28/05/2021
Gabrielle Althen, La fête invisible
Un souffle a déplacé la limite du foyer Rimbaud
La tentation n’est guère ordinaire pour beaucoup de savoir que le monde est une chance. Je reconnais à notre décharge commune que les couleurs alentour rentaient plutôt leurs griffes. Elles s’étaient assoupies et, sans être mièvres pour autant, tiraient sur une sorte de gris malléable. J’avais déjà couché l’attelage du vent et décidai de suivre mon désir. Il faut savoir aussi que les grandes pentes décisives commencent à nos pieds. De fait, par-dessus ce précipice, une grande boule de joie ébouriffante se présentait. C’était une offre. C’était l’offre. « Montez vite, je vous prie, montez vite », ai-je eu le temps de crier à ceux qui préféraient l’ennui, mais ils aimaient mieux demeurer des badauds. La joie laissait s’échapper l’absolu de ses flammèches et le ciel pendre ses mains languides. Bientôt fut passé ce char de lumière et de vent. On ne vit plus qu’un fût de bois, crayon ou pilier de cathédrale, dressé tout seul, juste à côté. Il semblait toutefois fiable comme un ange et je compris qu’il avait servi de tuteur à mon désir. L’océan de la création soulevait ses montagnes, elles aussi malléables, et la vie, à tous, faisait signe d’entrer.
Gabrielle Althen, La fête invisible, Gallimard, 2021, p. 86.
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27/05/2021
Gabrielle Althen, La fête invisible
Dans le jardin qui enlaidit
La chose déjà fanée se pose et se repose
Chaleur avec amour
En qui jamais nous n’avons cru assez
Te dévisagent
L’été a dévasté les couleurs
La moelle en est blessée
Aller suffit
Office de vie
Boire avive la flèche de la soif !
Gabrielle Althen, La fête invisible,
Gallimard, 2021, p. 27.
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08/08/2017
Gabrielle Althen, La vie saxifrage
Chant du vide
Le jour range ses ailes. On ne les verra plus. La beauté était venue pourtant, mais si légère qu’on l’avait prise pour une hésitation. Évasives demeurent les longues stries de clarté qui rayent encore ce fond de monde, où quelqu’un pleure par-là qui fait bien de pleurer.
Gabrielle Althen, Vie saxifrage, Al Manar, 2012, p. 17.
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02/12/2013
Gabrielle Althen, "Réjouissance", "La limite et l'abîme"
Réjouissance
Prémonition d'oiseau fort
La cascade cherche l'azur
Comme s'il habitait parmi nous
Sous la pluie verte il se trouva
Quelques vieillards preux et vivants
Pour soulever le rideau de ces mots
Tout en riant ces bons savants
Une grosse mouche active
Exhibait sans penser
Le moteur de son vivre
Et le temps continua sans plus en avoir l'air
Amen dit la vie
Sans qu'on sût qui parlait.
*
La limite et l'abîme
Mer transparente mer opaque
On ne sait pas de quel côté seront les pleurs
Peau de reptile ou verre nu
On ne sait de quel côté viendra la peur
De part et d'autre
Les mots sont retombés
Qui jonchent le passé
Et la mer qui demeure ne s'est pas retournée
Gabrielle Althen, Poèmes inédits", dans NU(e), n° 53,
2013, 234 p., p. 37 et 40.
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19/12/2012
Gabrielle Althen, Vie saxifrage
Sur la place
Le jour commençait une rose
La rose était transparente et amène
La patience ne serait plus nécessaire
Les routes auraient des jeux ardents
Tu serais défeuillé de tes hésitations
Nu contre la paroi de verre noir de ton vœu
L'orient en est à blanc et la simplicité totale
*
Mais il y eut des jours de pleurs sans indigence
Des vagues émanaient du profond du mystère
En soutenant le gris de la lumière
Les enfants interdits qui cessaient de jouer
Penchés en rond sur le moment
Oubliaient en riant de poser leurs questions
Et l'on se chérissait dans les anneaux du paysage
Gabrielle Althen, Vie saxifrage, Al Manar / Alain
Gorius, 2012, p. 47 et 31.
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