à chaque prise

à chaque

frappe

dispensent

le temps

et le monde

en surfaces.

 

Benoît Casas, Combine, NOUS, 2023, np.

11/04/2023

Gustave Roud, Le Repos du cavalier

Gustave-Roud-Autoportrait-e1645977138133.png

 

Je regarde le fleuve de brouillard s’élargir, noyer sa rive, cette pente de terre nue où côte à côte nous avons marché tout un après-midi d’automne, herseur le poing à la bride du gros rouan débonnaire, herseur qui riais dans le soleil et la bête à chaque halte au bord du champ refermait sa paupière cousue de gros  crin pâle… Je regarde. Le brouillard déferle contre le verger, contre la ferme, la grange, contre toi-même. La batteuse étouffe son adieu ; le brouillard dévore ta main tendue. Tu es cendre, tu es vapeur, tu n’es plus rien. Tu n’es plus rien, mais là-bas tu vas reprendre poids et vie parmi toutes ces autres vies, et moi je glisse et repars au fil de la brume, sans voix, sans pensée, comme un bâton flottant dont nul bûcheron sur la rive ne pourrait tirer quelque flamme  comme un vague flocon d’écume bientôt défait, dissous au ressac indéfini de l’attente et de l’absence.

 

Gustave Roud, Le Repos du cavalier, dans Œuvres poétiques, éditions Zoé, 2022, p. 1147.

 

 

 

10/04/2023

Gustave Roud, Journal

             4100696.image.png

Pourquoi, pourquoi ? Pourquoi cette destinée qui se développe et semble s’achever dans le temps ? qui a besoin d’une périssable vêture corporelle ? Cernée ainsi dans sa figure matérielle, dans sa présence de chair qui commence et finit entre deux chiffres précis, je sais bien qu’une vie demeure entièrement inexplicable. Mais je crois que le cœur seul peut comprendre qu’il y a une éternité de l’amour. Certains élans du cœur, leur puissance ne peut prendre fin.

 

Gustave Roud, Journal 1916-1976, Œuvres complètes, volume 3, éditions Zoé, 2022, p. 484.

08/04/2023

Yves Bonnefoy, La Vie errante

Unknown-2.jpeg

           Une pierre

 

J’ai toujours faim de ce lieu

Qui nous était un miroir,

Des fruits voûtés dans son eau,

De sa lumière qui sauve,

 

Et je graverai dans la pierre

En souvenir qu’il brilla

Le cercle, ce feu désert

Au-dessus le ciel est rapide

 

Comme au vœu la pierre est fermée.

Qe cherchions-nous ? Rien peut-être,

Une passion n’est qu’un rêve,

Nos mains ne demandent pas,

 

Et de qui aima une image,

Le regard a beau désirer,

La voix demeure brisée,

Ma parole est pleine de cendres.

 

Yves Bonnefoy, La Vie errante, dans Œuvres poétiques,

Pléiade/Gallimard, 2023, p. 682.

05/04/2023

Yves Bonnefoy, Pierre écrite

Unknown-2.jpeg

                  Une pierre

 

              Je fus assez belle,

Il se peut qu’un jour comme celui-ci e ressemble,

   Mais la ronce l’emporte sur mon visage, 

      La pierre accable mon corps

 

              Approche-toi,

     Servante verticale rayée de noir,

       Et ton visage court.

 

    Répands le lait ténébreux qui exalte

                  Ma force simple.

                  Sois moi fidèle,

    Nourrice encor, mais d’immortalité.

 

Yves Bonnefoy, Pierre écrite, dans Œuvres poétiques,

Pléiade/Gallimard, 2023, p. 130.

 

04/04/2023

Yves Bonnefoy, Du mouvement et de l'immobilité de Douve

 

         Unknown-2.jpeg

               Derniers gestes VI 

Sur un fangeux hiver, Douve, j’étendais 

Ta face tumultueuse et basse de forêt.

Tout se défait, pensais-je, tout s’éloigne.

 

Je te revis violente et riant, sans retour,

De tes cheveux au soir d’opulentes saisons

Dissimuler l’éclat d’un visage livide.

 

Je te revis furtive. En lisière des arbres

Paraître comme un feu quand l’automne resserre

Tout le bruit de l’orage au cœur des frondaisons.

 

Ô plus noire et déserte ! enfin je te vis morte,

Inapaisable éclair que le néant supporte,

Vitre sitôt éteinte et d’obscure maison.

 

Yves Bonnefoy, Du mouvement et de l’immobilité de Douve,

Dans Œuvres poétiques, Pléiade/Gallimard, 2013, p. 67.

02/04/2023

Jules Supervielle, Gravitations

supervielle.jpg

           Tiges

 

Un peuplier sous les étoiles

Que peut-il ?

Et l’oiseau dans le peuplier

Rêvant, la tête sous l’exil

Tout proche et lointain de ses ailes,

Que peuvent-ils tous les deux

Dans leur alliance confuse

De feuillages et de plumes

Pour gauchir la destinée ?

