17/08/2015
Cummings, No Thanks
10
petit homme
(à tout allure
pris d’une énorme
inquiétude)
halte arrête oublie du calme
attends
(petit enfant
qui as tenté
qui as échoué
qui a pleuré)
couche-toi bravement
et dors
grande pluie
grande neige
grande lune
grand soleil
(pénètrent
en nous)
Cummings, No Thanks, NOUS,
traduit et présenté par Jacques
Demarcq, 2011, np.
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27/05/2015
Ingeborg Bachmann, Trois sentiers vers le lac
Problèmes, problèmes
« Alors à sept heures. Oui mon chéri. J’aimerais mieux. Café du Hochhaus. Parce que par hasard je... Oui, par hasard, de toute façon il faut que j’aille chez le coiffeur. À sept heures, c’est à peu près ce que je prévois si j’ai le temps de... Quoi, ah bon ? Il pleut ? Oui, je trouve aussi. Il pleut sans arrêt. Oui, moi aussi. Je suis contente. »
Beatrix souffla encore quelque chose dans le micro du combiné et posa le récepteur, soulagée elle se tourna sur le ventre et appuya de nouveau sa tête sur les coussins. Pendant qu’elle s’efforçait de parler avec animation, son regard était tombé sur le vieux réveil de voyage avec lequel jamais personne ne voyageait, il n’était effectivement que neuf heures et demie, ce qu’il y avait de mieux dans l’appartement de sa tante Mihailovics, c’état les deux téléphones, et elle en avait un dans sa chambre à côté de son lit, pouvait à tout moment parler dedans, se mettant alors volontiers les doigts dans le nez quand elle faisait semblant d’attendre posément une réponse, ou préférant encore, aux heures tardives, faire des pédalages ou exécuter des exercices encore plus difficiles, mais à peine avait-elle raccroché qu’elle était déjà rendormie. Elle était capable dès neuf heures du matin de répondre avec une voix claire et nette, et ce brave Erich pensait alors qu’elle était, comme lui, debout depuis longtemps, qu’elle était peut-être même déjà sortie et se trouvait en cette journée prête à toute éventualité.
Ingeborg Bachmann, Trois sentiers vers le lac, traduction de l’allemand Hélène Belleto, Actes Sud/Babel, 2006, p. 51-52.
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29/03/2015
Robert Desnos, Domaine public
Les sources de la nuit
Les sources de la nuit sont baignées de lumière.
C’est un fleuve où constamment
boivent des chevaux et des juments de pierre
en hennissant.
Tant de siècles de dur labeur
aboutiront-ils enfin à la fatigue qui amollit les pierres ?
Tant de larmes, tant de sueur
justifieront-ils le sommeil sur la digue ?
Sur la digue où vient se briser
le fleuve qui va vers la nuit,
où le rêve abolit la pensée.
C’est une étoile qui nous suit.
À rebrousse-poil, à rebrousse-chemin,
Étoile, suivez-nous, docile,
et venez manger dans notre main,
Maîtresse enfin de son destin
Et de quatre éléments hostiles.
Robert Desnos, Domaine public, « Le Point de jour »,
Gallimard, 1953, p. 307.
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10/01/2015
André Frénaud, La Sainte Face, “Le matin venu”
Le matin venu
à André Beaudin
Dans un hôtel jaune,
repoussant les larmes
et les moignons sanglants
ensoleillés par le minuit,
entre l'embonpoint
de l'édredon jaune
et le sang des astres
battant à la volée
dans mes vaisseaux,
le sentier guidé
parmi la pierraille,
l'odeur de la mer
besognant les eaux,
j'égarais les flaques
de péchés maudits,
je mordais la mort
qui perdait haleine
à vouloir m'entendre,
je devenais pâle
pour n'avoir plus peur,
je m'épiais dans l'arbre,
montant et remontant,
m'épuisant à rire
dans cet hôtel jaune,
dans ce lit de fer,
éclairé jusqu'où,
feuille tombée vivante
d'un sommeil sans rêve
au milieu de toi,
promesse souterraine,
pousse nourricière,
douce comme le bleu.
