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18/03/2018

Cole Swensen, Si riche heure

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Mars 1432

 

Gela si cruellement et les eaux gagnèrent

la Place Maubert puis la Place de Grève     défirent    

                   la moitié du Marché au Pain. Nous fûmes stupéfaits.

Nous connaissions la suite.

et c’était des mains vides

                        Question : là : un mal est fait     et vengé

           plus loin                  

de la Place Saint-Antoine à la Porte Saint-Martin

                                                                         de Noël à Pâques

                                             où rien

de vert ne vint sur les marchés

 

soixante centimètres de glace sur une rivière grosse

 

d’une crue après gel et encore crue les rois parlent entre eux de paix

 

Cole Swensen, Si riche heure, Corti, 2007, p. 45.

 

 

01/01/2017

Jules Renard, Journal, 1887-1910

 

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1er janvier 1905

 

   Le poète Ponge va reprendre la plume : les nationalistes relèvent la tête !

   L’argent, il l’appelle « le numéraire ». (…)

   Je lui ai fait donner les palmes. Il dit aux gens de son village :

   — Mes amis, les palmes me font bien plaisir, mais ce n’est rien à côté de vos félicitations.

 

   L’esprit inquiet mais clairvoyant, c’est-à-dire actif et sain, de l’homme qui ne travaille pas.

(…)

 

— J’ai froid.

— C’est la saison qui veut ça, dit le riche.

 

   Hiver. Des vitres dessinées par Vallotton.

 

   Le vent lui-même a gelé.

 

La glace répandue sur le pré comme des glaces brisées.

 

Jules Renard, Journal 1887-1910, Gallimard/Pléiade,

1965, p. 945 et 946.

 

 

17/11/2016

Paul Celan, La rose de personne, traduction Martine Broda

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Gel, Eden

 

Il y a un pays : Perdu,

où pousse une lune dans le roseau,

mort de froid avec nous,

Il rayonne autour et voit.

 

Il voit, alors il a des yeux,

qui sont de claires terres.

La nuit, la luit, l’alcali.

Il voit, l’enfant-œil.

 

Il voit, il voit, nous voyons,

je te vois, tu vois.

Le gel ressuscitera

avant que l’heure se ferme.

 

Paul Celan, La rose de personne, traduction

Martine Broda, Le Nouveau Commerce,

1979, p 37.

08/07/2014

Georg Trakl, Œuvres complètes

 

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                                      Nuit d'hiver

 

   De la neige est tombée. Passé minuit, tu quittes, enivré de vin pourpre, le quartier sombre des hommes, la flamme rouge de leur foyer. Ô les ténèbres !

   Gel noir. La terre est dure, l'air a un goût d'amertume. Tes étoiles se ferment en signes mauvais.

   À pas pétrifiés, tu longes lourdement la voie, les yeux écarquillés, comme un soldat à l'assaut d'un rempart noir. Avanti !

   Amères, neige et lune !

   Un loup rouge qu'un ange étrangle. Tes jambes tintent en marchant comme de la glace bleue et un sourire plein de tristesse et d'orgueil a pétrifié ton visage et le front blêmit dans la volupté du gel ;

   ou bien il se penche, muet, sur le sommeil d'une sentinelle qui s'est écroulée dans sa cabane de bois.

   Gel et fumée. Un blanc linge d'étoiles brûlent les épaules qui supportent et les vautours de Dieu lacèrent ton cœur de métal.

   Ô la colline de pierre. En silence fond, et oublié, le corps froid dans la neige d'argent.

   Noir est le sommeil. L'oreille suit longtemps les sentiers des étoiles dans la glace.

   Au réveil, les cloches sonnaient dans le village. Le jour rose entra, à pas d'argent, par la porte de l'est.

 

Georg Trakl, Œuvres complètes, traduites de l'allemand par Marc Petit et Jean-Claude Schneider, Gallimard, 1972, p. 125.