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10/02/2025

Jules Supervielle, Œuvres poétiques complètes

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        Mouvement

 

Ce cheval qui tourna la tête

Vit ce que nul n’a jamais vu

Puis il continua de paître

À l’ombre des eucalyptus.

 

Ce n’était ni homme ni arbre

Ce n’était pas une jument

Ni même un souvenir de vent

Qui s’exerçait sur du feuillage.

 

C’était ce qu’un autre cheval,

Vingt mille siècles avant lui,

Ayant soudain tourné la tête

Aperçut à cette heure-ci

 

Et ce que nul ne reverra,

Homme, cheval, poisson, insecte,

Jusqu’à ce que le sol ne soit

Que le reste d’une statue

Sans bras, sans jambe et sans tête.

 

Jules Supervielle, Gravitations, dans

Œuvres poétiques complètes,Pléiade / Gallimard,

1996, p. 173.

02/04/2023

Jules Supervielle, Gravitations

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           Tiges

 

Un peuplier sous les étoiles

Que peut-il ?

Et l’oiseau dans le peuplier

Rêvant, la tête sous l’exil

Tout proche et lointain de ses ailes,

Que peuvent-ils tous les deux

Dans leur alliance confuse

De feuillages et de plumes

Pour gauchir la destinée ?

Le silence les protège

Et le cercle de l’oubli

Jusqu’au moment où se lèvent

Le soleil, les souvenirs.

Alors l’oiseau de son bec

Coupe en lui le fil du songe

Et l’arbre déroule l’ombre

Qui va le garder tout le jour.

 

Jules Supervielle, Gravitations, dans

Œuvres poétiques complètes,

Pléiade/Gallimard, 1996, p. 179.

03/04/2018

Jules Supervielle, La Belle au Bois dormant

 

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La Belle au Bois dormant

 

Amphidontes, carinaires, coquillages

Vous qui ne parlez qu’à l’oreille,

Révélez-moi la jeune fille

Qui se réveillera dans mille ans,

Que je colore la naissance

De ses lèvres et de ses yeux,

Que je lui dévoile le son

De sa jeunesse et de sa voix,

Que je lui apprenne son nom,

Que je la coiffe, la recoiffe

Selon mes mains et leur plaisir

Et qu’enfin je la mesure avec mon âme flexible !

Je la reconnais, jouissant de sa claire inexistence

Dans le secret d’elle-même comme font les joies à venir,

Composant son sourire,

En essayant plusieurs,

Disposant ses étamines

Sous un feuillage futur,

Où mille oiseaux, où mille plumes

Essaient déjà de se tenir,

Allumant des feux d’herbages,

Charmant l’eau loin de ses rives

Et jouant sur les montagnes

À les faire évanouir.

 

Jules Supervielle, Gravitations, Poésie / Gallimard,

1966, p. 122-123.