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22/07/2025

Antoine Emaz, Peau

antoine emaz,peau,mémoire

Vert, I (31.09.05)

 

on marche dans le jardin

 

il y a peu à dire

 

seulement voir la lumière

sur la haie de fusains

 

un reste de pluie brille

sur les feuilles de lierre

 

rien ne bouge

sauf le corps tout entier

 

une odeur d'eau

la terre acide

 

les feuilles les aiguilles de pin

 

silence

sauf les oiseaux

 

marche lente

le corps se remplit du jardin

sans pensée ni mémoire

 

accord tacite

avec un bout de terre

rien de plus

 

ça ne dure pas

cette sorte de temps

 

on est rejoint

par l'emploi de l'heure

l'à faire

 

le corps se replie

simple support de tête

à nouveau les mots

l'utile

 

on rentre

 

on écrit

ce qui s'est passé

 

il ne s'est rien passé

Antoine Emaz, Peau,

éditions Tarabuste, 2008, p. 25-28.

21/07/2025

Antoine Emaz, Peau

                             

antoine emaz,peau,silence

Photo T. H., 2007

         Seul, 6 (18. 11. 06)

 

Il n'y a pas de bout de la nuit

seulement une maison vide

et silencieuse de tous ses murs

 

on est dedans

 

pas en prison

 

mais dedans

 

et la nuit comme aveugle

tourne en rond

 

les mots piochent piquent

des étoiles

on dira ça comme ça

 

des lumières fermées

 

tension

 

ce silence qui vient de biais si l'on n'agit pas c'est lui qui va emporter la mise la main les mots dans l'ardoise et plus rien

 

pas facile d'aller contre l'aigu du silence dans la maison vide il siffle comme chez lui il sape il pèse ensuite habitué qu'il est du lieu

 

une lame de nuit

 

tension sans l'avoir vue venir — vite glisser — tension — nerfs cordes mais quelle musique grommellement de mots pour rien ce bruit de chien grondant comme pour intimider le silence dessous qui passe

 

continuer à parler — rester dans le blanc de la lampe plutôt que la nuit qui tait la maison tait tout

 

un bruit d'eau presque rassure dans la gouttière

 

on tient à peu

[...] 

Antoine Emaz, Peau, Tarabuste, 2008, p. 113-114.

 

03/07/2023

Antoine Emaz, Erre

  antoine emaz, erre, sombre, ombre

délesté

on descend pourtant

c’est bizarre

mais pas en rêve

 

on a fait ce qu’il fallait

pour rester en surface

prendre part au bruit produire

les paroles et le reste les paroles

tout le nécessaire du jour

 

on s’en va maintenant comme si

on n’avait plus que son poids de corps

il glisse dans le soir s’enfonce

dans l’ombre de plus en plus sombre

des arbres et du jardin

jusqu’au ciel

 

on respire

 

Antoine Emaz, Erre, Tarabuste,

2023, p. 44.

Photo T. H., 2007.

02/07/2023

Antoine Emaz, Erre

antoine emaz, erre, choses de la vie

11.09.18

 

le bilan court d’un jour le soir

ou plus long d’une vie les nuits

c’est assez vain

 

souvent on avance par une odeur de fleurs

ou de cheveux un sourire un ciel

le bruit d’un arbre une gelée de mûres

le bois d’une table une lettre

un livre du pain frais

tout un courant de détails qui portent

vers plus loin

ou bloquent là où

le savoir des mots l’âge du capitaine

sa prestance à la barre

n’importent pas

 

Antoine Emaz, Erre, Tarabuste, 2023, p. 133.

01/07/2023

Antoine Emaz, Erre

antoine emaz,erre,corps,vieillesse

                                    29.08.18

 

le temps va le corps

suit son cours peine un peu à poursuivre

mais c’est le même refus posé

 

on reprend seulement une poignée de sable

dans les mots

toujours rien à céder

sur ce terrain d’être vieux

pour la misère ou pour le désir

 

au bout peut-être on n’aura pas bougé grand-chose

plutôt la vie s’est chargée de changer

la lumière et les angles les êtres les lieux un peu

 

sans bruit on rassemble

un peu de joie sèche

pour aller à demain

 

qui demande autre chose

 

Antoine Emaz, Errz, Tarabuste, 2023, p. 111.

04/02/2023

Antoine Emaz, Erre

emaz_par_tristan_profil_copie.jpg

9.08.18

 

on n’a pas trop prise

sur ce qui vient les mots

prennent au passage

ou parfois rien

 

et ce n’est pas plus important

qu’une ligne de plus ou de moins

dans une dictée d’enfance

 

cela peut-être qui remonte

dans la nuit ou le vieux rose

d’une branche de tamaris en fleurs

 

ce qui ne tient à rien

dans la mélasse du temps un balancement

d’acacia ou de pin

le bleu passé au gris d’une lavande

 

quelque chose en tout cas

de presque silencieux

et doux

« regret souriant » ou deuil calme

d’un passé sans heurt

juste passé

poussière en suspension dans la lumière

pas plus

 

Antoine Emaz, Erre, Tarabuste,

2023, p. 89.

 

 

03/02/2023

Antoine Emaz, Calme

                          DSC_0004.JPG

au fond  

c’est plus simple qu’en surface

 

il ne reste presque

que du silence

 

on a tout l’espace

 pour laisser filer

quelques étoiles pâles

 

fixer deux ou trois mots qui luisent

balises qui tremblent

lampes tempête

 

et tout le sombre n’est plus vide

plutôt nuit plaid

châle bleu noir

autour sans angles

 

quand tout se tait

sauf la vie son bruit faible

d’eau qui court

ou de cœur

 

le poème ne voudrait pas dire autre chose

 

Antoine Emaz, Calme, Faï fioc, 2016, np

02/02/2023

Antoine Emaz, Plaie

DSC_0004.JPG

laisser aller la tête dans le jardin

ce matin

il y a l’air libre et bleu

il y a l’envie

de laisser filer

dans les couleurs du jardin

se perdre

s’évacuer

se dissoudre

 

comme se laver

dans le vert

 

on y arrivera

 

on le sait maintenant

on y arrivera

quoi qu’il arrive

 

on a repris pied assez

même si

on n’est pas à l’abri

 

Antoine Emaz, Plaie, Tarabuste,

2009, p. 138.

