01/11/2023
Terrance Hayes, Sonnets américains pour mon ancien et futur assassin
Je pensais que nous pourrions aussi bien chanter les fables de la mer Pour emplir nos bouches avant de faire voile et chasser la baleine.
Je pensais que nous pourrions aussi bien chanter la sensation
De la mer, mouvante autour de la baleine comme un pelage.
La couleur de l’eau a toujours la température
D’un miroir. Je pensais que nous pourrions noyer
Nos reflets dans un balancement comme nos chants
Sur mère maline et mère malheur, les toasts
Portés avec une eau bleu sombre, presque
Indigo, tirée au seau du puits avant de mettre à la voile.
Route des baleines métaphorise la mer. Machine à voyager dans le temps
Métaphorise l’esprit. Vivant métaphorise
L’électrifié. Je pensais que nous pourrions chanter
La corde enroulée autour de la morsure du sentiment.
Terrance Hayes, Sonnets américains pour mon ancien et futur assassin,
traduction Guillaume Condello, collection Sing, Le Corridor bleu, 2023, p. 123.
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18/05/2015
Amelia Rosselli (1930-1996), Document 1967-1973
à Schubert
Une mélodie couleur orange avait retenti
dans mes oreilles si attentives au solfège
d’un violon assez net pour me toucher
jusque dans mes fibres nerveuses (le
grand cœur) qui ma tiraient par les cheveux
pendant que je dansais avec la mélancolie ce
soir-là où je n’avais pas de rendez-vous.
Mélodie éternelle et inexplosée, mélodie
de sentiments qu’on ne peut pas violer
dans le secret tombal de l’apôtre : apôtre
de quoi ? — d’une quasi désespérée quelquefois
allègre, exposition de vos tableaux
mentaux, sentimentaux et ordinaires : l’amour
dans une boîte bien fermée n’eut pas le temps
de demander pardon.
Amelia Rosselli, Document 1966-1973, traduction de
l’italien et postface de Rodolphe Gauthier, La Barque,
2014, p. 20.
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21/03/2015
André du Bouchet, Une lampe dans la lumière aride
rêvant d’une langue dot les images seraient tellement éblouissantes, profondes et fortes qu’elles tiendraient lieu de toute logique, et du cheminement ordinaire imposé à la pensée.
*
les mots labourent l’air
on pique lourdement de l’avant
L’écume
et le litre tordu du sillage
Cette image qui vient de sortir a mis exactement dix ans à mûrir. Je m’en content pour la fin de la matinée.
*
Poésie : comme dans cette récente découverte physiologique où l’on profite du violent sursaut d’énergie vitale accumulée au moment d’un danger extrême.
*
Je ne peux pas dire ce que je ressens : ce que je ressens ne m’intéresse pas.
Ce que les autres sentent ne m’intéresse pas.
Je m’occupe uniquement des détails de l’accident terrestre.
André du Bouchet, Une lampe dans la lumière aride, Carnets 1949-1955, édition établie par Clément Layet, Le bruit du temps, 2011, p. 123, 124, 125, 127.
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29/01/2014
James Sacré, Écrire pour t'aimer ; à S. B.
Une semaine avec James Sacré
Qu'est-ce qu'on fait dimanche ?
Beaucoup de gestes pour aimer sont, tout compte fait, presque rien
Malgré d'extravagantes paroles que des anges ou des chevaux s'ébrouent dedans
T'en souviens-tu comme je t'emporte à jamais dans mon cœur avec ton beau prénom presque rien,
La rengaine d'un amour impossible un dimanche et l'odeur de la brillantine
J'aimerais faire comprendre à travers la qualité rythmique et machine souple
Des mots mis ensemble.
L'effet que produit dans mon corps
La moindre complicité (roublarde ou naïve) que ton sourire accroche
À du temps qui passe entre nous ;
Non pas que je tienne à sauver des sentiments de la ruine
Mais parce que le grand bien-être et force dans le cœur.
À dire tout bonnement que je t'aime, ça ressemble vraiment
À l'ange qui galope dans tous mes poèmes : on le voit mal, mais j'écrirai toujours.
James Sacré, Écrire pour t'aimer ; à S. B., André Dimanche, 1984, p. 43.
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