27/06/2022
Robert Desnos, Contrée
Le paysage
J’avais rêvé d’aimer. J’aime encor mais l’amour
Ce n’est plus ce bouquet de lilas et de roses
Chargeant de leurs parfums la forêt où repose
Une flamme à l’issue de sentiers sans détours.
J’avais rêvé d’aimer. J’aime encor mais l’amour
Ce n’est plus cet orage où l’éclair superpose
Ses bûchers aux châteaux, déroute, décompose,
Illumine en fuyant l’adieu du carrefour.
C’est le silex en feu sous mon pas dans la nuit,
Le mot qu’aucun lexique au monde n’a traduit,
L’écume dans la mer, dans le ciel ce nuage,
À vieillir tout devient rigide et lumineux,
Des boulevards sans noms et des cordes sans nœuds,
Je me sens me roidir avec le paysage.
Robert Desnos, Contrée, dans Domaine public, le point
du jour, Gallimard, 1953, p. 391.
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25/06/2022
Robert Desnos, Domaine public
L’oiseau mécanique
L’oiseau tête brûlée
Qui chantait la nuit
Qui réveillait l’enfant
Qui perdait ses plumes dans l’encrier
L’oiseau pattes de sept lieuess
Qui cassait les assiettes
Qui dévastait les chapeaux
Qui revenait de Suresnes
L’oiseau l’oiseau mécanique
A perdu sa clef
Sa clef des champs
Sa clef de voûte
Voilà pourquoi il ne chante plus.
Robert Desnos, inédit, dans Domaine public,
1953, le point du jour/Gallimard, 1953, p. 359.
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01/12/2021
Robert Desnos, Choix de Poèmes
Le veilleur du Pont-au-Change
Je suis le veilleur de la rue de Flandre,
Je veille tandis que dort Paris.
Vers le nord un incendie lointain rougeoie dans la nuit.
J’entends passer des avions au-dessus de la ville.
Je suis le veilleur du Point du Jour.
La Seine se love dans l’ombre, derrière le viaduc d’Auteuil,
Sous vingt-trois ponts à travers Paris.
Vers l’ouest, j’entends des explosions.
Je suis le veilleur de la Porte Dorée.
Autour du donjon le bois de Vincennes épaissit ses ténèbres.
J’ai entendu des cris dans la direction de Créteil
Et des trains roulent vers l’est avec un sillage de chants de révolte.
Je suis le veilleur de la Poterne des Peupliers.
Le vent du sud m’apporte une fumée âcre,
Des rumeurs incertaines et des râles
Qui se dissolvent quelque part, entre Plaisance et Vaugirard.
Au sud, au nord, à l’est, à l’ouest,
Ce ne sont que fracas de guerre convergeant vers Paris.
Je suis le veilleur du Pont-au-Change
Veillant au cœur de Paris, dans la rumeur grandissante
Où je reconnais les cauchemars paniques de l’ennemi,
Les cris de victoire de nos amis et ceux des Français,
Les cris de souffrance de nos frères torturés par les Allemands d’Hitler.
Je suis le veilleur du Pont-au-Change
Ne veillant pas seulement cette nuit sur Paris ,
Cette nuit de tempête sur Paris seulement dans sa fièvre et sa fatigue,
Mais sur le monde entier qui nous environne et nous presse.
Dans l’air froid tous les fracas de la guerre
Cheminent jusqu’à ce lieu où, depuis si longtemps, vivent les hommes.
(...)
Robert Desnos, Choix de poèmes, collection L’Honneur des Poètes (dirigée par Paul Éluard, éditions de Minuit, 1946, p. 103-104.
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30/11/2021
Robert Desnos, Domaine public
Les sources de la nuit
Les sources de la nuit sont baignées de lumière.
C’est un fleuve où constamment
boivent des chevaux et des juments de pierre
en hennissant.
Tant de siècles de dur labeur
aboutiront-ils enfin à la fatigue qui amollit les pierres ?
