21/04/2019
Myrto Gondicas, Allures
Allures
1
Main subtile
à la nuque, nœud de vent
et volonté calme, invisiblement pilotée on va
sur un rythme étrange, ourlée de sons
proférés bas, défiant les membres
qui glissent à la proue ; le corps capteur
suit des lancers secrets ; camarade du vide, il trace
sa piste différente et volubile.
Rien
ne pèse, on vire et s’arrête
et repart immédiatement, si l’acte tendre
maniant les ressorts vivants se renouvelle ; l’âme menée
cède alors et tremble, et les pleurs
doucement sourdent.
Myrto Gondicas, Allures, dans Rehauts, n° 43, printemps 2019, p. 74.
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20/04/2019
Max Jacob, Art poétique (1922)
Art poétique
Une bonne œuvre littéraire ne peut être que l’intelligence complète d’une idée par l’auteur. Une œuvre ne peut être que l’intelligence de quelque chose.
Qui a compris ce qu’est le vrai beau a gâté pour l’avenir toutes ses joies artistiques.
Une personnalité n’est qu’une erreur persistante.
Si bien écrit, si bien écrit qu’il n’en reste plus rien.
On réussit parce qu’on est compris. De qui ?
Max Jacob, Art poétique, dans Œuvres, édition Antonio Rodriguez, Quarto/Gallimard, 2012, p. 1347, 1348, 1349, 1355, 1356.
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19/04/2019
Ruines de l'abbaye de Boschaud (Dordogne)
Photos Chantal Tanet
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18/04/2019
Dylan Thomas, Ici dans ce printemps
Ici dans ce printemps
Ici dans ce printemps, des étoiles flottent dans le vide.
Ici dans cet hiver ornemental
S’abattent les froids nus.
Cet été porte en terre un oiseau de printemps.
Les symboles sont choisis depuis la ronde lente
Des années autour des quatre saisons,
Enseignent en automne les feux des trois saisons
Et les chants des quatre oiseaux.
Je saurai l’été grâce aux arbres, les vers
Ne révèlent jamais que les tempêtes de l’hiver
Ou les funérailles du soleil.
J’apprendrai le printemps par le chant du coucou,
Et la limace m’enseignera la destruction.
Un ver sait l’été bien mieux que l’horloge,
La limace est un vivant calendrier des jours.
Que me révèlera-t-elle si un insecte sans fin
Dit que le monde tire à sa fin ?
Dylan Thomas, Poèmes, traduction Patrick Reumaux,
dans Œuvres, I, Seuil, 1970, p. 389.
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17/04/2019
Jonathan Swift, Lettres à Stella
5 mars 1712
Je vous souhaite un joyeux carême ; je déteste le carême, je déteste les changements de régime, la bouillie de froment et le beurre et le porridge aux herbes et les aigres visages dévots de ces qui ne revêtent le masque de leur religion que durant sept semaines. (…) J’ai dîné aujourd’hui avec le DrArbuthnot et nous avons fait un véritable dîner de carême, non quant au menu, mais à cause de l’état de sa femme et d’un ou deux de ses enfants qui étaient malades dans la même salle que nous, ce qui était largement aussi mortifiant que du poisson. (…] Je vais garder mon souffle pour refroidir ma bouillie de carême.
Jonathan Swift, Lettres à Stella, dans Œuvres, Pléiade / Gallimard, 1965, p. 782-783.
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16/04/2019
Francis Ponge, L'Atelier contemporain
23 août 1951
Saisissantes…
Notons-le (avouons-le) : très peu de chose, de distance sépare dans la qualité, dans la hiérarchie de la qualité, les œuvres (les productions artistiques) des hommes. D’un dessin de caricaturiste à un dessin de grand artiste il n’y a que de très légères différences (vus d’un haut point de vue). (D’un dessin de Forain à un Daumier, d’un Daumier à un Seurat.)
D’une épingle, aux plus extrêmes et minces petites figures d’A. Giacometti.
