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12/11/2023

Jules Supervielle, La Fable du monde

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Celui qui chante dans ses vers,

Celui qui cherche dans ses mots,

Celui qui dit ombres sur blanc

Et blancheurs comme sur la mer

Noirceurs sur tout le continent,

Celui qui murmure et se tait

Pour mieux entendre la confuse

Dont la voix peu à peu s’éclaire

De ce que seule elle a connu,

Celui qui sombre sans regret

Toujours trompé par son secret

Qui s’approche un peu et s’éloigne

Bien plus qu’il ne s’est approché,

Celui qui sait et ne dit pas

Ce qui pèse au bout de ses lèvres

Et, se taisant, ne le dira

Qu’au fond d’une blafarde fièvre

Au pays des murs sans oreilles,

Celui qui n’a rien dans les bras

Sinon une grande tendresse,

Ô maîtresse sans précédent,

Sans regard, sans cœur, sans caresses,

Celui-là vous savez qui c’est

Ce n’est pas lui qui le dira.

 

Jules Supervielle, Œuvres poétiques complètes,

Pléiade/Gallimard, 1999, p. 385-386.

Jules Supervielle, La Fable du monde

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Celui qui chante dans ses vers,

Celui qui cherche dans ses mots,

Celui qui dit ombres sur blanc

Et blancheurs comme sur la mer

Noirceurs sur tout le continent,

Celui qui murmure et se tait

Pour mieux entendre la confuse

Dont la voix peu à peu s’éclaire

De ce que seule elle a connu,

Celui qui sombre sans regret

Toujours trompé par son secret

Qui s’approche un peu et s’éloigne

Bien plus qu’il ne s’est approché,

Celui qui sait et ne dit pas

Ce qui pèse au bout de ses lèvres

Et, se taisant, ne le dira

Qu’au fond d’une blafarde fièvre

Au pays des murs sans oreilles,

Celui qui n’a rien dans les bras

Sinon une grande tendresse,

Ô maîtresse sans précédent,

Sans regard, sans cœur, sans caresses,

Celui-là vous savez qui c’est

Ce n’est pas lui qui le dira.

 

Jules Supervielle, Œuvres poétiques complètes,

Pléiade/Gallimard, 1999, p. 385-386.

11/11/2023

Jules Supervielle, Les Amis inconnus

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                           L'âge

Mains fraîches, et ces yeux si légers et couleur

         Des ruisseaux clairs que le ciel presse…

Ce que je nomme encore aujourd’hui ma jeunesse

Quand nul ne peut m’entendre et que même mon cœur

Plein de honte pour moi, fait le sourd, se dépêche,

         Me laisse sans chaleur.

 

Jules Supervielle, Les Amis inconnus

Pléiade/Gallimard, 1999, p. 319.

30/03/2023

Jules Supervielle, Les Amis inconnus

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             Les chevaux du temps

 

Quand les chevaux du Temps s’arrêtent à ma porte

J’hésite toujours un peu à les regarder boire

Puisque c’est de mon sang qu’ils étanchent leur soif

Ils tournent vers ma face un œil reconnaissant

Pendant que leurs longs traits m’emplissent de faiblesse

Et me laissent si las si seul et décevant

Qu’une nuit passagère envahit mes paupières

Et qu’il me faut soudain refaire en moi des forces

Pour qu’un jour où viendrait l’attelage assoiffé

Je puisse encore vivre et les désaltérer

 

Jules Supervielle, Les Amis inconnus, dans Œuvres poétiques

complètes, Pléiade/Gallimard, 1996, p. 300.