Tant de larmes, tant de sueur,
justifieront-ils le sommeil sur la digue ?
Sur la digue où vient se briser
le fleuve qui va vers la nuit,
où le rêve abolit la pensée.
À rebrousse-poil, à rebrousse-chemin,
Étoile, suivez-nous, docile, `
et venez manger dans notre main,
Maîtresse enfin de son destin
et de quatre éléments hostiles.
Robert Desnos, Domaine public, Le point
du jour/Gallimard, 1953, p. 307.
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29/11/2021
Robert Desnos, Domaine public
Comme une main à l’instant de la mort
Comme une main à l’instant de la mort et du naufrage se dresse comme les rayons du soleil couchant, ainsi de toutes parts jaillissent tes regards.
Il n’est plus temps, il n’est plus temps peut-être de me voir,
Mais la feuille qui tombe et la roue qui tourne te diront que rien n’est perpétuel sur terre,
Sauf l’amour,
Et je veux m’en persuader.
Des bateaux de sauvetage peints de rougeâtres couleurs,
Des orages qui s’enfuient,
Une valse surannée qu’emportent le temps et le vent durant les longs espaces du ciel.
Paysages.
Moi je n’en veux pas d’autres que l’étreinte à laquelle j’aspire,
Et meure le chant du coq.
Comme une main à l’instant de la mort se crispe, mon cœur se serre.
Je n’ai jamais pleuré depuis que je te connais.
J’aime trop mon amour pour pleurer.
Tu pleureras sur mon tombeau,
Ou moi sur le tien.
Il ne sera pas trop tard.
Je mentirai. Je dirai que tu fus ma maîtresse
Et puis vraiment c’est tellement inutile,
Toi et moi nous mourrons bientôt.
Robert Desnos, Domaine public, Le point du jour/ Gallimard,
1953, p. 103-104.
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28/11/2021
Robert Desnos, Domaine public
Les gorges froides
À la poste d’hier tu télégraphieras
que nous sommes bien morts avec les hirondelles
Facteur, triste facteur, un cercueil sous ton bras
va-t’en porter ma lettre aux fleurs à tire d’elle.
La boussole est en os, mon cœur tu t’y fieras.
Quelque tibia marque le pôle et les marelles
pour amputés ont un sinistre aspect d’opéras.
Que pour mon épitaphe un dieu taille ses grêles !
C’est ce soir que je meurs, ma chère Tombe-Issoire,
ton regard le plus beau ne fut qu’un accessoire
de la machinerie étrange du bonjour.
Adieu ! je vous aimai sans scrupule et sans ruse,
ma Folie-Méricourt, ma silencieuse intruse.
Boussole à flèche torse annonce le retour.
Robert Desnos, Domaine public, Le point du
jour/Gallimard, 1953, p. 343.
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30/11/2020
Robert Desnos,
Le sursaut
Sur la route en revenant des sommets rencontré par les
corbeaux et les châtaignes
Salué la jalousie et la pâle flatteuse
Le désastre enfin le désastre annoncé
Pourquoi pâlir pourquoi frémir ?
Salué la jalousie et le règne animal avec la fatigue avec le
désordre avec la jalousie
Un voile qui se déploie au-dessus des têtes nues
Je n’ai jamais parlé de mon rêve de paille
Mais où sont partis les arbres solitaires du théâtre
Je ne sais où je vais j’ai des feuilles dans les mains j’ai des feuilles
dans la bouche
Je ne sais si mes yeux se sont clos cette nuit sur les ténèbres
précieuses ou sur un fleuve d’or et de flamme
Est-il le jour des rencontres et des poursuites
J’ai des feuilles dans les mains j’ai des feuilles dans la bouche
Robert Desnos, Les ténèbres, dans Domaine public, "Le Point du jour", Gallimard, 1953, p. 150.
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23/05/2020
Robert Desnos, Domaine public
Le paysage
J’avais rêvé d’aimer. J’aime encore mais l’amour
Ce n’est plus ce bouquet de lilas et de roses
Chargeant de leurs parfums la forêt où repose
Une flamme à l’issue de sentiers sans détours.
