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03/09/2015

Pascal Quignard, Petits traités, V

                                      Pascal Quignard 2 © E. da Sabbia.JPG

   Photo E. de Sabbia

 

Le livre est un petit parallélépipède où nous serrons des mots que nous emplissons de désir. Ces mots sont agencés en sorte qu’ils évoquent des choses nées de rien et qui ne portent aucune ombre. C’est sur fond de néant une énigme autour de laquelle nous tournons immobiles.

 

   Toute lecture est une chimère, un mixte de soi et d’autre, une activité de scènes à demi souvenues et de vieux sons guettés. Il joue avec les chaînes d’or du langage.

   Il romance sa vie avec ce qu’il lit. Il emploie son corps à ce qui n’est pas. Il argument avec ce qui argumente. Il rêve dans l’abandon. Il aime et, plus simplement qu’il aime, il hait.

 

Pascal Quignard, Petits traités, V, Maeght, 1980, p. 51 et 135.

25/01/2015

Antoine Emaz, De peu

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Bleu très bleu

 

dans le ciel sans fin d'œil

toute histoire engouffrée

rien

quasi lisse vaste couleur quelle

espèce de bleu

sans honte

tant il est sans mémoire

 

* * *

 

ciel plein ciel

sans anges

 

on rêve leurs battements d'ailes

leurs bruits de mouettes folles

d'envol

 

alors qu'on veut seulement des mots

pour ici

sous l'aplat de l'été 

 

* * *

 

comme vivant sans mort

face levée face

au vide du bleu

distendu

couleur d'air

 

jusqu'à la nuit qui croûte

 

* * *

 

soleil fixe

 

dehors s'efface on s'efface

 

rien que de la lumière

et plus personne

pour voir

 

limite basse d'être là

 

l'été mure

 

* * *

 

tristesse sans cause

venue comme du bleu du mot trop court

pour trop de ciel

 

pas sûr que ce soit si simple

 

cela n'explique pas

cet abattis de fatigue

 

pas seulement le bleu

 

ce qui a lieu dessous

aussi

 

 

Antoine Emaz, "Bleu très bleu"

dans De Peu, Tarabuste, 2014, p. 269-270.

 

25/10/2014

Paul Auster, Dans la tourmente, dans Disparitions

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En mémoire de moi

 

Simplement m'être arrêté.

 

Comme si je pouvais commencer

là où ma voix s'est arrêtée, moi-même

le son d'un mot

 

que je ne peux prononcer.

 

Tant de silence

à faire naître

dans cette chair pensive, battement

de tambour des mots

au-dedans, tant de mots

 

perdus dans le vaste monde

au-dedans de moi, et de ce fait avoir compris

que malgré moi

 

je suis là.

 

Comme si c'était le monde.

 

Paul Auster, Dans la tourmente, dans Disparitions, traduit

par Danièle Robert, Babel, 2008 (éditions Unes/ActesSud, 1994), p. 158.

11/10/2014

Alain Veinstein, Voix seule

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                     Aujourd'hui

 

Encore une approche manquée...

 

Trop de mots, décidément,

trop de mots tonitruants.

 

La terre, jusqu'à nouvel ordre,

n'a rien d'un théâtre

où se déploie le merveilleux.

Seul le froid s'invite dans l'air,

s'infiltre, se resserre,

épaissit le silence.

Il m'accompagne depuis l'enfance

ce silence glacé

dans le calme accablant

du noir.

 

                        Aujourd'hui

 

Voix

en grandes capitales rouges,

 

oubliée et remontée

de l'épaisseur de la nuit,

restée à l'abri de la mort.

 

Dans le recoin où je vis,

je la rejoue de mémoire,

elle résiste,

ne se laisse pas faire,

 

chante, oui,

de ne pas chanter.

 

À chaque instant

je suis sur le point de la perdre,

 

à chaque instant

tout peut être perdu.

 

Alain Veinstein, Voix seule, Seuil, 2011, p. 139, 175.