Marseille-Lyon, 14 mars 1949
André Frénaud, La Sainte Face, “Le matin venu”,
Poésie / Gallimard, 1985, p. 165-166.
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05/01/2015
Jean Tardieu, Margeries
Clair de lune
L'image qui s'annonce et qui me suit
Est-ce un rayon qui cherche au sol un doux appui
Ou cette forme qui profite de la nuit
Pour traverser à tire-d'aile sans un bruit
La blanche ville où le travail s'est endormi ?
Approche et marche de ce pas toujours parti !
Nous sommes seuls à travers tout ce qui fut dit
Comme des sages bienveillants qui ont compris.
Rien ne renonce, rien ne bouge, rien ne fuit.
Tout ce que l'ombre m'a donné, tu me l'as pris.
Cueille ce rêve si tu dors, je l'ai promis.
Jean Tardieu, Margeries, Gallimard 1986.
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28/11/2014
Thanassis Hatzopoulos, Cellule
Homme
Réfléchi
Alliant force et mesure
Il avance
Et cette tourmente qui balaie
Son esprit,
mémoire du corps
Mémoire de ce monde-ci
Non point de l'autre
La rage qui éclate, partagée,
Tourne de fatales catastrophes
En destins féconds
Ce qu'on nomme l'aube
— Mais quelle donc cette violence
Qui fait poindre la lumière ?
Il s'interrogea lui-même et se coucha sur le côté
Puis sous l'éclat du soleil
Harassé de sa longue veille
Il s'endormit
Thanassis Hatzopoulos, Cellule, Traduit du grec Par Alexandre Zotos, en collaboration avec Louis Martinez, préface de Jean-Yves Masson, édition bilingue, Cheyne, 2012, p. 25, 121.
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25/09/2014
Gilbert Lely, La Femme infidèle,
Écrit à Sainte-Radegonde
Le petit jour d’hiver, tremblant sous ses étoles,
Des tours de Saint-Gratien grisaillait les coupoles.
Amour ! tu m’éveillas dans notre lit bien clos.
Le fleuve Loire en bas roulait ses larges eaux.
Étendu sur le flanc contre Irène-Sylvie,
J’entrai, d’un lent désir, en sa grâce endormie.
Les vitres blêmissaient ; le fils de l’hôtelier,
Une chandelle au poing, descendait l’escalier ;
Et le grand coq lançait, en hérissant sa crête,
Un cri rauque et de pourpre à l’aurore muette.
Gilbert Lely, La Femme infidèle, dans Œuvres poétiques,
éditions de la Différence, 1977, p. 111.
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24/09/2014
Emily Dickinson, Le Paradis est au choix, traduction Patrice Reumaux
L'Amour — est antérieur à la Vie —
Postérieur — à la Mort
Le Paraphe de la Création, et
L'Exposant de la Terre —
*
Ceux qui ont été le plus longtemps dans la —
Ceux qui arrivent aujourd'hui —
Échappent également à nos usages —
La Mort est l'autre chemin —
*
Un long — long Sommeil — un merveilleux — Sommeil —
Qui ne tient pas compte du Matin —
En Étirant un membre — ou en soulevant une Paupière —
Un Somme indépendant —
Vit-on jamais Semblable oisiveté ?
Sur une Rive de Pierre
Se chauffer au fil des Siècles —
Sans jamais regarder une fois — s'il est Midi ?
*
Love — is anterior to Life —
Posterior — to Death —
Initial of Creation, and
The Exponent of Earth —
*
Those who have been in the Grave the longest —
Those who begin Today —
Equally perish from our Practice —
Death is the other way —
Foot of the Bold did least attempt it —
It — is the White Exploit —
Once to achieve, annuls the power
Once to communicate —
*
A long — long Sleep — A famous —Sleep —
That makes no show for Morn —
By Stretch of Lib — or stir of Lid —
An independant One —
Was ever idleness like This?