J’avais rêvé d’aimer. J’aime encore mais l’amour
Ce n’est plus cet orage où l’éclair superpose
Ses bûchers aux châteaux, déroute, superpose,
Illumine en fuyant l’adieu du carrefour,
C’est le silex en feu sous mon pas dans la nuit,
Le mot qu’aucun lexique au monde n’a traduit,
L’écume sur la mer, dans le ciel ce nuage.
A vieillir tout devient rigide et lumineux,
Des boulevards sans noms et des cordes sans nœuds.
Je me sens me roidir avec le paysage.
Robert Desnos, Domaine public, Gallimard, 1953, p. 391.
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05/12/2019
Robert Desnos, À la mystérieuse
À la faveur de la nuit
Se glisser dans ton ombre à la faveur de la nuit
Suivre tes pas, ton ombre à la fenêtre,
Cette ombre à la fenêtre, c’est toi, ce n’est pas une autre, c’est toi.
N’ouvre pas cette fenêtre derrière les rideaux de laquelle tu bouges.
Ferme les yeux.
Je voudrais les fermer avec mes lèvres.
Mais la fenêtre s’ouvre et le vent, le vent qui balance bizarrement la flamme et le drapeau entoure ma fuite de son manteau.
La fenêtre s’ouvre : ce n’est pas toi.
Je le savais bien.
Robert Desnos, À la mystérieuse, dans Domaine public, Gallimard, 1953, p. 105.
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18/09/2019
Robert Desnos, Domaine public
Au mocassin le verbe
Tu me suicides, si docilement.
Je te mourrai pourtant un jour.
Je conaîtrons cette femme idéale.
Et justement je neigerai sur sa bouche.
Et je pleuvrai sans doute même si je fais tard, même si je fais beau temps.
Nous aimez si peu nos yeux
et s’écroulerai cette larme sans
raison bien entendu et sans tristesse.
Sans.
Robert Desnos, Domaine public, Gallimard, 1953, p. 83.
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12/07/2019
Robert Desnos, Domaine public
Siramour
Semez, semez la graine
Aux jardins que j’avais.
Je parle ici de la sirène idéale et vivante,
De la maîtresse de l’écume et des moissons de la nuit
Où les constellations profondes comme des puits grincent
de toutes leurs poulies et renversent à pleins seaux
la terre et le sommeil un tonnerre de marguerites
et de pervenches.
Nous irons à Lisbonne, âme lourde et cœur gai,
Cueillir la belladone au jardin que j’avais.
Je parle ici de la sirène idéale et vivante,
Pas la figure de proue mais la figure de chair,
La vivante et l’insatiable,
Vous que nul ne pardonne,
Âme lourde et cœur gai,
Sirène de Lisbonne,
Lionne rousse aux aguets.
Je parle ici de la sirène idéale et vivante,
Jadis une sirène
À Lisbonne vivait.
Semez, semez la graine
Aux jardins que j’avais.
(…)
Robert Desnos,Siramour, dans Domaine public,
Gallimard, 1953, p. 295.
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24/08/2017
Robert Desnos, Deuil pour deuil
Écoutez ! des tambours et des cris, le roulement funeste d’une puissante auto présagent la Révolution prochaine. Des hommes seront guillotinés, les drapeaux s’envoleront comme des cigognes mais d’inguillotinables femmes décevront, laisseront songeurs au haut des estrades sanglantes les sympathiques, les pensifs bourreaux.
Robert Desnos, Deuil pour deuil, dans La liberté ou l’amour !, L’imaginaire/Gallimard, 1962, p. 131.