26/09/2014

Esther Tellermann, Carnets à bruire

          

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Vous aviez déposé

          l'encre

dans les ornières

mots     sous les

nappes de charbon

font affleurer

          l'incise

vents sous les

entailles ouvrent

          les signes

avec vous nous

rêvions les théâtres

          qui

assemblent les

          paumes

là où s'ouvrent

les meurtrissures

écorces dans

l'air émondé

 

                 *

 

Au bout des routes

dans l'instant

          qui bouge

comme au travers

d'un horizon

défait     il vint

          placer

le mot     rature

           la distance

terres furent les

fontaines bleues

          plues

sous la peau

 

Esther Tellermann, Carnets à

bruire, La lettre volée, 2014,

p. 28, 56.

25/08/2014

James Sacré, On cherche. On se demande

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Entre les vergers de Capitol Reef

(Bientôt la couleur des abricots va mûrir)

Et les dessins d'il y a si longs siècles

Sur les parois de roche ocre et rouge, pas loin

Va le bruit courant de la rivière Frémont.

 

C'est beaucoup d'histoire, mêlée au moment présent,

Qui font de ce lieu vert et frémissant d'eau

Un jardin paradis dans un désert de pierre

Lequel bouge si lentement depuis des millénaires.

Et mon poème est minuscule paradis de mots

Qui savent : écrits, les voilà morts.

 

                                   *

 

Petits objets qu'on achète ou qu'on ramasse

Ce pourrait être un caillou, ici à Capitol Reef, un caillou noir                                    [volcanique

Dans un éboulis, et tout le grand théâtre de roches rouges autour,

Le vert lumineux des jeunes feuillages de peupliers, les dessins

Que les anciens ont laissés sur la plaque de grès tendre, parfois

Tout un pan de pierre tombe et c'est

Quelques mille ans de vie qui s'effondrent :

D'autres cailloux qu'on pourra ramasser, je pense

À des poèmes de Jean Follain dans lesquels l'éternité s'ouvre

À partir de rien, le bruit d'une épingle

Sur un comptoir d'épicerie. Le bruit du monde

Ou le bruit d'un mot. Poème effondré va-t-il pas se reprendre

À partir d'un rien juste à peine donné

Dans le clair d'une après-midi à Capitol Reef ?

Ce caillou qui n'était

Qu'un rêve autour d'un mot.

 

James Sacré, On cherche. On se demande, La Porte, 2014, np.

21/08/2014

Édith Azam, Jean-Christophe Bellevaux, Bel échec

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les mains se referment

étreignent le vide

voudraient le saisir

l'empoigner pour de bon

en briser la frontière mais...

on ne le sait que trop :

le vide

n'épargne personne

c'est à peine c'est-à-dire

si la peine si le dire

si les roses et les choses

tout s'emmêle et se noue :

les battements du cœur et les mots indigents,

tout va, la pluie, l'absence, tout va bien

tout va bien

tout s'en va

tout est perdu :

très bien...

mais que l'échec au moins

on le tente au plus juste

oui

que l'échec humain soit :

notre plus bel échec.

 

Édith Azam, Jean-Christophe Bellevaux, Bel échec, images d'Élice Meng, Dernier Télégramme, 2014, p. 25.

10/08/2014

Guillevic, Art poétique

Guillevic, Art poétique, mot, rêve, mémoire, vivre, miroir

   Qu’est-ce qu’il t’arrive ?

   Il t’arrive des mots

   Des lambeaux de phrase.

Laisse-toi causer. Écoute-toi

Et fouille, va plus profond.

Regarde au verso des mots

Démêle cet écheveau.

Rêve à travers toi,

À travers tes années

Vécues et à vivre.

 

Ce que je crois savoir,

Ce que je n’ai pas en mémoire,

C’est le plus souvent,

Ce que j’écris dans mes poèmes.

 

Comme certaines musiques

Le poème fait chanter le silence,

Amène jusqu’à toucher

Un autre silence,

Encore plus silence.

