09/06/2023
Esther Tellermann, Ciel dans prise
Tout à coup
s’était figé
l’oubli
nous écartions
les persiennes pour
deviner
un monde
qui palpite un reste de floraison
des rumeurs
un nulle part
qui gonfle votre
force
Esther Tellermann, Ciel sans prise,
éditions Unes, 2023, p. 41.
05:00 Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Tellermann Esther | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : esther tellermann, ciel sans prise, oubli, nulle part | Facebook |
04/03/2023
Bernard Noël, Monlogue du nous
Nous avons perdu nos illusions et chacun de nous se croit fortifié par cette perte. Fortifié dans as relation avec les autres. Nous savons cependant que nous y avons égaré quelque chose car la buée des illusions nous était plus utile que leur décomposition. Nous oublions ce gain de lucidité dans son exercice même. Nous n’en avons pas moins de mal à mettre plus de raison que de sentiment dans notre action. Nous aurions dû depuis longtemps donner toute sa place au durable, mais la séduction s’est toujours révélée plus immédiatement efficace.
Bernad Noël, Monologue du nous, P. O. L, 2015, p. 7-8.
05:00 Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Noël Bernard | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bernard noël, monologue du nous, illusion, oubli, séduction | Facebook |
30/07/2022
Jean Tortel, Les Villes ouvertes
Mon nom fut-il inscrit
Sur le mur dépouillé
De ses pariétaires ?
Est-ce bien le mien ? J’ai vécu
Jusqu’ici. Un autrefois
Apparaît et disparaît.
Je ne me souviens pas.
Je descends tous les jours.
Je passe par là.
Je trempe mes mains dans l’eau.
La rue est sûrement la même
Et sans soleil et rien qui puisse le nier.
Son nom et mes initiales
N’ont pas changé. Suis-je si vieux
Qu’un signe écrit me concernant
Près des fontaines
Soit incompréhensible et cependant
La pierre est nue.
Jean Tortel, Les villes ouvertes, Gallimard, 1965, p. 73.
05:00 Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jean tortel, les villes ouvertes, nom, vieillesse, oubli | Facebook |
21/06/2021
Jean-Claude Pirotte, Le promenoir magique
Paysages, 2
le pays que j’habite est un pays perdu
comme tous les pays que le siècle déserte
avec les vieux clochers les murs qui se délabrent
et les pommiers tordus redevenus sauvages
l’horloge s’est arrêtée les chemins ne vont plus
aux granges que l’oubli dans le silence étreint
cependant nous marchions (dis-tu) dans le matin
quand au. bord des étangs rêvaient les fiancées
mais cela n’eut pas lieu qui nous était promis
ce bonheur ces baisers la tiédeur des fruits mûrs
et le grand ciel flambant des étés revenus
voici nos souvenirs au pied des arbres nus
Jean-Claude Pirotte, Le promenoir magique, La Table ronde, 2009, p. 701.
05:00 Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jean-claude pirotte, le promenoir magique, pays, passé, oubli | Facebook |
20/06/2021
Étienne Faure, Penchants aux fenêtres
L’été, fenêtre ouverte, nous voyageons avec les avions
qui s’en vont, quittant le territoire en vrombissant
comme soulevés d’un destin trop lourd — deux août,
même chaleur anniversaire qui jour pour jour
avait saisi les aïeux de fureur
dans la mobilisation des corps soudain
suspendus à des déclarations d’amour, non, de guerre,
peaux empourprées aux moindres caresses,
une dernière fois sous le soleil posant
la tête sur la patrie qu’est la poitrine
à susurrer ça va vous coûter cher., l’amant, autant dire
la vie, moissons défaites, toutes faux passées
et des poèmes écrits à la dernière minute
dans la poussière de l’été, cette saison
à jamais révolue, enfermée dans le passé
d’un mot qui ce jour-là aura
été, à Paris maintenant démobilisé
énième deux août à Paris
Étienne Faure, Penchants aux fenêtres, dans
Contre-Allées, N° 43, printemps 2021, p. 8
05:00 Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Faure Étienne | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Étienne faure, penchants aux fenêtres, passé, déclatation de guerre, oubli | Facebook |
26/04/2020
Franz Kafka, Journaux, 2, traduction Robert Kahn
Robert Kahn, traducteur de Kafka, avec À Milena (2015), les Derniers cahiers (2017) et, cette année, les Journaux, tous livres publiés aux éditions NOUS, est mort le 6 avril 2020.
Second extrait des Journaux pour lui rendre hommage.
Onzième Cahier
Être dans un train, l’oublier, vivre comme chez soi, se souvenir subitement, sentir la force motrice du train, devenir un voyageur, sortir la casquette de la valise, aller à la rencontre de ses compagnons de voyage de façon plus libre, plus cordiale , plus insistante, être porté sans mérite vers son but, le ressentir comme un enfant, devenir le chéri de ces dames, se trouver sous la force d’attraction continuelle de la fenêtre, avoir toujours au moins une main posée sur la planchette de la fenêtre. Situation esquissée de manière plus aiguë : oublier que l’on a oublié, devenir d’un coup un enfant qui voyage seul dans un train rapide comme l’éclair, enfant autour duquel le wagon tremblant se hâte se déploie de manière étonnante dans les plus petits détails comme dans la main d’un prestidigitateur.
