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07/12/2016

Jean Genet, Un chant d'amour

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                       Un chant d’amour

 

Berger descends du ciel où dorment tes brebis !

(Au chevet d’un berger bel Hiver je te livre)

Sous mon haleine encor si ton sexe est de givre

Aurore le défait de ce fragile habit.

 

Est-il question d’aimer au lever du soleil ?

Leurs chants dorment encor dans le gosier des pâtres.

Écartons nos rideaux sur ce décor de marbre ;

Ton visage ahuri saupoudré de sommeil.

 

Ô ta grâce m’accable et je tourne de l’œil

Beau navire habillé pour la noce des Îles

Et du soir. Haute vergue ! Insulte difficile

Ô mon continent noir ma robe de grand deuil !

 

[…]

 

Jean Genet, Le condamné à mort, l’enfant criminel,

[…], L’Arbalète, 1966, p. 81.

30/11/2016

Jacques Lèbre, L'immensité du ciel

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                       Visages

 

Quelles peaux laissons-nous derrière nous

qui gardent encore notre forme exacte

en des époques révolues

dans une ressemblance un peu décalée ?

 

À dix-sept ans de distance dans le temps

et à cent cinquante kilomètres de distance

quelque chose d’un moment ricoche sur l’autre.

 

Visages, pourquoi remontez-vous parfois

du fond de toutes les années mortes ?

Est-ce la vie qui de nouveau vous décompose

quand le présent ne décèle jamais la cause

de votre soudaine et troublante apparition ?

 

Jacques Lèbre, L’immensité du ciel, La Nouvelle

Escampette, 2016, p. 21.

 

22/11/2016

Jean-Luc Parant, Le miroir aveugle

                     Jean-Luc Prant, la miroir aveugle, visage, mensonge, toucher, corps, livre

                                   De la nuit et du vide

 

   On m’a menti, il n’y a rien sous mes doigts, je ne sens rien de mon visage dans le miroir, comme je ne sens rien sous mes doigts quand j’ouvre un livre et que je touche ce qui est écrit.

   On m’a menti, moi qui suis d’abord un corps, avec ma tête que je touche sans cesse parce que je ne la vois pas, ma peau à travers de laquelle je respire, mes poils qui me protègent, mes cheveux, mon sexe qui me reproduit, mes mains et mes bras qui me dirigent dans la nuit, mes jambes et mes pieds qui me déplacent sur la terre dans le jour. Moi qui suis ce que je suis, avec une matière et une odeur avec lesquelles je suis né, avec lesquelles je disparaitrai.

   On m’a menti, on m’a dit que c’était moi dans la glace, que j’étais cette image intouchable, ce reflet insaisissable que l’on ne peut pas atteindre, moi qui suis si proche de moi, qui me touche qui me sens, moi qui suis si fragile, qui ai mal au moindre choc, qui saigne à la moindre blessure, qui m’abîme tous les jours, qui vieillis et qui un jour serai mort et qui ne serai plus que quelques os, un petit tas de poussière sur la terre.

 

Jean-Luc Parant, Le miroir aveugle, Argol, 2016, p. 147-148.

16/09/2016

Eugène Savitzkaya, Rules of solitude

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Toucher son propre visage équivaut à plonger la main dans l’eau trouble ou à déranger la forme d’un nuage de fumée. Les enfants ont leur visage d’or comme une tache de soleil au milieu de la mer, hors de portée.

 

Touching your own face is tantamount to plonging your hand into muddy water or disturbing the shape of a puff of smoke. Children wear their golden faces like a splash of sun in the middle of the sea, far from any port.

 

Eugène Savitzkaya, Rules of solitude, traduction en anglais Gian Lombardo, Quale Press, 1997, np.

27/10/2015

Peter Huchel (1903-1980), La neuvième heure

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         Le chat

 

Matin d’hiver,

encore sombre dans la congère du rêve,

éparpillés dans la grange,

des épis de maïs réduits au squelette,

un visage de perles d’eau

s’évanouit derrière la lucarne

 

Ce que le chat

dissimule derrière son regard,

le givre, le sel des sorcières,

ne le sait pas.