 

Dans le poème

On peut lire

Le monde comme il apparaît

Au premier regard.

Mais le poème

Est un miroir

Qui offre d’entrer

Dans le reflet

Pour le travailler,

Le modifier.

— Alors le reflet modifié

Réagit sur l’objet

Qui s’est laissé refléter.

 

Chaque poème

A sa dose d’ombre,

De refus.

Pourtant, le poème

Est tourné vers l’ouvert

Et sous l’ombre qu’il occupe

Un soleil perce et rayonne,

Un soleil qui règne.

 

Mon poème n’est pas

Chose qui s’envole

Et fend l’air,

Il ne revient pas de la nue.

C’est tout juste si parfois

Il plane un court moment

Avant d’aller rejoindre

La profondeur terrestre.

 

Guillevic, Art poétique, dans Art poétique, précédé de Paroi et suivi de Le Chant, préface de Serge Gaubert, Poésie / Gallimard, 2001, p. 166, 172, 177, 178,180 et 184.

 

23/03/2014

Yves di Manno, Champs, un livre de poèmes 1975-1985 : recension

 

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                                      Un chantier poétique

 

    « Il s'agit maintenant de tout reprendre, de tout recommencer » : c'est la dernière phrase de la "note bibliographique" donnée dans Terre ni ciel (Corti, 2014), qui rassemble des articles autour de la poésie et de l'écriture. Parallèlement, Champs "reprend", revisite deux livres anciens publiés sous ce titre en 1984 et 1987, et Yves di Manno les définit comme un « chantier poétique inaugural » (339), ce que le titre recouvre ; si l'on pense à l'emploi du mot "champ", il désigne un espace et, au figuré, un domaine : ici, les champs sont des espaces où viennent se réunir des moments de l'humanité, mais ce sont aussi des domaines, des lieux d'expérimentation de l'écriture. Je n'explorerai pas ces ensembles foisonnants, me limitant à quelques éléments.

    Les mondes anciens sont présents, souvent évoqués, comme dans les épopées du Moyen Âge ou nombre de mythologies, à travers la violence qui a permis de les construire : il n'est guère nécessaire de préciser leurs noms tant ils se ressemblent, ce ne sont que corps à pendre, à écarteler, à ouvrir pour occuper les territoires. La violence des temps modernes est analogue : "Champ :   : de massacre" s'ouvre sur "Kambuja", c'est-à-dire concerne l'histoire récente du Cambodge ; ce ne sont plus lances et épées qui défont les corps mais fusils et rafales (86). Il y a d'ailleurs tant de points communs entre passé et présent qu'ils sont souvent entrelacés.

   Cependant, les « faces de pierre » qui demeurent du passé évoquent aussi des temps moins tragiques ; la stèle d'Ikhernofret est liée à l'apogée du Moyen empire égyptien, "Note de chevet" se rapporte à une période riche (la fin du Xe siècle) de l'histoire du Japon, quant au « roi lépreux », il s'agit de Baudouin IV, roi de Jérusalem à la fin du XIIe siècle ; etc. Une autre figure, plus présente dans Champs, est celle du Christ ; elle apparaît par l'idée de trahison dans les premières pages, « Ils seront douze à renier son / Nom », et, notamment,  occupe l'essentiel des poèmes de la dernière partie du livre, encadrés par l'évocation de "Deux ombres", Orphée et Eurydice.

   Dans cette histoire des hommes, pleine d'oppositions — guerres et paix, "Heurts" et "Havre" — se détachent les figures des créateurs, explicitement celle de Rimbaud, avec une citation et par allusion transparente : le titre (au pluriel chez Rimbaud) "Fête de la patience", est repris 4 fois (38, 116, 149, 254), liant les parties du livre. Il apparaît encore avec la reprise du mot "Parapets" (16), titre et dernier mot d'un poème, qui renvoie au "Bateau ivre", et dans « La main revient au papier, le corps à la / Charrue » (123), allusion au poème "Mauvais sang (« La main à plume vaut la main à charrue »). On reconnaît aussi, transformé, le dernier vers de "El Desdichado" de Nerval dans « [...] naquit ton cri / (saintes ou reines) / et dans l'eau blême / le soupir de / la fée », et la voile noire de Tristan et Iseut ; en est aussi issu l'épisode de l'épée entre les deux amants pour signifier la chasteté de la Vierge. Etc.

