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22/02/2020

Jean Tardieu, Da capo

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                               Dédicace à personne

 

Pour recueillir, comme au futur. Pour perdre dans le passé. Pour attendre, pour piétiner, pour se morfondre, comme au présent.

Une suite de jours dispersée, déchirée, entre l’insomnie et le songe. Une vie qui n’appartient à personne, pas même à moi.

Une route qui ne conduit nulle part ailleurs qu’en ce point où tout se dissipe et disparaît. (Est-ce la récompense ?)

Au vertige vécu. À l’immobile. Au retour sans fin.

À la suite irrémédiable, peinte aux couleurs de l’espoir. Aux portes fermées de la sagesse. (Elles tremblent, elles vont céder.)

À la conscience maintenue, arc-boutée contre le souffle de l’abîme.

Puissent la suie, la poussière, le sang des heures, la colère du monde, l’oubli de tout — ne pas ternir le miroir !

À toutes les personnes que nous sommes et ne seront plus. À tous les temps du verbe.

 

Jean Tardieu, Da capo, Gallimard, 1995, p. 50.

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