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27/01/2022

Pascal Quignard, Mourir de penser

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Il est des aspects du réel auxquels on ne peut accéder que si et seulement si on en manque d’autres.

On ne peut jouir en ouvrant les yeux.

Toute vision x est un aveuglement y.

Toute audition y est une surdité x .

Qui flaire ne goûte pas.

Qui écoute ne saute pas.

On ne dort pas debout.

On n’aime pas quelqu’un si on songe à soi.

 

Pascal Quignard, Mourir de penser, Folio/Gallimard, 2015, p. 178.

09/09/2021

Vélimir Khlebnikov, Choix de poèmes

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Pas-hommes

 

L’oiseau qui aspire aux sommets

vole au ciel.

La demoiselle qui aspire aux sommets

porte des talons hauts.

Lorsque je n’ai pas de chaussures

je vais au marché et j’en achète.

Lorsque quelqu’un n’a pas de nez

il achète de la cire.

Lorsqu’un peuple n’a pas d’âme

il va chez le voisin

et paie pour en acquérir une,

lui, privé d’âme !

 

Vélimir Khlebnikov, Choix de poèmes,

traduction Luda Schnitzer, Pierre Jean Oswald,

1967, p. 63.

19/02/2020

Ludovic Degroote, Si décousu

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   15-7-93

 

   on n’écrit pas

   pour sa peine

 mais pour la lente

défiguration du temps

 

ce qu’il y a d’intact

   dans le visage

n’a pas laissé de traces

 

  on dure

d’un souvenir

  à l’autre

 

   perdre juste

   la mémoire

qui nous entoure

 

sur du gris

le gris passe mal

 

on se fonde

sur ce qui manque

 

une peine

   à peine

recommencée

 

Ludovic Degroote, Si décousu,

éditions Unes, 2019, p. 67-68.

13/05/2018

Laure, Écrits retrouvés

 

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                  Lettre à Georges Bataille non envoyée

 

   Quand je te dis que nous nous retrouverons… dans l’arc-en-ciel c’est pour moi aussi brûlant que le feu.

  Georges comprends-tu : toi et moi nous ne pouvons vivre vraiment que de ce qui exalte et si tout à coup dans la vie quotidienne  il semble qu’il y ait même pas un heurt mais un manque nous nous en voulons trop et cependant ce trop est quand nous nous retrouvons nus et vrais.

   Je t’aime de me rappeler à chaque instant toute ma vie et ce qu’elle doit exprimer. La solitude est retombée sur moi rugueuse, glacée mais je m’y retrempe — Aide-moi à exprimer certaines choses devant toi pour que nous nous comprenions mieux Georges — quoi qu’il y ait rien ne doit nous diminuer ni ne nous diminuera jamais l’un par l’autre. Cela il ne le faut pas. Est-ce une illusion terrible (tu sais : ces retombements atroces chez les meilleurs) de penser, de vouloirainsi et puis de se trouver aux prises avec de véritables… mesquineries comme ça. […]

 

Laure, Écrits retrouvés, Les cahiers des brisants, 1957, p. 93-94.