23/03/2021
Li Qinzbao (1084-1154), Œuvres poétiques
Poème à chanter 28
Aux cris des grillons cachés dans l’herbe,
Tombent du platane des feuilles effarées.
A cet instant, le ciel et la terre sont lourds de tristesse.
Le nuage vu du perron et la lune, du sol,
Me font penser aux portes fermées »es de mille passes,
Même les barques des fées venant du ciel
Et celles qui y retournent
Ne se rencontrent jamais.
Le Pont des Étoiles, les pies bien que fidèles
Ne viennent le bâtir qu’une fois l’an.
Les adieux et l’éloignemenet affligent sans fin les célestes amants !
Le Bouvier et la tisserande
Sans doute sont-ils loin l’un de l’autre, sinon
Pourquoi l’éclaircie,
Puis l(ondée suivie
D’un bon coup de vent ?
Li Qingzbao, Œuvres poétiques complètes,
traduction Liang Paitchin, Connaissance de
l’Orient/Gallimard, 1977, p.70.
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11/10/2020
Ossip Mandelstam, Tristia
Ce chant de grillon de l’horloge
c’est le murmure de la fièvre,
le râle desséché du poêle
c’est rouge soie qui se consume.
Si ronge la dent des souris
la trame amincie de la vie,
c’est que l’aronde ou dans sa ronde
son enfant détache ma barque.
Ce qu’au toit la pluie balbutie,
c’est noire soie qui se consume,
mais le merisier n’entendra
jusqu’au fond des mers que : « pardonne ».
Parce qu’innocente est la mort
et de rien ne vient le secours
si dans ta fièvre-rossignol
le cœur a gardé sa chaleur.
1917
Ossip Mandelstam, Tristia, traduction Jean-Claude
Schneider, dans Œuvres poétiques, Le bruit du temps /
La Dogana, 2018, p. 177.
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27/10/2013
Paul Claudel, Connaissance de l'Est
Octobre
C'est en vain que je vois les arbres toujours verts.
Qu'une funèbre brume l'ensevelisse, ou que la longue sérénité du ciel l'efface, l'an n'est pas d'un jour moins près du fatal solstice. Ni ce soleil ne me déçoit, ni l'opulence au loin de la contrée ; voici je ne sais quoi de trop calme, un repos tel que le réveil est exclu. Le grillon à peine a commencé son cri qu'il s'arrête ; de peur d'excéder parmi la plénitude qui est seul manque du droit de parler, et l'on dirait que seulement dans la solennelle sécurité de ces campagnes d'or il soit licite de pénétrer d'un pied nu. Non, ceci qui est derrière moi sur l'immense moisson ne jette plus la même lumière, et selon que le chemin m'emmène par la paille, soit qu'ici je tourne le coin d'une mare, soit que je découvre un village, m'éloignant du soleil, je tourne mon visage vers cette lune large et pâle qu'on voit pendant le jour.
Ce fut au moment de sortir des graves oliviers, où je vis s'ouvrir devant moi la plaine radieuse jusqu'aux barrières de la montagne, que le mot d'introduction me fut communiqué. Ô derniers fruits d'une saison condamnée ! dans cet achèvement du jour, maturité suprême de l'année irrévocable. C'en est fait.
Les mains impatientes de l'hiver ne viendront point dépouiller la terre avec barbarie. Point de vents qui arrachent, point de coupantes gelées, point d'eaux qui noient. Mais plus tendrement qu'en mai, ou lorsque l'insatiable juin adhère à la source de la vie dans la possession de la douzième heure, le Ciel sourit à la Terre avec un ineffable amour. Voici, comme le cœur qui cède à un conseil continuel, le consentement ; le grain se sépare de l'épi, le fruit quitte l'arbre, la Terre fait petit à petit délaissement à l'invisible solliciteur de tout, la mort desserre une main trop pleine ! Cette parole qu'elle entend maintenant est plus sainte que celle du jour de ses noces, plus profonde, plus tendre, plus riche : C'en est fait ! l'oiseau dort, l'arbre s'endort dans l'ombre qui l'atteint, le soleil au niveau du sol le couvre d'un rayon égal, le jour est fini, l'année est consommée? À la céleste interrogation cette réponse amoureusement C'en est fait est répondue.
[octobre 1896]
Paul Claudel, Connaissance de l'Est [1900], suivi de L'oiseau noir dans le soleil levant [1929], préface de Jacques Petit, Poésie / Gallimard, 1974, p. 66-67.
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