11/10/2013
Pierre Reverdy, La Lucarne ovale
Les vides du printemps
En passant une seule fois devant ce trou j'ai penché mon front
Qui est là
Quel chemin est venu finir à cet endroit
Quelle vie arrêtée
Que je ne connais pas
Au coin les arbres tremblent
Le vent timide passe
L'eau se ride sans bruit
Et quelqu'un vient le long du mur
On le poursuit
J'ai couru comme un fou et je me suis perdu
Les rues désertes tournent
Les maisons sont fermées
Je ne peux plus sortir
Et personne pourtant ne m'avait enfermé
J'ai passé des ponts et des couloirs
Sur les quais la poussière m'aveugle
Plus loin le silence trop grand me fit peur
Et bientôt je cherchais à qui je pourrais demander mon chemin
On riait
Mais personne ne voulait comprendre mon malheur
Peu à peu je m'habituais ainsi à marcher seul
Sans savoir où j'allais
Ne voulant pas savoir
Et quand je me trompais
Un chemin plus nouveau devant moi s'éclairait
Puis le trou s'est rouvert
Toujours le même
Toujours aussi transparent Et toujours aussi clair
Autrefois j'avais regardé ce miroir vide et n'y avais rien vu
Du visage oublié à présent reconnu
Pierre Reverdy, La Lucarne ovale, dans Œuvres complètes, tome I,
édition préparée, présentée et annotée par Pierre-Alain Hubert,
"Mille et une pages", Flammarion, 2010, p. 80-81.
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