Le silence les protège

Et le cercle de l’oubli

Jusqu’au moment où se lèvent

Le soleil, les souvenirs.

Alors l’oiseau de son bec

Coupe en lui le fil du songe

Et l’arbre déroule l’ombre

Qui va le garder tout le jour.

 

Jules Supervielle, Gravitations, dans

Œuvres poétiques complètes,

Pléiade/Gallimard, 1996, p. 179.

01/04/2023

Jules Supervielle, La Corps tragique

Unknown.jpeg

            Le don des larmes

 

Tout est pareil chez l’homme qui se dresse

Pour voir le fond de ce qui le morfond,

Pleurer de joie c’est pleurer de détresse

C’est bien cela qui fait que nous pleurons.

Et cependant les contraires déchirent

Ce qui résiste en nous de nos raisons

Et longuement nous nous ensanglantons

Avec les mots épineux du délire.

Tout bouge en nous et nous continuons

Par le chemin qui n’a pas de repos.

Venez aussi, vous n’êtes pas de trop,

Homme aux yeux secs, aveugle compagnon.

 

Jules Supervielle, Le Corps tragique, dans Œuvres

poétiques complètes, Pléiade/Gallimard, 1996, p. 596.

30/03/2023

Jules Supervielle, Les Amis inconnus

supervielle.jpg

             Les chevaux du temps

 

Quand les chevaux du Temps s’arrêtent à ma porte

J’hésite toujours un peu à les regarder boire

Puisque c’est de mon sang qu’ils étanchent leur soif

Ils tournent vers ma face un œil reconnaissant

Pendant que leurs longs traits m’emplissent de faiblesse

Et me laissent si las si seul et décevant

Qu’une nuit passagère envahit mes paupières

Et qu’il me faut soudain refaire en moi des forces

Pour qu’un jour où viendrait l’attelage assoiffé

Je puisse encore vivre et les désaltérer

 

Jules Supervielle, Les Amis inconnus, dans Œuvres poétiques

complètes, Pléiade/Gallimard, 1996, p. 300.

29/03/2023

Jules Supervielle, Le Forçat innocent

       Unknown.jpeg     

              Réveil

 

Le jour auprès de moi se fixe

Mais il m’ajourne dans l’oubli

Si je m’approche du miroir

Je n’y découvre rien de moi.

 

Hier encore j’eusse dit : « Mes mains »

Et aussi : « Mes jours et mes nuits »

Aujourd’hui je ne sais que dire,

Tous les mots sont restés au loin,

Saisis par leur propre délire.

 

 Jules Supervielle, Le Forçat innocent, dans

Œuvres poétiques complètes, Pléiade /Gallimard,

1996, p. 271.

28/03/2023

Philippe Beck, Ryrkaïpii

Philippe-Beck.jpg

Tout ce qui se meut se meut

pour atteindre ce qu’il n’a pas.

Il manque de quelque chose

et n’a pas son être entier.

Il y a dans le travail de l’artiste

la tristesse d’un cheval

qui porte des œillères et piétine

l’ère de l’engrenage.

Morsure du nom versé dans s’oreille

comme le ver entêtant,

l’orgue de Barbarie consentant,

l’automatophone qui déroule

un plan-rouleau ou la Toile de la Terre.

 

Philippe Beck, Ryïkaïpii, Flammarion,

2023, p. 263.

26/03/2023

Judith Chavanne, De mémoire et de vent

Judith Chavanne, de mémoire et de vent, tristesse, chair

Un corps navré ; à terre les feuilles ternes.

 

Jours de défaite ? Ou est-ce

que l’on a simplement désarmé ?

 

D’autres feuilles dans la dernière lumière

sur le bouleau orange illuminées.

 

Une rose pâle, comme décolorée.

 

Faut-il être jusque dans sa chair la tristesse,

le champ piétiné d’insondables batailles ?

 

Au-dessus, rose et or, le ciel

éblouissant avant l’obscurité.

 

Judith Chavanne, De mémoire et de vent,

L’herbe qui tremble, 2023, p. 27.

 

25/03/2023

Judith Chavanne, De mémoire et de vent

               chavanne_bav.png

On aurait pu se dire soustraits au temps

dans la cuisine à l’abri des intempéries d’avril :

il avait neigé sur les plateaux, il faisait humide,

et la vapeur du thé ajoutaitp à la brume.

 

On avait dérobé un jour au calendrier

des jours ouvrables et dûment remplis

 par on ne savait quoi au juste

mais ce furent : quelques mots,

comme s’égoutte au long des heures

 la pluie depuis les branches,

le verre de vin improvisé,

puis, ayant marché par des chemins trempés,

aux chaussures la boue agglutinée.

 

Et aussi l’oiseau, gorge rouge et léger

par intermittences,

plus vif peut-être qu’on ne le vit jamais.

 

Judith Chavanne, De mémoire et de vent,

L’herbe qui tremble, 2023, p. 65.