Upon a Bank of Stone
To bask the Centuries away —
Not once look up — for Noon ?
Emily Dickinson, Le Paradis est au choix, traduit et
présenté par Patrick Reumaux, Librairie Élisabeth
Brunet, 1988, p. 323, 323, 241 et, pour l'anglais, 322, 322, 240.
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16/08/2014
Romain Fustier, Mon contre toi
ma petite voleuse d'oreiller dont le visage reposé. dans une course-poursuite immobile. une traque silencieuse dans les nuages de ses songes. et je pars à sa recherche tandis qu'elle dort allongée devant moi. souffle calme. bouche phylactère. un message suspendu entre les lèvres. mon oreiller sous le visage. ma petite voleuse dort. s'arrêtant dans les bars de carrefour où l'on joue de la guitare la nuit. fonçant sue la fédérale dans une voiture de location. et je me lance à ses trousses. écartant les nuages de ses songes tandis qu'elle dort étendue devant moi. un vent du sud s'échappe de ses lèvres où je me glisse dans la bulle de son visage. ma petite voleuse d'oreiller dort et je deviens complice de sa fuite.
Romain Fustier, Mon contre toi, éditons de l'Atlantique, 2012, p. 48.
Romain Fustier anime avec Amandine Marembert la revue et les éditions Contre-Allées.
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01/08/2014
Zbigniew Herbert, Hermès, le chien et l'étoile
La chambre meublée
Dans cette chambre il y a trois valises
un lit qui n’est pas à moi
une armoire et le moisi de sa glace
quand j’ouvre la porte
les objets se figent
une odeur connue m’assaille
de sueur insomnie et literie
un petit tableau au mur
montre le Vésuve
avec un panache de fumée
je n’ai pas vu le Vésuve
je ne crois pas aux volcans actifs
le deuxième tableau
est un intérieur hollandais
dans la pénombre
des mains de femme
inclinent un pot
d’où s’écoule une tresse de lait
sur la table un couteau une serviette
un pain un poisson une grappe d’oignons
si on suit la lumière dorée
en montant trois marches
par la porte entrebâillée
on voit un carré de jardin
les feuilles respirent la lumière
les oiseaux soutiennent la douceur du jour
un monde faux
tiède comme du pain
doré comme une pomme
du papier peint arraché
des meubles non apprivoisés
les taies des glaces sur le mur
voilà l’intérieur réel
dans cette chambre à moi
et à trois valises
le jour fond
en une flaque de sommeil
Zbigniew Herbert, Œuvres poétiques complètes I, Corde
de lumière suivi de Hermès, le chien et l’étoile et de Étude
de l’objet, édition bilingue, traduction du polonais par
Brigitte Gautier, Le Bruit du temps, 2011, p. 223 et 225.
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08/07/2014
Georg Trakl, Œuvres complètes
Nuit d'hiver
De la neige est tombée. Passé minuit, tu quittes, enivré de vin pourpre, le quartier sombre des hommes, la flamme rouge de leur foyer. Ô les ténèbres !
Gel noir. La terre est dure, l'air a un goût d'amertume. Tes étoiles se ferment en signes mauvais.
À pas pétrifiés, tu longes lourdement la voie, les yeux écarquillés, comme un soldat à l'assaut d'un rempart noir. Avanti !
Amères, neige et lune !
Un loup rouge qu'un ange étrangle. Tes jambes tintent en marchant comme de la glace bleue et un sourire plein de tristesse et d'orgueil a pétrifié ton visage et le front blêmit dans la volupté du gel ;
ou bien il se penche, muet, sur le sommeil d'une sentinelle qui s'est écroulée dans sa cabane de bois.
Gel et fumée. Un blanc linge d'étoiles brûlent les épaules qui supportent et les vautours de Dieu lacèrent ton cœur de métal.
Ô la colline de pierre. En silence fond, et oublié, le corps froid dans la neige d'argent.
