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22/08/2015

Edward Estlin Cummings, L'Énorme chambrée

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                       Une galerie de portraits

 

[...] l’Instituteur.

   Un petit vieillard fragile dans un pantalon terriblement grand. Quand il marchait, de son pas inquiet, apeuré, ce pantalon faisait les plis les plus saugrenus. Dans la cour, s’il s’appuyait contre un arbre — avec une vieille, très vieille pipe, fragile elle aussi, qui sortait de sa poche — son col , trop grand de trois bonnes tailles, jaillissait de telle sorte que son cou desséché paraissait aussi effilé que la cravate blanche qui flottait sur une chemise à la hauteur du col. Il portait par tous les temps une veste qui lui arrivait au-dessous des genoux : il avait dû l’avoir en héritage, en même temps, d’ailleurs, que les genoux. Quand l’Instituteur s’asseyait tranquillement pour écrire à une petite table à trépieds dans l’Énorme Chambrée, une énorme plume emportant sa faible main osseuse, les vastes épaules de sa veste pointaient, comme des ailes, de part et d’autre de ses coudes. Sa casquette, démesurée elle aussi, était munie d’un petit bouton comme une tête de clou ; c’était à croire que cette vieille marionnette avait perdu sa pauvre tête grise, et que pour la réparer on avait tout bonnement cloué la tête sur le cou — sa place normale après tout.

 

Edward Estlin Cummings, L’Énorme chambrée, traduit de l’américain par D. Jon Grossman, Christian Bourgois, 1978, p. 113.

19/08/2015

Cummings, font 5

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en  dépit de tout

ce qui respire et bouge, puisque le Destin

(de ses très longues mains blanches

arrangeant chaque pli)

lissera entièrement nos esprits

 

— quand de quitter ma chambre

je me retourne, et (me penchant

dans le matin) j’embrasse

cet oreiller, chérie

où nos têtes ont vécu, ont été

 

Cummings, font 5, traduction et postface

de Jacques Demarcq, 2011, p. 81.

18/08/2015

Cummings, 95 poèmes

 

72

 

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je veux bien que la vie

ne vaille de mourir, si

(et quand) les roses se plaignant

que leurs beautés sont vaines

 

mais pour l’espèce humaine

juger toute mauvaise graine

une rose, les roses (j’en suis

sûr) aussitôt sourient

 

Cummings, 95 poèmes, traduit

et présenté par Jacques Demarcq,

Points/Seuil, 2006, p. 105.

17/08/2015

Cummings, No Thanks

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10

 

petit homme

(à tout allure

pris d’une énorme

inquiétude)

halte arrête oublie du calme

 

attends

 

(petit enfant

qui as tenté

qui as échoué

qui a pleuré)

couche-toi bravement

 

et dors

 

grande pluie

grande neige

grande lune

grand soleil

(pénètrent

 

en nous)

 

Cummings, No Thanks, NOUS,

traduit et présenté par Jacques

Demarcq, 2011, np.