28/02/2020
Béatrice Bonhomme, Les boxeurs de l'absurde
Chef-d’œuvre
Il dit tu as accompli un chef-d’œuvre de nos vies
Un trésor où passe le vent
Et où rien n’est à personne
Il est fait de bric et de broc
D’instants de vie et de sourires
D’instants de larmes
Et de souffrance
Il est fait de tout et de rien
Il est construit de non-sens
Et donne un sens à ma vie
Il dit plus tard j’élèverai un château de cartes
Une architecture improbable
De terre et de limon
De branches et d’échappées
De nuit et de terre
Il sera comme un puzzle abandonné
Un sable qui n’a pas d’empreintes
Un paréo prêté au vent
Une figure sans dessin
Le temps baroque d’un passage.
Béatrice Bonhomme, Les boxeurs de l’absurde,
L’étoile des limites, 2019, p. 117.
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21/06/2011
Béatrice Bonhomme, Cimetière étoilé de la mer
Femme de tulle et de pierre posée sur du papier
pour Serge Popoff
1 - Si je devais commencer à écrire, je commencerais par la blessure, la déchirure, je répèterais la blessure, la déchirure, éternellement, le retour à la mère, le retour à son ventre de plume et de limon, à son ventre de ciel.
2 - Elle étend la main au-dessus des lions d’étoile, elle étend une main protectrice ou vengeresse au-dessus des lianes de silence, femme de filigranes ou d’empreintes, femme de traces, femme posée sur l’étroitesse tramée d’un sillon, travail d’un graveur sur le ventre veiné bleu de la pierre au plus profond d’une naissance de roche.
3 - Traces, territoire interdit du tissu, de la toile, araignée d’étoile filante, elle est devenue points d’empreinte et de nuit, vierge de pierre et protège dans la roche l’enfance éparpillée du monde. Mère première, matière, archétype de sources et de lignes, femme taillée, arrachée à la pierre, déesse au bras dressé, elle montre une terre promise dans la prophétie des traces.
4 - Griffe de l’encre, tache, marque laissée par son corps sur une surface. En creux, l’effigie d’un prophète ouvre la terre, ouvre les voies, ouvre les bavures de l’étampe sur la plaque sensible restée toujours sensible de la blessure, comme la frappe du cachet reproduit le creux de l’entaille ou le calque de la douleur sur un visage.
5 - Stigmates se trouvant dans le corps d’un papier et que l’on peut voir en transparence, sillon douloureux de l’eau-forte, pli, pliure en miroir, petits signes de gravure, une main pointée, une main qui montre, scellée dans la pierre, et comme le cataclysme d’un message sur un peuple éperdu, recroquevillé dans les plis de pierre de la robe, enfants perdus, échevelés devant l’imminence d’un désastre et brisant leur blessure dans les plis brisés d’une robe de pierre.
6 - Scissure, sillons du cœur, strie de la valvule, fente pleine de larmes, silice pur, de pierre transparente, cristallisée dans la souffrance d’une estampille, au cilice des douleurs, blessures, cicatrices. Avancée rigide comme un bas-relief de douleur percluse, chemise, ceinture de crin ou l’étoffe rude que l’on porte sur la peau par mortification de blessure.
7 - reproduction inversée, surface polie d’un cilice où celui-ci posé fait le plus mal.
Si je devais finir d’écrire, je finirais par la blessure, la déchirure, éternellement, le retour à la mère, à son ventre d’acide et de brûlure, à ce bleu ardent, acidulé comme les brûlures de l’eau-forte, à son ventre de ciel.
Béatrice Bonhomme, Cimetière étoilé de la mer, Versets 1995-2003, Avant-propos de Claude Louis-Combet, éditions Melis, 2004, p. 17-18.
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