 

Peter Huchel, La neuvième heure, traduit de

l’allemand par Maryse Jacob et Arnaud Villani,

Atelier La Feugraie, 2013, p. 59.

26/07/2015

Georges Perros, Papier collés, notes

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    La terre est belle. Le visage de l’homme parfois proche de l’idée qu’on se fait d’un Dieu à notre image. Et malgré tout ce bonheur qui nous entoure, qui nous fait signe, quelqu’un, un jour, a osé parler du courage de vivre. Quelqu’un, un jour, s’est suicidé. Les plus grandes têtes ont répondu non au questionnaire suprême. Pas un homme, peut-être, depuis toujours, pas un homme prêt à recommencer sa vie. La mort effraie, et presque tous les hommes s’en vont sans cris, sans larmes, sans terreur. Tous les charmes que dispensent l’écoulement des jours, et les jeux proposés ici-bas, rien ne résiste à l’ennui, à la fatigue, à l’usure de notre sensibilité. Le temps d’aménager en hâte notre intérieur, et déjà la cloche sonne. Il faut partir. Tout laisser, tout perdre, cette femme que l’on a aimée, cette nature qui nous a bouleversé. Comment ne pas comprendre les milliers d’à quoi bon qui éclatent et s’évaporent dans l’indifférence de l’espace. À quel degré de chaleur, de souffrance, de déchirement, l’à quoi bon lui-même s’annule-t-il, laissant son homme sans autre ressource que celle de vivre sous ses ruines et ne plus trouver force que dans sa respiration, dans sa présence même ?

 

Georges Perros, Papiers collés, Le Chemin, Gallimard, 1960, p. 28-29.

02/06/2015

Miguel Angel Asturias, Trois des quatre soleils

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Des carrefours. Chemins en croix. Bras de l’horizon. La rencontre. La séparation. La captivité. La masse royale. La controverse. Le sang. Le fracas. Les pieds sur les marches vers les profondeurs. Des glaçons d’ombre. Une stratification d’obscurités, glacées, congelées, que ma présence met en mouvement. Torches impossibles. La sensation tactile. Les doigts. Une suite d’arcades, de colonnes, de murs. Les doigts élastiques, fous, tambourinant sur des solitudes, à la recherche des tombes. Descendre. S’allonger de la taille jusqu’aux pieds. Des jambes interminables foulant des escaliers sans fin. Des marches. Des alignements de marches. Des pieds. Un pied pour chaque marche. Tous mes pieds usés par cette descente. Mes pieds et mes divinations. Je répète des divinations pour trouver mon visage. C’est lui que je cherche, que je suis en train de chercher. Mon visage, blanche ossature. Dois-je attendre ? Ou poursuivre ? Mais où me diriger ? S’il existe neuf fosses dans ce monde des disparus, dans quelle fosse vais-je trouver mon visage d’os blanc ? Je ne vois pas...

 

Miguel Angel Asturias, Trois des quatre soleils, Les Sentiers de la création, Albert Skira, 1971, p. 91-92.

14/02/2015

Tristan Tzara, Où boivent les loups

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à  l’horizon planent toujours les oraisons

de vie en désordre

le liège est cerf le cerf est feuille

un matin à bijoux une robe de mains

palpitantes qui fuient la terre

 

un visage qui se hâte à la nuit

les soucis au rivage

une lumière qui erre sans se connaître

 

une femme qui l’habite à regret

la neige la couvre sur les cimes interdites

une seule ombre la trouve

une seule qui la cherche qui ne doute

de la naissance des ombres

 

Tristan Tzara, Où boivent les loups, dans Œuvres

complètes, II, édition établie, présentée et annotée par

Henri Béhar, Flammarion, 1977, p. 245.

