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07/03/2024

Georges Perros, Œuvres

                      georges perros, œuvres, mondanité, Pascal, goût

On rencontre parfois des hommes de la vie brillante, mondaine, et qui, vous prenant dans un coin, à la fin d’un repas, vous disent profondément : « Mon auteur favori, c’est Pascal ». Ah ! et de vous questionner sur le lieu Pascal en eux. Pascal, c’est leur luxe. D’autre encore parlent d’Artaud, de Rimbaud. Leur vie n’en est nullement influencée. Ce sont des goûts qu’ils ont plus amusants à faire connaître que celui qu’on éprouve pour la saucisse de Francfort. » Mais Pascal, jeune homme, quel grand homme ! ».

 

Georges Perros, Œuvres, Quarto/Gallimard, 2017, p. 524.

06/03/2024

Georges Perros, Œuvres

 

Georges perros, Œuvres, changement, influence

La vie active, le frottement avec les autres, etc., nous feraient croire qu’on peut changer, c’est-à-dire qu’un mot d’autrui, une opinion sur notre compte, etc., sont capables de nous influencer autrement que dans cette mesure affectueuse ou maligne. Bref, qu’on peut perdre — ou gagner — sa vie, en faisant ceci plutôt que cela. C’est absurde.

 

Georges Perros, Œuvres, Quarto/Gallimard, 2017, p. 522.

 

 

05/03/2024

Pierre Alferi, Divers chaos

pierre alferi, divers chaos, poème, maladie

on demande un poème

sur l’affaissement des chairs

l’assèchement des peaux

un poème qui se penche

sur les taches de la gale

un autre sur les signes

précurseurs de la gangrène

un poème coulant

épais comme le pus

un poème

lit médicalisé

qui sent l’urine

un poème qui touche

la crasse et creuse

la faim

qui engourdisse les doigts

un poème d’épandage

élémentaire

liquide empoisonné

gazeux irrespirable

terreux toxique

qui serre la gorge

quand il se consume

avant l’heure

 

Pierre Alferi, Divers Chaos,

P.O.L ; 2020, p.245-246.

04/03/2024

Pierre Alferi, Divers chaos

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un tissu de pas grand-chose

innombrables

je t’embrasse à pleine bouche

ça le chauffe

c’est ignoble

il rougeoie

sous mes paupières

mon désir

ton sauveur !

combien de fois

t’a-t-il évité le pire

univers ?

 

Pierre Alferi, Divers chaos,

P.O.L, 2020, p. 63.

03/03/2024

Pierre Alferi, Divers chaos

 pierre alferi, divers chaos, voiture

chaque voiture

sur la chaussée

trempée réveille

et son crépi-

tement de sable

le souvenir

net d’une vague

sur la grève

 

Pierre Alferi, divers chaos,

P.O.L, 2020, pp. 218.

02/03/2024

Étienne Paulin, Poèmes pour enfants seuls

Étienne paulin,poèmes pour enfants seuls,chat

                Chats

 

plusieurs chats se rassemblent

pour parler d’un regret

leurs moustaches s’effleurent

on voit qu’ils s’aiment bien

ils repartent guéris

 

                Chat

 

le chat quand même est solidaire

tout ce qu’il fait paraît en l’air

mais qui pour exprimer

plus douce indifférence

 

Étienne Paulin, Poèmes pour enfants seuls,

Gallimard, 2023, p. 97 et 101.

01/03/2024

Denise Le Dnatec, La poésie est sur la table

Denise Le Dnatec, La poésie est sur la table, Ariane, Thésée

La porte ne mène nulle part

Les anges sont indisponibles

Ariane casse son fil

Les dormeurs s’éveillent à l’intérieur

                                            de leurs rêves

Les mots roulent au milieu des fossés

La fille a une pierre au poing

 

J’ai un stade terrestre et un stade aérien

un habit aux couleurs ventre de biche, amarante & jonquille

 

Sommes-nous des bateaux de Thésée dont toutes les parties

peuvent être échangées pendant notre vie ?

 

Révéler un marqueur racial dans le poème est-ce comme révéler un sein dans une danse ?

 

 Denise Le Dantec, La poésie est sur la table, 2ditions unicité », 2023, p. 51.

28/02/2024

Esther Tellermann, Votre écorce

esther tellermann, votre écorce, soudain, corps

Car je n’ai rien 

une mèche 

           un cil 

le plus ténu 

        fut votre 

corps

la façon d’un 

murmure où 

je m’ensevelis 

et m’attarde 

        et m’endors.

Nous étions si 

frêles contre ce qui 

               soudain ne 

craint plus 

               l’ombre.

 

Esther Tellermann, 

Votre écorce, La Lettre volée,

2023, p. 88.