    Ces quelques relevés visent à mettre en évidence des thèmes récurrents dans Champs, ceux de l'absence et de l'oubli, explicites dans un poème « in memoriam Jaufré Rudel », variation sur les amants « Heureux malheureux tour à tour » (32) et l'amor de lonh du troubadour. L'un des rares poèmes avec un "je" en scène commence ainsi : « Je cherche et demande l'oubli » (25), et le motif est régulièrement repris — « Aussi leur chant emmurait-il l'oubli » (87), « [...] d'autres disparurent / Oubliant leur nom » (108), etc. Mais Yves di Manno marque une distance vis-à-vis de ce motif lyrique, si présent soit-il (comme ceux du cri et de l'oiseau) : 

 ... Regain. Si c'est mémoire morte, ou l'on 

Nous oubliera. Et puis ? Le langage se tait, se 

Suffit à lui-même. Aux parentés de mots (que

Dis-je !) nous préférons la loi d'un récit qui

N'a ni début ni fin — d'un récit sans action et sans

Protagonistes. Le mot. Le mot.[...] (126)

 

   S'esquisse une poétique, qui invite à relire le livreautrement : il s'élabore en partie par la manipulation de mots. Par exemple, Yves di Manno construit le texte en utilisant les ressources de l'anagramme, complète « (mon, nom) », "renié" / "reine[s]", ou partielle ; je retiens un exemple parmi des dizaines : les titres (de 4 lettres) d'une série de poèmes, ont tous 3 lettres en commun : "élan", "aléa", "a lié", "féal", "fléau", "étal" (à partir duquel vient "alto"), seul "étau" ne suit pas la règle (p. 289 et sv.). Une autre transformation, très courante, consiste à engendrer un mot par soustraction, ou par addition, d'une lettre ("ombres" / "nombres", écrits" / "cris"), parfois d'une syllabe ("disciples" / "discipline"),  par changement de voyelle ("jade" / "jadis") ou de consonne ("Eau forte" / "Eau morte"), par inversion des syllabes phoniques (« Déchiffré à l'envers : versant / est — s'en expliquer. Ou d'Anvers ») (133), etc.

   Parallèlement, les formes strophiques et les types de vers sont des plus variés : on parcourt une partie de l'histoire du mètre en français. On lira les diverses possibilités d'écrire un sonnet, y compris en le commençant par les tercets ; On reconnaîtra à peu près tous les types de strophes, y compris le monostiche, et des associations de rimes chères aux Grands Rhétoriqueurs : la rime brisée — les mots à l'hémistiche riment aussi entre eux — ou le vers léonin — les deux hémistiches riment ensemble. On  repèrera le jeu avec les licences anciennes pour obtenir le compte des syllabes ("encor", 2 fois). Etc. En outre, des coupes en fin de vers défont la lecture : « (trop lente us / ure des he /ures : des jo / urs) » (249) ou, à l'inverse, en suggèrent une autre : « des maisons / mor / tu / aires » (244).

   Il faudrait encore relever la place des poètes américains dans le livre, qui auront tant d'importance par la suite, ou analyser la relation au lyrisme avec le statut du "je" et du "tu" — relation mise à distance dans « jerre / sachant / taimer » (246), ou... Foisonnement, oui, il fallait pour Yves di Manno tout essayer dans ces débuts, se reconstruire une histoire du vers tout autant que des ancêtres, moment nécessaire pour « l'ouverture d'un autre champ » (340).