Noir est le sommeil. L'oreille suit longtemps les sentiers des étoiles dans la glace.
Au réveil, les cloches sonnaient dans le village. Le jour rose entra, à pas d'argent, par la porte de l'est.
Georg Trakl, Œuvres complètes, traduites de l'allemand par Marc Petit et Jean-Claude Schneider, Gallimard, 1972, p. 125.
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19/06/2014
Lou Raoul, Else avec elle
L'or Else
la campagne parfois ne dit pas un mot
et les voitures, toutes, s'éloignent
les animaux furtivement dans les taillis, tapis
puis le sifflement des rapaces nocturnes tout près, Else, de ton sommeil
parfois la campagne ne dit pas un mot
mais le matin, Else, tu regardes l'arbre du bout du champ, il vieillit aussi
mais tu rassembles des cailloux
des tas très petits c'est pas grand-chose ça ne pèse pas lourd
ou même c'est rien
mais toi tu vois, Else, leur or
l'or des cailloux
pour que ta vie te serve un peu
Lou Raoul, Else avec elle, éditions isabelle sauvage, 2012, p. 25.
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23/02/2014
Raymond Queneau, L'instant fatal, dans Œuvres complètes,I
Je crains pas ça tellment
Je crains pas ça tellment la mort de mes entrailles
et la mort de mon nez et celle de mes os
Je crains pas ça tellment moi cette moustiquaille
qu'on baptise Raymond d'un père dit Queneau
Je crains pas ça tellment où va la bouquinaille
la quais les cabinets la poussière et l'ennui
Je crains pas ça tellment moi qui tant écrivaille
et distille la mort en quelques poésies
Je crains pas ça tellment La nuit se coule douce
entre les bords teigneux des paupières des morts
Elle est douce la nuit caresse d'une rousse
le miel des méridiens des pôles sud et nord
Je crains pas cette nuit Je crains pas le sommeil
absolu Ça doit être aussi lourd que le plomb
aussi sec que la lave aussi noir que le ciel
aussi sourd qu'un mendiant bêlant au coin d'un pont
Je crains bien le malheur le deuil et la souffrance
et l'angoisse et la guigne et l'excès de l'absence
Je crains l'abîme obèse où gît la maladie
et le temps et l'espace et les torts de l'esprit
Mais je crains pas tellment ce lugubre imbécile
qui viendra me cueillir au bout de son curdent
lorsque vaincu j'aurai d'un œil vague et placide
cédé tout mon courage aux rongeurs du présent
Un jour je chanterai Ulysse ou bien Achille
Énée ou bien Didon Quichotte ou bien Pansa
Un jour je chanterai le bonheur des tranquilles
les plaisirs de la pêche ou la paix des villas
Aujourd'hui bien lassé par l'heure qui s'enroule
tournant comme un bourrin tout autour du cadran
permettez mille excuz à ce crâne — une boule —
de susurrer plaintif la chanson du néant
Raymond Queneau, L'instant fatal, dans Œuvres complètes,
I, édition établie par Claude Debon, Pléiade / Gallimard, 1989, p. 123.
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27/10/2013
Paul Claudel, Connaissance de l'Est
Octobre
C'est en vain que je vois les arbres toujours verts.
Qu'une funèbre brume l'ensevelisse, ou que la longue sérénité du ciel l'efface, l'an n'est pas d'un jour moins près du fatal solstice. Ni ce soleil ne me déçoit, ni l'opulence au loin de la contrée ; voici je ne sais quoi de trop calme, un repos tel que le réveil est exclu. Le grillon à peine a commencé son cri qu'il s'arrête ; de peur d'excéder parmi la plénitude qui est seul manque du droit de parler, et l'on dirait que seulement dans la solennelle sécurité de ces campagnes d'or il soit licite de pénétrer d'un pied nu. Non, ceci qui est derrière moi sur l'immense moisson ne jette plus la même lumière, et selon que le chemin m'emmène par la paille, soit qu'ici je tourne le coin d'une mare, soit que je découvre un village, m'éloignant du soleil, je tourne mon visage vers cette lune large et pâle qu'on voit pendant le jour.
