31/12/2023
Bernard Vargaftig, Dans les soulèvements
La fugacité disparaît
Toujours la même déflagration je t’aime
La hâte obstinément éclaire
Ton souffle où je tombe encore une fois
Quel dénuement n’ai-je pas dit
Un souvenir sans souvenir aucun ciel
N’a l’étendue de l’abandon
Un cri l’impudeur pensive
Le sens et l’effacement bougent
Le désir avec les oiseaux qui respirent
Tellement le jour était vaste
Comme quand l’aveu n’a plus d’ombre et roule
Quand la ressemblance sans cesse
Si ensevelie se sépare de moi
L’enfance changée en pitié
Dans les rochers que l’apaisement forme
Bernard Vargaftig, Dans les soulèvements,
André Dimanche, 1996, p. 51
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30/12/2023
Edoardo Sanguineti,Codicille
le passage à créativité et développement » après (et après tout) a été très facile :
(et l’imudon, plus que prodigieux, ne fut pas du tout superflu) : (et je ne te cache pas
les infinies complications symboliques que je ne te révèle pas) :
mais maintenant que j’atterris
maintenant que j’ai vu les intellectuels des cinq continents célébrer cette cour
élyséenne (j’étais un E. T., mais en pire, qui disait classes sociales, lutte des classes,
et caetera et caetera, et patati et patata), je suis à la recherche d’un habitat : et toi ?
Edoardo Sanguineti Codicille, traduction Patrizia Atzei et Benoît Casas, éditons NOUS 2023, p. 15.
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29/12/2023
Edoardo Sanguineti, Codicille
je fais de l’écriture, et ne suis pas écriture :
reste le fait tout de même, que je fais des étincelles
(avec le feu et les flammes) : (je fais l’amour, et je te fais pitié) : (et j’ai fait les sept
rêves) : (et je fais le joyeux, et je ne le suis pas)) : (et je fais la tête que tu me vois) :
(je la fais longue et grosse, et cuite et crue) : (j’ai les yeux plus gros que le ventre) :
(je fais le bras de fer, je montre mes muscles) : (et je vais me faire voir et foutre) :
(m’occuper de mes oignons, de mes affaires) : (j’en fais pour trois, à moi tout seul : pour ainsi dire) :
(et pour faire et défaire) : (je me mets en quatre, en cent, et je sais y faire) : (et
enfin j’y mets fin) : n’étant pas écriture, donc, en attendant,
je garde en tête la similitude :
(et ainsi je la transmets à ce papier) :
Edoardo Sanguineti, Codicille, traduction Patrizia Atzei et Benoît Casas, éditions NOUS, 2023, p. 9.
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27/12/2023
Paul Éluard, Pour vivre ici, onze haïkaïs
Palissades peintes
Les arbres verts sont tout roses
Voilà ma saison.
L’automobile est vraiment lancée
Quatre têtes de martyrs
Roulent sous les roues.
Ah ! mille flammes, un feu, la lumière,
Une ombre !
Le soleil me suit.
Une plume donne au chapeau
Un air de légèreté
La cheminée fume.
Paul Éluard, Pour vivre ici, onze haïkaïs,
dans Œuvres complètes, I, Pléiade/Gallimard,
1968, p. 51)52.
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26/12/2023
Paul Éluard, Pour vivre ici, onze haïkaïs
Le vent
Hésitant
Roule une cigarette d’air
Le cœur à ce qu’elle chante
Elle fait fondre la neige
La nourrice des oiseaux
La muette parle
C’est l’imperfection de l’att
Ce langage obscur
Femme sans chanteur
Vêtements noirs, maisons grises
L’amour sort le soir
Paul Éluard, Pour vivre ici, onze haïkaïs,
Dans Œuvres complètes, I, Pléiade/Gallimard,
1968, p. 51-52.
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25/12/2023
Roger Gilbert-Lecomte, Haïkaïs
Haïkaïs (2)
L’aube — Chante l’alouette —
Le ciel est un miroir d’argent
Qui reflète des violettes
La nuit — L’ombre du grand noyer
est une tache d’encre aplatie
au velours bleu du ciel
Vie d’un instant…
J’ai vu s’éteindre dans la nuit
L’éternité d’une étoile
Roger Gilbert-Lecomte, Œuvres complètes, II,
Poésie, Gallimard, 1977, p. 127.