Yves di Manno, Champs, un livre de poèmes 1975-1985, Poésie/Flammarion, 2014, 352 p., 20 €.

Recension publiée sur Sitaudis 21mars 2014

 

19/02/2014

Nicolas Pesquès, La face nord du Juliau, cinq

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                         Histoire de la perdrix

 

Prologue

 

Les choses ne sont pas ce que les mots produisent. Elles émergent de ce qu'ils séparent. Elles deviennent visibles, visibles et nues, comme elles ne le sont pas elles-mêmes. Visibles après le bain. Issues de l'ombre positive d ela langue, de l'implacable et lumineux glissement de sa négativité.

 

Cette ombre pour respirer. Cette ombre pour plonger.

 

Survie phrasique jusque dans l'extrême nuance opaque du poème. Lecture sans le moindre émouvante - ou bien molle, injuste, sans le moindre tranchant.

Voici la découpe où je vis : l'emporte pièce, autant de bandes, brunes jaunes. Adorable limaille.

 

Et vivable vraiment la présence due aux mots ; sans eux on n'échapperait pas à la chaotique filature du temps ni à la puissance de l'instant laissé à lui-même — seuls les animaux y excellent.

 

Pierre parmi les pierres. Foin dans le foin, j'écris le maquillage de la perdrix.

Je déracine et brandis son théâtre d'un bloc. Sa brûlure n'est pas extatique, mais douloureuse comme la totalité.

 

Une précipitation d'apparence.

Une explosion de perdrix pierreuse.

 

Le théâtre est clos ; à l'intérieur, la ressemblance est infinie.

 [...]

 

Nicolas Pesquès, La face nord du Juliau, cinq, André Dimanche, 2008, p. 57-58.

29/01/2014

James Sacré, Écrire pour t'aimer ; à S. B.

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              Une semaine avec James Sacré

 

            Qu'est-ce qu'on fait dimanche ?

 

   Beaucoup de gestes pour aimer sont, tout compte fait, presque rien

   Malgré d'extravagantes paroles que des anges ou des chevaux s'ébrouent dedans

   T'en souviens-tu comme je t'emporte à jamais dans mon cœur avec ton beau prénom presque rien,

   La rengaine d'un amour impossible un dimanche et l'odeur de la brillantine

   J'aimerais faire comprendre à travers la qualité rythmique et machine souple

   Des mots mis ensemble.

   L'effet que produit dans mon corps

   La moindre complicité (roublarde ou naïve) que ton sourire accroche

   À du temps qui passe entre nous ;

   Non pas que je tienne à sauver des sentiments de la ruine

   Mais parce que le grand bien-être et force dans le cœur.

   À dire tout bonnement que je t'aime, ça ressemble vraiment

   À l'ange qui galope dans tous mes poèmes : on le voit mal, mais j'écrirai toujours.

 

James Sacré, Écrire pour t'aimer ; à S. B., André Dimanche, 1984, p. 43.

21/11/2013

François Rannou, Rapt

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                                         confluence des rives

                      (mon atelier avec, dans la lumière, Max Jacob sur le pont de fer)

 

 

 

                                                 prendre cette main

                                                 qui appelle

deux rivières se rejoignent le nom      ne résout rien          se mêle aux ponts de fer

                                                 les mots toujours sont

                                                 cette main

                                                 étrangère

                                                 découverte sienne

                                                 hors de soi

                                                  ou :

 

 

                                                            tessitures placées

                                                            projettent

                                                            un autre visage sans

                                                            reconnaissance ni

« je suis dans cette maison d'angle » sans     aucune

                                                            ressemblance je

                                                            ne sais pas

                                                            d'où

                                                            vient la nuit l'accentuation se fait

 

 

sur un temps faible pour     que soir ravivée

                                      la blessure

                                      plutôt que

                                      le

                                      commentaire     c'est la confluence d'un rythme

 

[...]

 

 

François Rannou, Rapt, La Termitière / La Nerthe, 2013, p. 55-57.