 

 

04/02/2015

Pierre Alferi, Sentimentale journée

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UN NU

 

                         La chose

                             La toucher

                             Bousculer

                             La forme

 

Pour s'assurer qu'existe

La chose là

Chose — capitale —

Vue tous les jours

Toujours dans un délire

Conscience du temps réduite

À la pointe de flèche

Espace réduit

À l'angle

Cul d'un sac très froncé

La toucher

Prudemment peur

D'aviver sa

Nudité douloureuse de la

Froisser de la

Défroisser mais tellement

Excitable mollusque

Aveugle quand

Se rétracte s'étale

Qu'on veut aussi bousculer

La forme

Extraordinairement profuse

Petite

D'une crête

Qui s'efface passe

Dans une autre et lui passe

L'énergie de pliure

Par ondes

Rouges holà oh

Mon Dieu embrasser

Le visage sans yeux l'œil

Sans visage ?

 

Pierre Alferi, Sentimentale journée, P. O. L.,

1997, p. 45-46.

10/09/2014

Jean-Louis Giovannoni, Les mots sont des vêtements endormis : recension

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   Les mots sont des vêtements endormis a été publié en 1983 par Jean-Pierre Sintive, cette réédition est augmentée de fragments qu'avait conservés le fondateur des éditions Unes, d'inédits et d'une postface de l'auteur : on y apprend notamment comment était né cet ensemble. D'autres livres anciens ont été repris (1), le manuscrit des Voyages à Saint-Maur, longtemps resté dans un tiroir, a été édité cette année (chez Champ Vallon), et le lecteur peut maintenant suivre le parcours de ce poète qui s'est efforcé de restituer ce qu'est « la stupeur et l'incompréhension de vivre », comme l'écrit François Heusbourg dans sa préface.

 

   On pourrait lire bien des poèmes comme des aphorismes en les isolant, ainsi : « Nos mots ne sont que les préliminaires du silence », mais la concision ne vise pas à proposer une vérité et cet énoncé est lié à d'autres, tous se répondent et il n'y a rien de discontinu dans ce livre très homogène. La construction repose surtout sur la reprise de quelques motifs : le corps et sa difficulté à se situer dans l'espace. L'une des issues pour vivre son corps est de fuir dans le sommeil, et le rêve ; la relation du corps au réel est alors annulée, mais le réveil chaque fois rappelle la possibilité de la disparition définitive ; les mots qui, plus ou moins directement, évoquent la mort sont en effet abondants : chute, être emporté, se taire, s'effacer, mourir, sortie, absence, froid, silence, partir, vide, se tuer, etc. 

   Dans ce livre comme ceux qui suivent, le corps est un élément central, lié à l'absence, au vide («On s'agite parce que le vide nous entoure.) », et l'écriture tourne autour de ce qui apparaît énigme, la place du corps dans le monde des choses qui, lui, reste opaque et muet comme les pierres. Comme si le monde n'avait pas de présence suffisante, qu'il pouvait d'un seul coup s'annuler, d'où le sentiment  que les choses autour de soi peuvent s'évanouir : « C'est terrifiant de penser que l'on peut emporter le monde, juste en fermant les yeux. » et, ailleurs, « Bouge un tant soit peu, / et c'est un monde qui s'efface. » Rien ne peut être dit du corps, comme s'il était inatteignable, comme le visage, ce que figure l'image du mur comme miroir, qui ne renvoie rien. Il semble toujours opaque au point qu'il est difficile de se reconnaître « dans les reflets des vitrines ». Corps sans forme, que seuls les vêtements protègent, comme un sac, et quand la mort vient il se vide, retournant à quelque chose d'innommable, d'indistinct ; les mots ne suffisent pas pour le faire vivre, seulement aptes à décrire l'effondrement, « Toujours au bord de l'effondrement. . Au bord. ». Visage qui n'est là que « pour ne pas effrayer les autres. Pour cacher le trou dans lequel on vit » ; le vide toujours présent, autour de soi et en soi : Giovannoni écrit sa fascination devant un tableau de Nicolas de Staël, Les toits, qui donne à voir « le bord du vide ». Que reste-t-il ? Une extrême difficulté à se situer dans l'espace du dehors, autant qu'à vivre le dedans, dans l'isolement, sans pouvoir faire un mouvement suffisant vers l'autre, « Les mots n'ouvrent pas assez ».