Photo T. Hordé

01/02/2023

Antoine Emaz, De peu

emaz_par_tristan_profil_copie.jpg

Bleu très bleu

 

dans le ciel sans fin d’œil

toute histoire engouffrée

rien

quasi lisse vaste couleur quelle

espèce de bleu

sans honte

tant il est sans mémoire

 

              *

 

ciel plein ciel

sans anges

 

on rêve leurs battements d ‘ailes

leurs bruits de mouettes folles

d’envol

 

alors qu’on veut seulement des mots

pour ici

sous l’aplat de l’été

 

Antoine Emaz, De peu, Tarabuste,

2014, p. 269.

31/01/2023

Antoine Emaz, De l'air

emaz_par_tristan_profil_copie.jpg

dans la lumière brute

et le jaune des jonquilles

on est où ?

 

ricochets des mots

sur l’eau de tête

le temps

la masse tranquille d’un dimanche

océan c’est trop dire

plutôt mare étang borné

par la fin de semaine

étier

 

on ferait mieux

de s’atteler

à la semaine qui vient

 

Antoine Emaz, De l’air, Le dé bleu,

2006, p. 62.

07/11/2021

Antoine Emaz, Jours

Antoine E.JPG

2. 03. 08

 

la peur

la mémoire noire

on ne la rappelle paa 

elle vient

quand elle veut

ou peut-être un signal

d’un ultra son de vivre

 

elle remonte

on lui fait sa place

sans parler

 

on attend qu’elle reparte

par le premier train de nuit

 

                   *

 

le plus souvent

quand on l’entend venir

on commence par prendre un verre

et s’occuper de tout et rien

histoire

d’espérer qu’elle passera

à quelques pas

sans voir

 

ou la sale bête

taupe

 

parfois ça marche

on ne la revoit plus

 

elle ne faisait que passer

elle a jeté son froid

rappelé assez que l’on était

poreux

 

Antoine Emaz, Jours / Tage,

Éditions en forêt / Verlag im Wald,

2009, p. 109 et 111.

Photo T. H., 2007

06/11/2021

Antoine Emaz, Jours

Antoine, 2.JPG

24.03.07

 

et quoi vient

dans la nuit blanche du corps

quel rat grignote

 

entre douleur et malaise

 

comme si

importait

ce tas d’atomes

 

de fait oui

il crisse

et on supporte mal

 

            *

 

douleur seule

« capitale »

c’est beaucoup dire

 

on n’a pas vraiment de mots

sur ce qui fait mal

 

à qui le dire ou quoi

ça soignerait

 

on attend que le grain de sable

le papier de verre qui raie

dans l’épaule et la tête

s’en aille

 

le reste flotte

comme d’habitude

 (...)

 

Antoine Emaz, Jours / Tage,

Éditions En Forêt / Verlag im Wald,

2009, p. 23 et 25.

Photo T.H., 2007

05/11/2021

Antoine Emaz, Soirs

Antoine E.JPG

30.01.98

 

accorder la langue

sur peu de choses

 

là ce soir

seul

avec

le jour en vrac

 

tout est passé

 

        *

 

restent l’herbe

quelques feuilles tordues sèches

le froid clair encore le mur

 

entre l’herbe et le mur

la lumière glace

à chaque fois renvoie

une paroi de froid

 

à la fin le crépi

craque gris

dans le soleil qui baisse

 

voilà

 

Antoine Emaz,  Soirs,

Tarabuste, 1999, p. 74-75.

Photo T. H., 2007

04/11/2021

Antoine Emaz, De l'air

             Antoine.JPG

Froid ((5.12.04)

 

dans le gris de l’hiver comme feutre

devenir d’un coup très vieux

 

des couches de lumière pâle

les unes sur les autres

jusqu’à ce gris flottant

entre ce qui se passe

et celui qui regarde

 

grand calme là

 

s’enliser sans fin

dans le terne

 

         *

 

jour court

et rabot lent du froid

on ne s’habitue pas

 

un jardin de fer

 

le géranium finit son rouge

 

le pan de ciment non peint

à travers les branches du prunus

 

un ciel d’étain

bloque la neige

 

tout est gourd

 

Antoine Emaz, De l’air, le dé bleu,

2006, p. 56-57.

Photo T.H., 2010

23/07/2020

Antoine Emaz, Carnets

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                        Carnets

 

Le moi n’a aucune importance — c’est ce qui le traverse, ou ce dont il est le lieu, qui peut amener à écrire.

Le moi est une page, il attend.

 

Art poétique

ne dire que du vrai

payé comptant

quel que soit l’angle

quelle que soit la débâcle de mots

et travailler ensuite

même le dégoût du vrai

même sa laideur

son insignifiance

 

Ce que je fabrique ne correspond à rien d’écrit, même si je peux entendre résonner dans mon travail d’autres travaux.

Définissons donc comme poème ce qui, écrit, ne correspond à rien... et cessons d’envier les définitions, fausses également parce que tyranniques, d’autres formes — je pense à la note, au roman, au récit.

 

Antoine Emaz, Carnets, dans Rehauts n° 45 juin 2020, p. 6, 16, 16.