Franz Kafka, Journaux, traduction Robert Kahn, NOUS, 2020, p. 705.
05:00 Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Kafka Franz | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : franz kafka, journaux, traduction robert kahn, train, voyageur, oubli, enfant | Facebook |
22/03/2020
René Char, Le Poème pulvérisé
À la santé du serpent
VII
Ce qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égards ni patience.
XX
Ne te courbe que pour aimer. Si tu meurs, tu aimes encore.
XIV
Si nous habitons un éclair, il est le cœur de l’éternel.
XXV
Yeux qui, croyant avoir inventé le jour, avez éveillé le vent, que puis-je pour vous ? Je suis l’oubli.
René Char, Le poème pulvérisé, dans Œuvres complètes, édition Jean Roudaut, Pléiade/Gallimard, 1983, p. 263, 264, 266, 267.
05:00 Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Char, René | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rené char, le poème pulvérisé, à a santé du serpent, oubli | Facebook |
25/12/2019
Maurice Blanchot, La bête de Lascaux
Parole écrite : parole morte, parole de l’oubli. Cette extrême méfiance pour l’écriture, partagée encore par Platon, montre quel doute a pu faire naître, quel problème susciter l’usage nouveau de la communication écrite : qu’est-ce que cette parole qui n’a pas derrière elle la caution personnelle d’un homme vrai et soucieux de vérité ? L’humanisme déjà tardif de Socrate se trouve ici à égale distance de deux mondes qu’il ne méconnaît pas, qu’il refuse par un choix vigoureux. D’un côté, le savoir impersonnel du livre qui ne demande pas à être garanti par la pensée d’un seul, laquelle n’est jamais vraie, car elle ne peut se faire vérité que dans le monde de tous et par l’avènement même de ce monde. Un tel savoir est lié au développement de la technique sous toutes les formes et il fait de la parole, de l’écriture, une technique.
Maurice Blanchot, La bête de Lascaux, Fata Morgana, 1982, p. 13.
05:00 Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, ESSAIS CRITIQUES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : maurice blanchot, la bête de lascaux, écriture, oubli, vérité | Facebook |
29/09/2019
Paul Éluard, Médieuses
Au premier mot limpide
Au premier mot limpide
Au premier rire de ta chair
La route épaisse disparaît
Tout recommence
La fleur timide la fleur sans air du ciel nocturne
Des mains voilées de maladresse
Des mains d’enfant
Des yeux levés vers ton visage et c’est le jour sur terre
La première jeunesse close
Le seul plaisir
Foyer de terre foyer d’odeurs et de rosée
Sans âge sans saisons sans liens
L’oubli sans ombre.
Paul Éluard, Médieuses, dans Œuvres complètes, I, Pléiade / Gallimard, 1968, p. 911.
05:00 Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Éluard Paul | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : paul Éluard, médieuses, chair, enfant, visage, oubli | Facebook |
28/07/2019
Paul Éluard, Médieuses
Au premier mot limpide
Au premier mot limpide au premier rire de ta chair
La route épaisse disparaît
Tout recommence
La fleur timide la fleur dans air du ciel nocturne
Des mains voilées de maladresse
Des mains d’enfant
Des yeux levés vers ton visage et c’est le jour sur terre
La première jeunesse close
Le seul plaisir
Foyer de terre foyer d’odeurs et de rosée
Sans âge sans liaisons sans liens
L’oubli sans ombre
Paul Éluard, Médieuses, dans Œuvres complètes, I,
Pléiade / Gallimard, 1968, p. 911.
05:00 Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Éluard Paul | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : paul Éluard, médieuses, mot limpide, chair, oubli | Facebook |
04/06/2019
John Clare, Poèmes et proses de la folie
Je suis
Je suis ce que je suis pourtant personne ne le sait ni n’en a cure
Mes amis m’ont abandonné comme on perd un souvenir
Je vais me repaissant moi-même de mes peines —
Elles surgissent pour s’évanouir —armée en marche vers l’oubli
Ombres parmi les convulsives les muettes transes d’amour —
Et pourtant je suis et je vis — ainsi que vapeurs ballotées
Dans le néant du mépris et du bruit
Dans la vivante mer des rêves éveillés
Où nul sentiment de la vie ne subsiste ni du bonheur
Rien qu’un grand naufrage en ma vie de tout ce qui me tient à cœur
Oui même mes plus chers soucis — les mieux aimés
Sont étrangers — plus étrangers que tout le reste
Je languis après un séjour que nul homme n’a foulé
Un endroit où jamais encore femme n’a souri ni pleuré —
Pour demeurer avec mon Dieu mon Créateur
Et dormir de ce doux sommeil dont j’ai dormi dans mon enfance
Sans troubler — moi-même introublé où je repose
L’herbe sous moi — couvert par la voûte du ciel
John Clare, Poèmes et proses de la folie, traduction Pierre Leyris, 1969, p. 77 et 79.
