Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

25/07/2023

Christina Rossetti, Monna innominata

220px-Christina_Rossetti_2.jpg

Temps file, espoir fléchit, vie bat de l’aile lasse ;

Mort suit vie de très près — leur écart se resserre ;

Foi court avec tous, dresse un visage ardent, passe

Le reste, rend tout léger, repousse la terre

Mais trouve encore du souffle pour prier, chanter

Lors qu’amour lève une ode, devant, demandant

La grâce et pour la grâce encore remerciant,

Content de ce que jour donne et nuit va donner.

Vie faiblit ; lorsqu’amour replie l’aile au-dessus

D’espoir las, que nous sentons moins son pouls sensible,

Allons nous en dormir, mon cher ami, paisibles :

Encore un peu, douleur, vieillesse ont disparu ;

Encore un peu, la vie ressuscitée dissout

Deuil, décadence et mort — et amour devient tout. 

Christina Rossetti, « Monna innominata » (1881), dans Le Chaos dans 14 vers, anthologie bilingue du sonnet anglais, choix et traduction Pierre Vinclair, éditions Lurlure, 2023, p.                                           

05/04/2023

Yves Bonnefoy, Pierre écrite

Unknown-2.jpeg

                  Une pierre

 

              Je fus assez belle,

Il se peut qu’un jour comme celui-ci e ressemble,

   Mais la ronce l’emporte sur mon visage, 

      La pierre accable mon corps

 

              Approche-toi,

     Servante verticale rayée de noir,

       Et ton visage court.

 

    Répands le lait ténébreux qui exalte

                  Ma force simple.

                  Sois moi fidèle,

    Nourrice encor, mais d’immortalité.

 

Yves Bonnefoy, Pierre écrite, dans Œuvres poétiques,

Pléiade/Gallimard, 2023, p. 130.

 

12/11/2017

Christine de Pisan, Cent ballades d'amant et de dame

                                         Christine_de_pisan-image-370x381.jpg

Cent ballades d’amant et de dame,

XX, La Dame

 

Se j’estoie bien certaine

Que tout vostre cuer fust mien,

Et sans pensée vilaine

M’amissiez, je vous dy bien,

Que tant vous vueil ja de bien,

Que m’amour vostre seroit,

N’autre jamais ne l’aroit.

 

Mais mains hmmes, par grant peine,

Faont accroire, et n’en est rien,

Qu’ils ayment d’amour certaine

Les dames, et par maintien

Faulx, font tant qu’on leur dit : « Tien

Mon cuer qui tien est de droit,

N’autre jamais ne l’aroit ».

 

Par quoy s’ainsi amour vaine

M’avugloit, sur toute rien

Me seroit douleur grevaine,

Mais s’estiez en tel lien

Comme vous dictes, je tien

Que mon penser s’i donroit,

N’autre jamais ne l’aroit.

 

Le cuer dit : « Je vous retien ».

Mais Doubtance y met du sien,

Mon vueil point ne vous lairoit

N’autre jamais ne l’aroit.

 

Christine de Pisan, Cent ballades d’amant

et de dame, 10/18, 1982, p. 51.

 

 

 

 

 

30/03/2017

Étienne de la Boétie, Vers français

 

                    Étienne de la boétie,vers français,dans Œuvres complètes,ii,sonnet,poésie amoureuse,fidélité,éloge         

Ores je te veux faire un solennel serment,

Non serment qui m’oblige à t’aimer davantage,

Car meshuy je ne puis, mais un vray tesmoignage

A ceulx qui me liront, que j’aime loyaument.

 

C’est pour vray, je vivray, je mourray en t’aimant.

Je jure le hault ciel, du grand Dieu l’heritage,

Je jure encor l’enfer, de Pluton le partage,

Où les parieurs auront quelque jour leur tourment ;

 

Je jure Cupidon, le Dieu pour qui j’endure ;

Son arc, ses traicts, ses yeux & sa trousse je jure :

Je n’aurois jamais fait : je veux bien jurer mieux.

 

J’en jure par la force & pouvoir de tes yeux,

Je jure ta grandeur, ta douceur & ta grâce,

Et ton esprit, l’honneur de ceste terre basse.

 

Étienne de la Boétie, Vers français, dans Œuvres complètes,

II, édition par Louis Desgraves, Conseil général de la

Dordogne/William Blake & Co, 1991, p. 121.

 

 

11/11/2016

Christine de Pisan, Cent ballades d'amant et de dame

Christine de Pisan, Cent ballades d’amant et de dame, amour, tromperie, fidélité,proverbe

La dame

 

Qui son chien veult tuer lui met la rage

Assus, dist-on, ainsi me veult tu faire,

Faulx déloyal, qui dis que mon corage

Se veult de toy, pour autre amer, retraire.

Mais tu scez bien, cetes, tout le contraire

Et qu’en mon cuer n’a grain de tricherie.

Mais cë es tu mauvais, tu t’as biau taire,

Qui deceveur es plain de menterie.

 

Car onc en moy, n’en semblant n’en lengaige,

Tu n’apperceuz chose qui fust contraire

A loyaulté, ce n’est pas mon usage.

Tu n’en fais pas doubte, mais pour moy traire

En sus de toy, tu veulx telz mots retraire

Pour mieux couvrir ta faulse tromperie,

Mais ne suis pas si comme toy faulsaire,

Qui deceveur es plain de menterie.

 

Ha ! mirez vous, dames, en mon dommage,

Pour Dieu Mercy, ne vous laissiez attraire

Par homme nul, tous sont de faulx plumage.

En ce cas cy, si fuiez leur affaire.

Au commenciez font bien le débonnaire

Mais au derrain c’est toute mocquerie.

Ce fais tu, Dieu d’Amours, pour cuers detraire,

Qui deceveur es plain de menterie.

 

Mais or me dy, Amours, s’il me doit plaire

Que pour amer je doye estre perie,

Ce es tu dont, j’en voy bien l’exemplaire,

Qui deceveur es plain de menterie.

 

Christine de Pisan, Cent ballades d’amant et de dame,

texte établi et commenté par J. Cerquiglini,

10/18, 1982, p. 125.