   Au fil du temps Giovannoni a laissé la forme très brève des premiers textes, le travail de la langue s'est transformé, la prose alterne avec le poème, mais c'est toujours le corps et son espace qui demeurent au centre de tous les écrits et la certitude que l'« On vit toujours à côté ». Dans un texte récent, "Ce que l'immobile tient pour geste", poème écrit dans le livre consacré au peintre Pastor (Les apparitions de la matière, éditions Unes, 2013), est fortement marquée l'indécision quant à ce que peut être le moi : « On croit vivre toute sa vie avec soi-même / Alors que chacun de nos gestes / Est la demeure de ce qui ne peut être atteint. » C'est une indécision analogue que figurait le corps divisé ("Jean" et "Louis") dans S'emparer (2007). Est-il un lieu à trouver ? pour répondre on retourne au "peut-être" de Ce lieu que les pierres regardent : « Ce vide / que tu sens au fond de toi / peut-être / est-ce là / ton seul lieu ».

 

Jean-Louis Giovannoni, Les mots sont des vêtements endormis, éditions Unes, 2014.

 

 

______________________________

1. Dans Ce lieu que les pierres regardent, éditions Lettres vives, 2009.

09/08/2014

Henri Cole, Terre médiane (traduction Claire Malroux)

 

 

                Henri Cole, Terre médiane (traduction Claire Malroux),masque,

                 

                                           Masque

 

          J’ai attaché un masque en papier sur mon visage,

          mes lèvres presque au-dedans de sa petite bouche rouge.

          Tournant la tête à gauche, à droite,

          je ressemblais à quelqu’un que j’avais connu, ou été,

          aux dents blanches bien droites, aux boucles juvéniles.

          Ma vie ordinaire avait suivi son cours attendu,

          comme une flèche d’argent se plante dans un cyprès.

          Reste à ta place ou tu t’en repentiras, ai-je murmuré

          au miroir. Pour réussir, j’avais fait des choses

         que je détestais ; pour être aimé, j’avais rivalisé

                      de promiscuité ;

mon essence semblait se réduire seulement à cela.

Puis j’ai vu mes iris noisette monter à la surface,

          comme des œufs accrochés à une plante aquatique,

          lisses et clairs, dans un visage vide, un visage d’étang.

 

                              Mask

 

I tied a paper mask into my face,

my lips almost Inside its small red mouth.

Turning my head to the left, to the right,

I looked like someone I once knew, or was,

with straight white teeth and boyish bangs.

My ordinary life had come as far as it would,

like a silver arrow hitting cypress.

Know  your place or you’ll rue it, I sighed

to the mirror. To succeed, I’d done things

I hated ; to be loved, I’d competed promiscuously :

my essence seemed to boil down to only this.

Then I saw ma own hazed irises float up,

like eggs clinging to a water plant,

 

seamless and clear, in an empty pondlike face.

 

Henri Cole, Terre médiane, édition bilingue, traduction de l’anglais (États-Unis) et présentation par Claire Malroux, Le Bruit du Temps, 2011, p. 86-87.

25/04/2014

Paul Louis Rossi, Cose naturali, Natures inanimées

                                 Paul Louis Rossi, Cose naturali, Natures inanimées, masque, visage, humain, regard

                             Vie tranquille

 

   Sur une des parois de l'ensemble magdalénien de Marsoulas on aperçoit un visage humain de face : le nez de travers et les yeux presque ronds. Ainsi représenté il ressemble à celui que nous avions autrefois rencontré dans les couloirs du collège sur l'emplacement écaillé d'un ancien lavabo qui figurait à notre avis le visage d'un homme : le nez, les yeux, le rictus de la bouche. Et nous allions chaque jour lui rendre visite comme un rite que l'on accomplit à ces âges.