27/02/2024

Esther Tellermann, Votre écorce

esther tellermann, votre écorce, fable, secret

Et je vous demandais

d’inventer des fables

jusqu’au tarissement

         et la tiédeur

de retrouver les

          lois ou l’incertitude

des secrets et des

                 détresses.

Peut-être j’avais

perdu

         les horizons

et le motif

quand le ciel

s’interpose.

 

Esther Tellermann, Votre écorce,

La Lettre volée, 2023, p. 69.

26/02/2024

Esther Tellermann, Votre écorce

esther tellermann, votre écorce, le dedans le dehors, refaire

     Et comment

épuiser la plainte ?

     Fallait-il refaire

          le dedans

nommer peut-être

contre la nuit

là où tu manques

refaire les mousses

                neuves

affermir la lèvre

l’essor des aubes

et des chemins !

 

Esther Tellermann, Votre écorce,

La Lettre volée, 2023, p. 56.

25/02/2024

Esther Tellermann, Votre écorce

esther tellement, votre écorce, inventer

Vous arriviez

au bord de la saison

je ne savais pas

             si le corps

                      s’interpose.

Nous refaisons

la sève

inventions des

demeures

                des rivages

paroles poudreuses

                   berçaient

                         l’incertain.

 

Esther Tellermann, Votre écorce,

La Lettre volée, 2023, p. 64.

24/02/2024

Esther Tellermann, Votre écorce

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Il me fallut inventer

des signes neufs

lire des

corolles.   Dans

la peur.

        Il me fallut

savoir

                 appartenir

                 se

                 reconnaître

dans le vent

et l’ombre

l’écaille

         qui s’effrite.

 

Esther Tellermann, Votre écorce,

La Lettre volée, 2023, p. 23.

23/02/2024

Gérard Cartier, le Voyage intérieur

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Les amants (Cimetière du Père-Lachaise)

 

Voyez    cette comète à la longue traîne

c’était nous      un feu grégeois dans la nuit

soufre et poix    qui incendiait nos corps

et tout notre être    un même cœur…

     mystérieuse unité en 2 natures

puis une éternelle amitié      en lettres

et en songes nocturnes      qui parfois

plaisir ou jalousie      nous déchiraient encore

et de longs silences traversés de signes

     un prénom     une pierre gravée

2 nuages traçant un instant dans l’éther

des initiales      présence irréelle

jetés enfin dans l’éternel oubli      n’étaient

ces lettres cachées qu’un jour peut-être

un curieux exhumera     nous inventant      

un tombeau plus ferme que la pierre ouvragée

où viendront après nous rêver les amants

séparés

 

              (48°51’33,1’’N – 2°23’30,944E)

 

Gérard Cartier, Le Voyage intérieur, Flammarion,

2023, p. 450.

22/02/2024

Gérard Cartier, Le Voyage intérieur

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La mort de Segalen (Huelgoat)

 

De retour d'Algérie le maître du voyage

sentant la vie le fuir entra dans le chaos

de Huelgoat forêt maléfique aux grands fonds

tourmentés d'un pâle madrépore     avoir

bourlingué à la Chine et à l'Océanie

et mourir de consomption au pied d'un chêne

le talon entaillé par un calame au centre

d'un triangle d'eaux et de roches creuses

seul en compagnie de son double un spectre

     bilieux duller shouldst thou be

than the fat weed écoutant dans le soir

se brouiller les paroles prodigieuses tandis

que le suc maudit coulait dans son oreille

de la jusquiame      il me faudrait un mètre

qui naisse du lieu aussi bien que la mort

et non ce garrot de fortune qui peine

à nouer les mots et retenir au monde

le passant du voyage illimité

 

                  (48°21'50,2"N - 3°43'50,4"O)

 

Gérard Cartier, Le Voyage intérieur, Flammarion, 2023, p. 295.

 

21/02/2024

Gérard Cartier, Le Voyage intérieur

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         La triperie (Roussillon)

 

Ayant sillonné la colline     en vain

le petit château sur une motte évanoui

en plein ciel     du comte de Roussillon

revenant en tournoyant sous les falaises

     d'ocre des ruelles     tout-à-coup

                saisissement     une vitrine

frottée au sang-de-boeuf BOUCHERIE CHAIR

CUITERIE     et à jamais tripier

que l'on contemple en rêvant à ses amours

tout a disparu les tombes sous les pas

le château abattu     du plaisir et de la gloire

ne restent que les noms     Guillaume

Sermonde     et cette échoppe aux couteaux

étincelants     qui se souviennent du cœur

mangé par la comtesse de Roussillon

    de son amant     haché en ragoût

avec herbes et épices     et qui sait

si le comte jaloux n'y avait pas mêlé

l'objet de son déplaisir

 

                  (43°54'8,5"N - 5°17'36,8'E)

 

Gérard Cartier, Le Voyage intérieur, Flammarion, 2023, p. 215.