Ce fut au moment de sortir des graves oliviers, où je vis s'ouvrir devant moi la plaine radieuse jusqu'aux barrières de la montagne, que le mot d'introduction me fut communiqué. Ô derniers fruits d'une saison condamnée ! dans cet achèvement du jour, maturité suprême de l'année irrévocable. C'en est fait.
Les mains impatientes de l'hiver ne viendront point dépouiller la terre avec barbarie. Point de vents qui arrachent, point de coupantes gelées, point d'eaux qui noient. Mais plus tendrement qu'en mai, ou lorsque l'insatiable juin adhère à la source de la vie dans la possession de la douzième heure, le Ciel sourit à la Terre avec un ineffable amour. Voici, comme le cœur qui cède à un conseil continuel, le consentement ; le grain se sépare de l'épi, le fruit quitte l'arbre, la Terre fait petit à petit délaissement à l'invisible solliciteur de tout, la mort desserre une main trop pleine ! Cette parole qu'elle entend maintenant est plus sainte que celle du jour de ses noces, plus profonde, plus tendre, plus riche : C'en est fait ! l'oiseau dort, l'arbre s'endort dans l'ombre qui l'atteint, le soleil au niveau du sol le couvre d'un rayon égal, le jour est fini, l'année est consommée? À la céleste interrogation cette réponse amoureusement C'en est fait est répondue.
[octobre 1896]
Paul Claudel, Connaissance de l'Est [1900], suivi de L'oiseau noir dans le soleil levant [1929], préface de Jacques Petit, Poésie / Gallimard, 1974, p. 66-67.
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01/04/2013
Johannes Bobrowski, Terres d'ombres Fleuves
Routes d'oiseaux 1957
I
Dans la pluie je dormais
dans les roseaux de la pluie je me réveillais.
Avant que tout se feuille, je vois la lune proche,
j'entends le cri des migrations d'oiseaux,
l'émouveur d'air, le cri
blanc qui met l'air en pièces.
Vite et vif
comme les loups prennent le vent,
sœur, écoute ! Wäinämöinen
chante à travers le vent,
jette l'aile de neige
sur ton épaule, nous dérivons
sur les pennes dans le vent du chant —
II
mais sous de vastes
ciels, seuls, routes
délaissées des légions
à plumes, qui s'en allaient —
dormant sur les vents
elles passaient, un soleil
neuf incendiait, la flamme
a jailli, elles ont brûlé
dans l'arbre de cendres.
C'est là-bas que se sont envolés
aussi nos chants.
Sœur, tes mains
blêmissent, tu continues dans mon obscurité
à dormir — quand aurai-je
à chanter la peur des oiseaux ?
Vogelstrassen 1957
I
Im Regen schlief ich,
im Regenröhricht erwacht ich.
Eh es blättert, seh ich den nahen Mond,
hör ich den Zugvogelschrei,
den Lufterschüttrer, den weißen
Schrei, der die Luft zerschlägt.
Schnell und scharf
wie die Wölfe wittern,
Schwester,lausch! Wäinemöinen
singt durch den Wind.
wirft aus Schnee den Fittich
auf deine Schulter, wir treiben
flügelnd im Liederwind —
II
aber unter großen
Himmeln allein, verlassne
Straßen der gefiederten
Heere, die vergingen —
schlafend auf den Winden
fuhren sie, eine neue
Sonne flammte, die Lohe
schlug herauf, sie brannten
im Aschenbaum.
Dort sind aufgeflogen
unsere Lieder auch.
Schwester, deine Hände
bleichen, du schläfst mir im Dunkel
fort — wann soll ich
singen der Vögel Angst ?
Johannes Bobrowski, Terres d'ombres Fleuves, L'Atelier la Feugraie, traduit de l'allemand par Jean-Claude Schneider, 2005, p. 97 et 99, 96 et 98.
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