05:00 Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : john clare, poèmes et proses de la folie, pierre leyris, oubli, abandon, néant | Facebook |
07/04/2019
Étienne Faure, Tête en bas — rencontre, lecture
Étienne Faure et Jean-Baptiste Para pour la remise du prix Max Jacob 2019
Le mot Départ taillé dans la pierre
au fronton de la gare est resté
comme Liberté, Égalité, Fraternité
ou École de garçons il y a beau temps
devenue mixte, cris indécis,
simple inscription, vieil incipit
redoré ou repeint en rouge sang,
et ce départ incrusté fédère
dans les cœurs tous les départs forcés,
volontaires, oubliés qui défilèrent sous le linteau,
entrés par la face nord, ressortis plus tard
sous le pignon opposé annonçant Arrivée,
ces enfants de la patrie, déportés, communards,
sinistrés, réfugiés, revenus plus ou moins,
criant dans le heurt des bagages, sacoches, havresacs,
des mots entre-temps érodés, nullement gravés
en mémoire.
frontons
Étienne Faure, Tête en bas, Gallimard, 2018, p. 116.
Étienne Faure a reçu le prix Max Jacob pour Tête en bas.
Les Éditions Gallimard organisent une rencontre lecture le
mardi 9 avril à 19 h
à la librairie Gallimard, Boulevard Raspail
La lecture rencontre sera animée par
Myrto Gondicas et François Bordes.
09:51 Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, Faure Étienne | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Étienne faure, tête en bas, mémoire, souvenir, gare, oubli | Facebook |
12/02/2019
Marie-Claire Bancquart, Terre énergumène et autres poèmes
Exils, célébrations
Irais-je oublier le sadisme du monde les corps tourmentés
comme voici quarante, soixante ans, et des millénaires ?
mais vous ignorerais-je
mots rutilants, sexe, caresse, pleurs au milieu du désir ?
Non. Que je ne mange
aucune cendre d’oubli
au milieu des profanations, des agonisants
non séparables
de la musique et de l’olive douce
dans notre destin double-face.
(…)
Marie-Claire Bancquart, Terre énergumène et autres poèmes,
Poésie / Gallimard, 2019, p. 225.
05:00 Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : marie-claire bancquart, terre énergumène, exil, célébration, sadisme, oubli, destin | Facebook |
06/10/2018
Maurice Olender, Un fantôme dans la bibliothèque
(…) dans ces années d’enfance, (…- Auschwitz était encore proche dans les familles qui, tout en buvant du thé trop chaud au citron, ne cessaient de dénombrer ceux des leurs qui n’étaient jamais revenus.
Mais le fait est là. Auschwitz, c’était l’enfer, une autre planète, absolument, et un temps désormais hors d’atteinte pour une mémoire humaine. Inassimilable, ce passé ne cessait cependant jamais de recharger le présent. Ces intensités d’absence formaient une poche pleine d’oubli où nos existences puisaient leurs jours et leurs nuits.
Et l’enfant était pris dans une mémoire obligée aux images d’un feu blanc, inabordables.
Cependant, même sans contenu disponible, la mémoire est un instrument de deuil. Irrémédiablement liée à l’absence, à la mort et aux morts. La mémoire c’est même la seule chose qui nous reste de la mort d’autrui. Et de la mort on ne connaît que la mémoire des vivants. Mais cette mémoire-là, lieu où l’exercice quotidien s’accomplit à notre insu, n’a pas grand chose à voir avec la reconnaissance d’un passé historique. Elle est, cette mémoire, hantée par une absence fondatrice. Et de cette absence du mort à la mémoire il n’y a qu’un pas que vient combler l’oubli. Il porte alors nos existences.
Comment dire pourquoi il arrive qu’on puisse si bien se passer d’un vivant et tellement moins bien du mort ? Où a-t-on mal d’une absence qui est cette part de l’autre qui nous blesse ? La mémoire a beau être blanche, et même silencieuse, elle n’en demeure pas moins. Et elle persiste cette fraction intime qui nous anime tout en restant inassimilable.
Maurice Olender, Un fantôme dans la bibliothèque, ‘’La Librairie du XXIesècle, Seuil, 2017, p. 97-98.
05:00 Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES, ESSAIS CRITIQUES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : maurice olender, un fantôme dans la bibliothèque, mémoire, oubli, absence, passéauschwitz | Facebook |
19/09/2018
Pierre-Yves Soucy, Reprises de paroles
XXVII
la bouche s’accorde à la poussière
ne t’accorde de moins en moins
au silence qui ébranle les raisons
retenues au licence des mots
ici la révolte répond à la menace
elle ouvre la ronde des trappes
aux cendres tièdes du désir
perdu dans tes paroles
la mort ancienne rejoint
nos bouches saturées de poussière
la langue s’éveille à la boue
coule dans l’eau du jour revenu
le présent avale l’oubli
Pierre-Yves Soucy, Reprises de paroles,
La Lettre volée, 2018, p. 37.
05:00 Publié dans ANTHOLOGIE SANS FRONTIÈRES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pierre-yves soucy, reprises de paroles, bouche, révolte, oubli | Facebook |