Craignons de nous tromper, de nous laisser abuser. Comment faire ici pour distinguer ?
Un certain sérieux, une certaine maladresse, un certain tremblement de mains ne trompent pas… (Est-ce cela ?)
Durée, persistance du saisissement. Aussi sa qualité.
Les figures de Giacometti n’ont d’abord besoin d’aucune justification. Elles sont tout à fait saisissantes. Mais ce saisissement, ne devons-nous pas nous en méfier ? Ce qui est extrêmement maigre, extrêmement ample est également saisissant.
Francis Ponge, L’Atelier contemporain, Gallimard, 1977, p. 166.
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15/04/2019
Esther Tellermann, Un versant l'autre
Rose parfumée
trace un matin
d’argent
l’eau exsude
la transparence
de la férule et
du chardon.
Je voulus
morceau de vous
dans le vent
que l’instant
vibre.
Esther Tellermann,
Un versant l’autre,
Flammarion, 2019, p. 59.
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14/04/2019
Henri Michaux, Les commencements
L’enfant à qui on fait tenir dans sa main un morceau de craie, va sur la feuille de papier tracer désordonnément des lignes encerclantes, les unes presque sur les autres.
Plein d’allant, il en fait, en refait, ne s’arrête plus.
…………………………………………………………………………………….
En tournantes tournantes lignes
de larges cercles maladroits, emmêlés,
incessamment repris
encore, encore
comme on joue à la toupie
Cercles. Désirs de la circularité.
Place au tournoiement.
Au commencement est la
RÉPÉTITION
Henri Michaux, Les commencements, Fata Morgana, 1983, p. 7-8.
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13/04/2019
Bernard Noël, Le plaisir de lire
Le plaisir de lire
[•••] Lire est, pour commencer, une posture physique : le rassemblement d’un appétit de langue vivante qui vous pousse à vouloir du sens à partir du livre que vous venez de choisir. Dès lors, ce qui n’était que mots et papier devient mouvement du contact de votre vue, de votre attention, et porté par elles dans votre espace mental, ce mouvement le pénètre longuement et le comble par un acte dont vous assurez vous-même la continuité, le contrôle. Lire ne serait que suivre une longue ligne froide lancée en avant comme le temps si l’ouverture au texte et la conscience du lieu qui se crée ainsi en vous n’en métamorphosaient le parcours : la ligne se dilate, génère des dimensions, du volume, et voilà que — sans perdre de vue l’illusion — vous entrez dans la présence aérienne du verbe.
Bernard Noël, dans La Place de l’autre, Œuvres, III, P. O. L, 2013, p. 233.
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12/04/2019
Sándor Weöres, filles nuages et papillons : recension
La littérature hongroise contemporaine est peu connue en France, même si l’on peut citer des exceptions comme les récits d’Imre Kértesz (1929-2016), rescapé des camps d’extermination nazis, ou la poésie d’Attila József (1905-1937) dont l’œuvre poétique a été largement traduite. Pour les éditions des quelques poèmes traduits de Sándor Weöres1(1913-1989), elles sont épuisées ; il faut chercher un peu pour lire des traductions en ligne, dont celles de Cécile A. Holdban. Elle donne à la fin de filles, nuages et papillons un aperçu de la vie de ce grand représentant de la poésie hongroise, qui publia très jeune son premier livre grâce au compositeur Zoltán Kodály ; beaucoup de ses poèmes ont d’ailleurs été mis en musique par des compositeurs d’avant-garde comme Peter Eötvös et György Ligeti (qui parle du poète dans son livre L’atelier du compositeur). La traductrice a choisi de présenter, avec le texte original, des extraits, chaque fois brefs, tirés de livres édités de 1933 à 1977, l’ensemble de 1975 étant privilégié pour le nombre de poèmes retenus.