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Roger Gilbert-Lecomte, Haïkaïs
Haïkaïs (2)
L’aube — Chante l’alouette —
Le ciel est un miroir d’argent
Qui reflète des violettes
La nuit — L’ombre du grand noyer
est une tache d’encre aplatie
au velours bleu du ciel
Vie d’un instant…
J’ai vu s’éteindre dans la nuit
L’éternité d’une étoile
Roger Gilbert-Lecomte, Œuvres complètes, II,
Poésie, Gallimard, 1977, p. 127.
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24/12/2023
Roger Gilbert-Lecomte, Poésie
Haïkaïs
Tous ces verts marronniers pansus
Se moquent entre eux du noyer
Qui n’a pas encore de feuilles
Sur l’Avril de vert feuillu
Bruine et ciel sale
— Triste…
Dans le ciel de cendre
Comme un dernier tison
La petite étoile
Roger Gilbert-Lecomte, Œuvres
complètes, II, Poésie, Gallimard,
1977, p. 132.
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23/12/2023
Arno Schmidt, Scènes de la vie d'un faune
Je ris tout seul, un instant, m’imaginant que je suis un mort célèbre et que Berta, ma veuve, guide les visiteurs dans les salles du « Musée Düring » de Fallingshotel. On y voit dans les vitrines mes manuscrits (pa exemple, l’avertissement à Fintels, le sommant pour la dernière fois de venir apposer ses empreintes digitales sur sa carte d’identité — « Sa dernière lettre, oui » — à côté de la grande biographie inédite de Fouqué). Au mur, mon portrait par Oskar Kokoschka, avec une seule oreille et un teint d’un incarnat fort peu catholique.
Arno Schmidt, Scènes de la vie d’un faune, traduction Jean-Claude Hémery, Christian Bourgois, 1981, p. 151.
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21/12/2023
Ludwig Wittgenstein, Tractacus-logico-philosophicus
6.4311. La mort n’est pas un événement de la vie. La mort ne peut être vécue.
Si l’on entend pas éternité, non pas une durée temporelle infinie, mais l’intemporalité, alors celui)là vit éternellement qui est dans le présent.
Notre vie est tout autant sans fin que notre champ de vision est sans limite.
Ludwig Wittgenstein, Tractacus-logico-philosophicus, traduction Pierre Klossowski, préface Bertrand Russel, Gallimard, 1961, p. 104.
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20/12/2023
Roger Giroux, L'arbre le temps
Si ce n’est vivre, hormis cette pensée
Que je dois taire, inapaisée,
Beau fruit d’un ange révolu,
Qu’elle ravisse, d’arbre en arbre,
Et de plus loin qu’il me souvienne
(et je consente à cette nuit
De quatre pieds d’ombelles sous le vent,
Une dernière fois,
L’espace d’un visage inhabité
Comme un chemin, la mer)
Cette étoile, ce cri, sur la mer :
Si ce n’est vivre, outre les sables
Et les silences de ce temps.
Roger Giroux, L’arbre le temps,
Mercure de France, 1979, p. 62.
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19/12/2023
Roger Giroux, L'arbre le temps
Legs
I
La source est le chemin.
Le désir est la source
Et le désir se tait
Au milieu du chemin.
II
Le silence est la source.
La parole est le chemin.
La parole est la source
Et le silence du chemin.
Roger Giroux, L’arbre le temps,
Mercure de France, 1979, p. 65.
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18/12/2023
Roger Giroux, L'arbre le temps
Au désir, elle prête silence,
Un feu d’écume pour le cœur, des îles nues
Au gré de la rumeur soyeuse de l’hiver.
Si loin venu, fidèle à sa parole
Désunie.
Roger Giroux, L’arbre le temps, Éric
Pesty éditeur, 2014, p. 76.
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17/12/2023
Roger Giroux, L'arbre le temps
Que bâtirais-je avec ma langue ?
Quel palais fou de désespoir
Hanté d’absences immobiles ?
Quelle ville, vouée, dès jadis
Aux purs silences de l’oubli ?
Arbre, amour, solitude, poussière…
Et c’est comme si je n’existais pas
Dans cette immensité qui me sépare de moi-même,
Dans l’intouchable de ce lieu
Frémissant, monstrueux…
Roger Giroux, L’arbre le temps, Éric Pesty éditeur,
2014, p. 41.
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16/12/2023
Roger Giroux, L'arbre le temps
Elle dit : cette ombre, ce parfum,
Cette mort grandissante…
Je parle pour exister.
Elle, dans son trop vaste sépulcre de craie,
Moi, tous ceux que j’ai conviés là
Dans l’espoir que peut-être…
Elle. La pente très douce de son visage.
Moi, friable empreinte d’une bouche, aux confins.
Roger Giroux, L’arbre le remps, Éric Pesty
éditeur, 2014, p. 58.
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