 

   Pour moi le masque humain sera toujours un sujet d'étonnement. Quand j'y songe, j'ai de tous temps eu cette sorte de passion pour les masques : masques amers de la comédie, orbites creuses des masques africains, masques à transformation de la Colombie Britannique, dents pointues de ceux du théâtre de Java, regard aveugle des géants de l'île de Pâques Aussi loin que l'on découvre le geste de l'homme, il a tenté de se représenter parmi les outils, les dieux et les animaux familiers. Et ces masques, je ne les observe pas seulement, ce sont eux, souvent, qui viennent m'épier à leur tout, ils m'interrogent et me surveillent, me regardent autant que je les regarde.

[...]

 

        Paul Louis Rossi, Cose naturali, Natures inanimées,

éditions Unes, 1991, p. 7-8.

10/02/2014

Milo De Angelis, Thème de l'adieu, préface de Jacques Demarcq

Les éditions NOUS ont quinze ans

 

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Pas de gloria in excelsis, mais un fouillis

nerveux, un grincer de sons et les yeux

fixes en bas, ce rien

qui garde froide la pensée, ce tremblement

d'ampoules et d'aiguilles, quelque chose

qui s'enferme dans son cri. Le visage

touchait déjà sa terre, voyait l'écoulement

pâle des phénomènes

                                  oh alors, disais-je, dors

 

et pourtant j'étais avec toi

et tu n'étais pas avec moi

 

                                     *

 

Dans l'infranchissable minute reviennent tous

les jardins de notre vie,, toutes les ombres

que nous avons piétinées, les feuilles,

les saluts, souffles en sursauts, étés, phrases

comme enterrées, enterrements

qui semblent avoir eu lieu.

 

Milo De Angelis, Thème de l'adieu, traduit de l'italien par Patrizia Atzei et Benoît Casas, Préface de Jacques Demarcq, 2010, p. 37, 76.

 

 

11/10/2013

Pierre Reverdy, La Lucarne ovale

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                  Les vides du printemps

 

En passant une seule fois devant ce trou j'ai penché mon front

Qui est là

Quel chemin est venu finir à cet endroit

Quelle vie arrêtée

Que je ne connais pas

 

Au coin les arbres tremblent

Le vent timide passe

L'eau se ride sans bruit

Et quelqu'un vient le long du mur

On le poursuit

 

J'ai couru comme un fou et je me suis perdu

Les rues désertes tournent

Les maisons sont fermées

Je ne peux plus sortir

Et personne pourtant ne m'avait enfermé

 

J'ai passé des ponts et des couloirs

Sur les quais la poussière m'aveugle

Plus loin le silence trop grand me fit peur

Et bientôt je cherchais à qui je pourrais demander mon chemin

 

On riait

Mais personne ne voulait comprendre mon malheur

Peu à peu je m'habituais ainsi à marcher seul

Sans savoir où j'allais

 

Ne voulant pas savoir

Et quand je me trompais

Un chemin plus nouveau devant moi s'éclairait

 

Puis le trou s'est rouvert

Toujours le même

Toujours aussi transparent Et toujours aussi clair

 

Autrefois j'avais regardé ce miroir vide et n'y avais rien vu

Du visage oublié à présent reconnu

 

Pierre Reverdy, La Lucarne ovale, dans Œuvres complètes, tome I,

édition préparée, présentée et annotée par Pierre-Alain Hubert,

 

"Mille et une pages", Flammarion, 2010, p. 80-81.

21/12/2012

Chloé Bressan, le chant de le femme d'argile

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Par un scintillant un rayon de jour brodé sur le temps, chiffre un, étoilé, recommence janvier. Grise étendue de ciel, grisance paradis éternel par un scintillant un rayon de jour brodé sur le temps, chiffre deux, glissant sourire parallèle par un scintillant un rayon de jour brodé sur le temps, chiffre un, étoilé, recommence par un scintillant, un rayon de jour brodé par un scintillant un ...

 

À son rêve

elle oppose un sourire

muet

 

des lézardes le long de l'échine

elle est

 

immobile

 

vision opaline, regard pierreux

sans refuge

son beau visage mais de peur

effraie le passant qui

 

                    de regard

 

s'arcboute

se rétracte

s'abîme au soir transi

 

[...]

 

Chloé Bressan, le chant de le femme d'argile, éditions

isabelle sauvage, 2012, p. 7-8.