Bien des poèmes constituent de courts récits, sans cependant, le plus souvent, de rapport avec la réalité. Par exemple, avec "Les enfants perdus", le lecteur passe très vite de l’autre côté du miroir ; les enfants avancent en pays connu et, sans transition, la route suivie disparaît et, avec elle, tous les repères : ne demeure qu’une nature luxuriante, l’horizon a disparu — donc, toute possibilité de sortie — et « nous ne retrouverons / plus jamais la route ». Les limites du monde visible sont régulièrement franchies dans la poésie de Sándor Weöres et l’on évolue dans un univers où rien ne se passe qui puisse rassurer ; un pommier surgit d’un coffret, admettons, mais il produit une pastèque ! et la petite Sára (mais qui donc est Sára ?) « en sautant / a cassé le joli coffret ».
Magie de l’enfance qui rend toute chose possible à partir du moment où elle est souhaitée. On peut bien lire de multiples blasons dans la forme des nuages — on se souvient de Baudelaire — et, si l’on oublie la logique qui prévaut dans la réalité, rien n’interdit d’attraper une étoile, de faire route avec un dragon, de rapporter les rêves des chevaux. On ne s’étonnera pas non plus du recours au récit de rêve, le poète jouant en même temps avec la forme ; dans "Infinitif", la même syllabe d’un verbe à l’infinitif revient en fin de vers (« ni »), le poème s’ouvre et se ferme avec « ébredni » (= s’éveiller) : le personnage, devenu oiseau, après une échappée dans la nature revient en ville à son point de départ (« par une fenêtre entrer »).
L’absence de délimitation entre réalité et imaginaire aboutit assez régulièrement à des énoncés à l’écart de toute possibilité de représentation, parfois de tout sens. Il ne s’agit plus alors d’un récit où évoluent des éléments soumis à d’autres règles que celles communément admises, mais bien d’un parti pris de non-sens. D’où des propositions qui sont des énigmes sans réponse, comme « Je viens d’une forêt / où je ne suis jamais allé […] », ou « La porte close regarde la porte close. / Ils sont tant à habiter entre les deux, innombrables ! » ; etc. On pense évidemment à Lewis Carroll et, pour rester avec les écrivains anglais, on relit Chesterton sur le sujet : le non-sens,
« C'est de l'humour qui abandonne toute tentative de justification intellectuelle, et ne se moque pas simplement de l'incongruité de quelque hasard ou farce, comme un sous-produit de la vie réelle, mais l'extrait et l'apprécie pour le plaisir»2
Aucune représentation donc, les seules figures restent les mots, « le silence des lettres sur le papier ». Une autre manière d’introduire l’absurde (comme l’a fait, par exemple, Max Jacob) consiste à proposer des groupes de vers sans rapport entre eux :
Lorsqu’il regarda par la fenêtre
il vit les bienheureux pleurer.
J’ai oublié jusqu’à ton visage.
Là où les lézards couraient, où les couples s’asseyaient,
dans le jardin il n’y a plus que la neige
et les paons se sont endormis.
Sándor Weöres apprécie l’extrême brièveté et abondent les poèmes avec la concision du proverbe (« La poussière se hâte, la pierre a le temps »), réduits à une image (« Cristal de vent ») ou amorce donnée comme impossible à compléter (« Le sens de la vie est le suivant : / (… texte manquant)). Il retrouve aussi le ton de la comptine et celui de la chanson ; le titre "filles, nuages et papillons" est le second vers de la première strophe d’un poème qui en compte 4, les vers 2 et 3, identiques, forment un refrain dans chaque strophe, la première strophe reprise en position 4.
Il n’y a pas refus de la réalité, mais mise en évidence le plus souvent de l’absurdité du monde, du caractère décevant de ce que l’on observe au point que l’imaginaire est un recours devant l’insupportable. Quelques poèmes expriment d’ailleurs le désespoir d’être là, le souhait de ne plus se vivre dans la division :
Ce monde est trop petit pour moi,
seule la mort est vaste, mon pas retourne
dans le cercle du néant
et, paradoxalement ( ?) : « seule la mort peut me faire naître un ».
