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02/06/2018

Romain Fustier, Terre-Mer

 

      romain fustier,terre-mer,catastrophes

ce sentiment de marcher là où personne

n’a encore marché, je l’éprouve comme
elle sur cette grève à marée basse, à

cet instant – aucune trace de pas qui
soient passés avant nous – une illusion de

sonder une terre-mer inconnue, vide
qui m’habite tout à coup, déambulant

: la plage immense semble naître par nous
qui la découvrons ainsi qu’un continent

infoulé, abrité des foules urbaines
– le vent vif et mordant a renouvelé

la côte, l’a revigorée : sauvagiode
de dunes se formant le long des régions

où nous avançons en sol meuble, mobile

.

*

.

elle fait un bruit fou, la mer – elle avise

que nous ne nous entendons plus quand le flot
se fracasse sur les rochers, au pied du

poste de surveillance fermé en cette
saison – il a déjà vêtu l’estran, di-

géré la plage où nous marchions le soir de
notre arrivée, jouions au ballon là où

de méchantes vagues moussantes se forment
– le boucan aussi est blanc parmi le blanc

qu’elles abattent : nos paroles s’y en-
volent, s’y noient dans le vent fort autour

de nous – la grève a disparu à marée
haute, m’absorbant dans l’observation franche

de la paix qui en découle étonnamment

 

Romain Fustier, Terre-Mer (extrait d'un travail en cours), dans Catastrophes, revue numérique, 30 mai 2018.

16/08/2014

Romain Fustier, Mon contre toi

                             Romain Fustier, Mon contre toi, nuit, sommeil, voleuse, rêve, tendresse

ma petite voleuse d'oreiller dont le visage reposé. dans une course-poursuite immobile. une traque silencieuse dans les nuages de ses songes. et je pars à sa recherche tandis qu'elle dort allongée devant moi. souffle calme. bouche phylactère. un message suspendu entre les lèvres. mon oreiller sous le visage. ma petite voleuse dort. s'arrêtant dans les bars de carrefour où l'on joue de la guitare la nuit. fonçant sue la fédérale dans une voiture de location. et je me lance à ses trousses. écartant les nuages de ses songes tandis qu'elle dort étendue devant moi. un vent du sud s'échappe de ses lèvres où je me glisse dans la bulle de son visage. ma petite voleuse d'oreiller dort et je deviens complice de sa fuite.

 

Romain Fustier, Mon contre toi, éditons de l'Atlantique, 2012, p. 48.

Romain Fustier anime avec Amandine Marembert la revue et les éditions Contre-Allées.

28/05/2013

Romain Fustier, Mon contre toi

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tempête de sable dans la rue. le désert avance. la grande dune enveloppe le carrefour. recouvre les feux tricolores. ensablant les immeubles. dévorant les platanes. la dune progresse à l'assaut du quartier. main chaude sur le ventre de l'avenue. poussée par la respiration du vent. tempête de deux corps. immeubles et platanes allongés sous le sable. clignotement étouffé des feux tricolores. le carrefour a cédé. les doigts passent sur la peau de l'avenue. dune caressante poussée par le vent. la tempête de sable s'abat sur la ville. enveloppe le quartier dans ses bras aux muscles chauds. vent soufflant entre les corps. la grande dune avance et passe sur nos torses enlacés.

 

je te serre à la manière d'un chêne dont mes bras ne font pas le tour. à la manière d'un chêne dans le site vallonné de mon ventre. t'enveloppant comme j'envelopperais une forêt dit-elle. mon homme issu de semis. mon peuplement d'arbres sur la surface déterminée de mon corps. ma route de mon torse où je me promène. empruntant le sentier qui te contourne. contourne l'étang de tes cuisses. la fontaine de ton sexe où des jeunes filles lancent des pièces je m'aventure au bord du ravin de tes reins. mon bois de chêne naviguant sur des mers démontées. mon homme à coque de bateau sous les clartés changeantes dans lesquelles je me baigne. nue dans une villa gallo-romaine. un lit sous la feuillée où s'allongent les biches qui traversent mon corps.

 

 

Romain Fustier, Mon contre toi, collection Éros / Thanatos, éditions de l'Atlantique, 2012, p. 9 et 33.