29/05/2014
Bertolt Brecht, Du pauvre B. B.
Du pauvre B. B.
III
Je suis gentil avec les gens. Je fais ce qu'ils font,
Je porte un chapeau melon. Je dis :
« Ce sont des animaux à l'odeur tout à fait spéciale. »
Et je dis : « Ça ne fait rien, j'en suis un, moi aussi. »
V
Le soir je réunis chez moi quelques hommes,
Nous nous adressons les uns aux autres en nous donnant
du "gentleman". Les pieds sur ma table ils disent : « Pour nous
Les choses vont aller mieux. » Et jamais je ne demande : « Quand ? »
VI
Vers le matin, dans le petit jour gris les sapins pissent
Et leur vermine, les oiseaux, commence à crier.
C'est l'heure où moi, en ville, je vide mon verre, jette
Mon mégot et m'endors, inquiet.
VIII
De ces villes restera : celui qui les traversait, le vent !
Sa maison réjouit le mangeur : il la vide. Nous sommes,
Nous le savons, des gens de passage
Et ce qui nous suivra : rien qui vaille qu'on le nomme.
Bertolt Brecht, Du pauvre B. B., traduction Maurice Regnaut,
dans Europe, "Bertolt Brecht", août-septembre 2000, p. 8-9.
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25/04/2014
Paul Louis Rossi, Cose naturali, Natures inanimées
Vie tranquille
Sur une des parois de l'ensemble magdalénien de Marsoulas on aperçoit un visage humain de face : le nez de travers et les yeux presque ronds. Ainsi représenté il ressemble à celui que nous avions autrefois rencontré dans les couloirs du collège sur l'emplacement écaillé d'un ancien lavabo qui figurait à notre avis le visage d'un homme : le nez, les yeux, le rictus de la bouche. Et nous allions chaque jour lui rendre visite comme un rite que l'on accomplit à ces âges.
Pour moi le masque humain sera toujours un sujet d'étonnement. Quand j'y songe, j'ai de tous temps eu cette sorte de passion pour les masques : masques amers de la comédie, orbites creuses des masques africains, masques à transformation de la Colombie Britannique, dents pointues de ceux du théâtre de Java, regard aveugle des géants de l'île de Pâques Aussi loin que l'on découvre le geste de l'homme, il a tenté de se représenter parmi les outils, les dieux et les animaux familiers. Et ces masques, je ne les observe pas seulement, ce sont eux, souvent, qui viennent m'épier à leur tout, ils m'interrogent et me surveillent, me regardent autant que je les regarde.
[...]
Paul Louis Rossi, Cose naturali, Natures inanimées,
éditions Unes, 1991, p. 7-8.
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