11/04/2024
Monique Laederach, Mots sur le bord de l'être
Quand parlerai-je encore avec amour
alors qu’il flotte comme une sorte de guirlande sucrée
entre la peau et la veille ?
Langue à moitié de musée, striée de rêves obsolètes —
et c’est vrai son piédestal même
n’était qu’erreur et poudre
aux yeux !
Ah ! Laisse ! Oublie !
L’ancien amour non plus
ne réchaufferait mes poignets.
Et maintenant je ferme les yeux
sur son nom,
j’attends seulement
la douceur d’une peau,
d’un souffle,
d’un appel tiède
sur ma nuit.
Et mon noyau resserré
ferait fleur à la bouche
qui me l’offre.
Monique Laederach, Mots sur le bord de l’être, dans
La Revue de belles-lettres, 2023-2, p. 57.
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28/05/2021
Gabrielle Althen, La fête invisible
Un souffle a déplacé la limite du foyer Rimbaud
La tentation n’est guère ordinaire pour beaucoup de savoir que le monde est une chance. Je reconnais à notre décharge commune que les couleurs alentour rentaient plutôt leurs griffes. Elles s’étaient assoupies et, sans être mièvres pour autant, tiraient sur une sorte de gris malléable. J’avais déjà couché l’attelage du vent et décidai de suivre mon désir. Il faut savoir aussi que les grandes pentes décisives commencent à nos pieds. De fait, par-dessus ce précipice, une grande boule de joie ébouriffante se présentait. C’était une offre. C’était l’offre. « Montez vite, je vous prie, montez vite », ai-je eu le temps de crier à ceux qui préféraient l’ennui, mais ils aimaient mieux demeurer des badauds. La joie laissait s’échapper l’absolu de ses flammèches et le ciel pendre ses mains languides. Bientôt fut passé ce char de lumière et de vent. On ne vit plus qu’un fût de bois, crayon ou pilier de cathédrale, dressé tout seul, juste à côté. Il semblait toutefois fiable comme un ange et je compris qu’il avait servi de tuteur à mon désir. L’océan de la création soulevait ses montagnes, elles aussi malléables, et la vie, à tous, faisait signe d’entrer.
Gabrielle Althen, La fête invisible, Gallimard, 2021, p. 86.
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