Cette traduction des poèmes Sándor Weöres est une vraie découverte, et l’on voudrait espérer une édition (plus) complète. Elle est accompagnée de huit encres d’Annie Lacour, feuilles et fleurs — du côté des nuages et des papillons, balance à la mélancolie.
1 Sàndor Weöres, Dix-neuf poèmes, traduits par Lorand Gaspar, Bernard Noël, Ibolya Virag, L'Alphée 1984, éditions Ibolya Virag, 2005 ; Maurice Regnaut (sous la direction de), Trois poètes hongrois, Kàlnoky, Pilinszky, Weöres, Action Poétique, 1985.
2 G. K. Chesterton, Le Paradoxe ambulant, Actes Sud, 2004, p. 151.
Sándor Weöres,filles nuages et papillons, traduction Cécile A. Holdban, encres Annie Lacour, Po&Psy, 2019, np, 12 €. Cette note a été publiée par Sitaudis le 26 mars 2018.
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11/04/2019
Valérie Rouzeau, Neige rien
Manœuvres
À l’étroit les trois huit
Virés salaires de rien
Micheline Michelin
Paradis pour demain
Allez toi va-t’en vite
Micheline Michelin
On te remercie bien
Valérie Rouzeau, Neige rien, dans
Pas revoir suivi de N r, La petite
Vermillon, 2010, p. 104.
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10/04/2019
Christian Ducos, Plic ! Ploc !
passé le coin de la rue
elle tombe dans les bras
du vent
il est maigre
comme un clou
le clou
une grenouille plonge
dans le poème
ah ! le bruit de l’encre
gouttes de pluie
tintements
le seau rouillé
la vie est si brève
entre ceci et cela
il faut choisr
Christian Ducos, Plic ! Ploc !, Le Cadran ligné, 2019, p. 15, 16, 17, 18, 19
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09/04/2019
Jours à Venise
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08/04/2019
René Char,Fenêtres dormantes et porte sur le toit
Faire du chemin avec
Le poème sur son revers, femme en besogne à qui les menus objets domestiques sont indispensables. La richesse et la parcimonie.
Avant de se pulvériser, toute chose se prépare et rencontre nos sens. Ce temps de préparatifs est notre chance sans rivale.
N’incitez pas les mots à faire une politique de masse. Le fond de cet océan dérisoire est pavé des cristaux de notre sang.
Il en faut un, il en faut deux, il en faut… Nul ne possède assez d’ubiquité pour être seul son contemporain souverain.
Combien y a-t-il de nuits différentes au mètre carré ? Seul ce trouble-fête de rossignol le sait. Nous, dont c’est la mesure, l’ignorons.
René Char, Fenêtres dormantes et porte sur le toit, Gallimard, 1979, p. 12, 13, 15, 16, 17.
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07/04/2019
Étienne Faure, Tête en bas — rencontre, lecture
Étienne Faure et Jean-Baptiste Para pour la remise du prix Max Jacob 2019
Le mot Départ taillé dans la pierre
au fronton de la gare est resté
comme Liberté, Égalité, Fraternité
ou École de garçons il y a beau temps
devenue mixte, cris indécis,
simple inscription, vieil incipit
redoré ou repeint en rouge sang,
et ce départ incrusté fédère
dans les cœurs tous les départs forcés,
volontaires, oubliés qui défilèrent sous le linteau,
entrés par la face nord, ressortis plus tard
sous le pignon opposé annonçant Arrivée,
ces enfants de la patrie, déportés, communards,
sinistrés, réfugiés, revenus plus ou moins,
criant dans le heurt des bagages, sacoches, havresacs,
des mots entre-temps érodés, nullement gravés
en mémoire.
frontons
Étienne Faure, Tête en bas, Gallimard, 2018, p. 116.
Étienne Faure a reçu le prix Max Jacob pour Tête en bas.
Les Éditions Gallimard organisent une rencontre lecture le
mardi 9 avril à 19 h
à la librairie Gallimard, Boulevard Raspail
La lecture rencontre sera animée par
Myrto Gondicas et François Bordes.
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