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10/08/2016
Robert Desnos, Domaine public
Photo Man Ray
Sirène Anémone
Qui donc pourrait me voir
Moi la flamme étrangère
L'anémone du soir
Fleurit sous mes fougères
Ô fougères mes mains
Hors l'armure brisée
Sur le bord des chemins
En ordre sont dressées
Et la nuit s'exagère
Au brasier de la rouille
Tandis que les fougères
Vont aux écrins de houille
L'anémone des cieux
Fleurit sur mes parterres
Fleurit encore aux yeux
À l'ombre des paupières
Anémone des nuits
Qui plonge ses racines
Dans l'eau creuse des puits
Aux ténèbres des mines
Poseraient-ils leurs pieds
Sur le chemin sonore
Où se niche l'acier
Aux ailes de phosphore
Verraient-ils les mineurs
Constellés d'anthracite
Paraître l'astre en fleur
Dans un ciel en faillite
En cet astre qui luit
S'incarne la sirène
L'anémone des nuits
Fleurit sur son domaine
Alors que s'ébranlaient avec des cris d'orage
Les puissances Vertige au verger des éclairs
La sirène dardée à la proue d'un sillage
Vers la lune chanta la romance de fer
[...]
Robert Desnos, "Sirène Anémone", dans Domaine public,
"Le Point du jour", Gallimard, 1953, p. 155-156.
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06/04/2016
Robert Desnos, Complainte de Fantômas, dans Domaine public
Complainte de Fantômas
1
Écoutez... Faites silence...
La triste énumération
De tous les forfaits sans nom,
Des tortures, des violences
Toujours impunis, hélas !
Du criminel Fantômas.
2
Lady Beltham, sa maîtresse,
Le vit tuer son mari
Car il les avait surpris
Au milieu de leurs caresses.
Il coula le paquebot
Lancaster au fond des flots.
3
Cent personnes il assassine.
Mais Juve aidé de Fandor
Va lui faire subir son sort
Enfin sur la guillotine...
Mais un acteur, très bien grimé,
À sa place est exécuté.
4
Un phare dans la tempête
Croule, et les pauvres bateaux
Font naufrage au fond de l’eau.
Mais surgissent quatre têtes :
Lady Beltham, aux yeux d’or,
Fantômas, Juve et Fandor.
5
Le monstre avait une fille
Aussi jolie qu’une fleur.
La douce Hélène au grand cœur
Ne tenait pas de sa famille,
Car elle sauva Fandor
Qu’était condamné à mort.
6
En consigne d’une gare
Un colis ensanglanté !
Un escroc est arrêté !
Qu’est devenu le cadavre ?
Le cadavre est bien vivant,
C’est Fantômas, mes enfants !
.....................
25
Pour ceux du peuple et du monde,
J’ai écrit cette chanson
Sur Fantômas, dont le nom
Fait trembler à la ronde.
Maintenant, vivez longtemps
Je le souhaite en partant.
Final
Allongeant son ombre immense
Sur le monde et sur Paris,
Quel est ce spectre aux yeux gris
Qui surgit dans le silence ?
Fantômas, serait-ce toi
Qui te dresse sur les toits ?
Robert Desnos, Complainte de Fantômas,
(1933, musique de Kurt Weil), dans
Domaine public, Gallimard, 1953, p. 279-
280 et 286.
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29/03/2015
Robert Desnos, Domaine public
Les sources de la nuit
Les sources de la nuit sont baignées de lumière.
C’est un fleuve où constamment
boivent des chevaux et des juments de pierre
en hennissant.
Tant de siècles de dur labeur
aboutiront-ils enfin à la fatigue qui amollit les pierres ?
Tant de larmes, tant de sueur
justifieront-ils le sommeil sur la digue ?
Sur la digue où vient se briser
le fleuve qui va vers la nuit,
où le rêve abolit la pensée.
C’est une étoile qui nous suit.
À rebrousse-poil, à rebrousse-chemin,
Étoile, suivez-nous, docile,
et venez manger dans notre main,
Maîtresse enfin de son destin
Et de quatre éléments hostiles.
Robert Desnos, Domaine public, « Le Point de jour »,
Gallimard, 1953, p. 307.
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