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28/02/2024

Esther Tellermann, Votre écorce

esther tellermann, votre écorce, soudain, corps

Car je n’ai rien 

une mèche 

           un cil 

le plus ténu 

        fut votre 

corps

la façon d’un 

murmure où 

je m’ensevelis 

et m’attarde 

        et m’endors.

Nous étions si 

frêles contre ce qui 

               soudain ne 

craint plus 

               l’ombre.

 

Esther Tellermann, 

Votre écorce, La Lettre volée,

2023, p. 88.

27/02/2024

Esther Tellermann, Votre écorce

esther tellermann, votre écorce, fable, secret

Et je vous demandais

d’inventer des fables

jusqu’au tarissement

         et la tiédeur

de retrouver les

          lois ou l’incertitude

des secrets et des

                 détresses.

Peut-être j’avais

perdu

         les horizons

et le motif

quand le ciel

s’interpose.

 

Esther Tellermann, Votre écorce,

La Lettre volée, 2023, p. 69.

26/02/2024

Esther Tellermann, Votre écorce

esther tellermann, votre écorce, le dedans le dehors, refaire

     Et comment

épuiser la plainte ?

     Fallait-il refaire

          le dedans

nommer peut-être

contre la nuit

là où tu manques

refaire les mousses

                neuves

affermir la lèvre

l’essor des aubes

et des chemins !

 

Esther Tellermann, Votre écorce,

La Lettre volée, 2023, p. 56.

24/02/2024

Esther Tellermann, Votre écorce

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Il me fallut inventer

des signes neufs

lire des

corolles.   Dans

la peur.

        Il me fallut

savoir

                 appartenir

                 se

                 reconnaître

dans le vent

et l’ombre

l’écaille

         qui s’effrite.

 

Esther Tellermann, Votre écorce,

La Lettre volée, 2023, p. 23.

02/12/2023

Esther Tellermann, Ciel sans prise : recension

 

esther tellermann,ciel sans prise,recension

                                  « Voilà / tout finit / et commence » 

Il suffit d’ouvrir Ciel sans prise pour reconnaître l’écriture d’Esther Tellerman : poèmes entre dix et quinze vers, lesquels comptent rarement plus de trois syllabes, très peu ponctués mais parfois un blanc introduit une légère pause ; aucune rupture d’une page à l’autre, comme si s’écrivaient par touches les moments d’une histoire, celle peut-être d’un jeet d’un tu/vous très vite présents. L’ouverture du livre donne l’impression que se poursuit un autre livre par la rupture dans une durée :

                       Soudain nous avions / fermé / les persiennes

 

Le début rapporte un avant, un passé, où s’est vécu un acte de retrait, le « nous » s’isolant de son entourage et le livre s’achève avec une ouverture, par deux mots détachés, « Qui noue / les chemins et les cercles / toujours arrache / la couleur // fait face ». Ouverture sur l’avenir, vers un autre livre, non pour répéter ce qui a été écrit, mais pour continuer à dire ce qui ne peut être un fois pour toutes énoncé. Parce que rien, ou très peu, de ce qui est écrit ne peut être lu comme "réel", seulement pour une trace possible d’un moment, plus ou moins lisible, plus ou moins transformée : l’un des derniers textes, repris en quatrième de couverture, renvoie ainsi au début du livre, « Qui / soudain / ferme les persiennes », après un autre qui reprend la première scène, « Soudain / nos persiennes étaient closes ».

 

Comment décider de ce qui est réel, de ce qu’est le réel dans le livre. Dans le premier poème quand le "je " revient au présent après un temps dans le passé (plus-que-parfait, « avions fermé »), cela se passe dans un mouvement où l’univers semble se défaire (« Tout près / les continents / me traversent), est-ce l’image d’un ailleurs que l’on retrouve plus loin (« avant l’incandescence / d’une unique fièvre / où s’engouffrent  / les continents ») ? d’une confusion où l’espace s’étire jusqu’à déborder toute limite ? Parallèlement, les divisions temporelles s’effacent pour laisser place à une durée continue, sans présent ni passé, et à la proposition : « un lendemain n’est-il / un jadis suspendu à l’aurore », une réponse : « l’absence de lendemains » d’où naissent l’obscurité, la « ténèbre ». L’écriture ouvre à « un absolu », à « l’infini » (« Nous humions l’infini »), l’absence de verbe parfois ne situant plus rien dans la durée, « l’encre psalmodiant / l’exactitude / des naufrages / le dessin / des univers / tus ». Il suffit d’un mot, « soudain », pour qu’il y ait rupture, l’univers semble se défaire, perd tout contour et sa raison d’être, « Soudain / ne respirent / les vieux mondes / trébuchent / sur les constellations » et plus avant, « les vieux mondes dérivent ». Tout pouvant devenir mots, ce qui était achevé peut recommencer, comme si un changement d’ordre météorologique suffisait à provoquer une métamorphose, « Puis reviendra / l’orage /(…) et notre chemin / sera visible » — futur d’un "nous" dont les composants sont insaisissables.

 

S’agit-il d’un "nous" amoureux comme le laisseraient supposer, par exemple, les allusions à la chambre close, au mouvement des reins ? Un  "nous" complice au regard commun pour observer ce qui est en dehors de lui : « nous écartions / les persiennes pour / deviner / un monde / qui palpite » ? Mais de ce monde bien peu est dit, le lecteur découvre — ou invente en partie — des allusions à l’Histoire passée à partir des « rafales de souvenirs ». Les éléments propres à un récit sont évidemment absents et si l’on cherche des paysages, on ne trouve que des « horizons » ; les noms variés de fleurs et d’arbres participent au rythme des poèmes, non à une description de lieux — dans l’ordre d’apparition : amandier, jasmin, sauge, saule, hibiscus, gardénia, hysope, églantier, myrtille, châtaignier, cyprès, aubépine, lilas, saule, laurier, pavot, orme, hyacinthe. Quant aux noms généraux (terre, ciel, mer, continent), ils ne renvoient à rien de concret et la relation au visible est même explicitement effacée ; ainsi, l’ombre surgit, fabrique d’obscurité (« Tout à coup / une ombre / tourmente le bleu / dépose un peu de nuit »), mais plus souvent l’ombre, et donc l’obscurité, apparaissent comme des éléments intérieurs : « sans ombre que celle du dedans », et il est inutile de chercher à « tresser des chimères / apprivoiser l’ombre ». La mer, présente dans les poèmes, a un statut analogue à celui de l’ombre, ce qui est répété : « sans / mer // que celle du dedans », puis « sans mer / que celle du / dedans ».

 

Cette présence absence semble définir ce qu’est le "tu / vous", de là toute fondation d’un "nous". L’interlocuteur est lié à une odeur, proche par sa salive, il partage une chambre avec la narratrice et, également, des rêves (« nous inventions des sommeils ») s’avère être une création verbale, « je cherche encore / la langue / où / vous dire ». Construit peu à peu il s’évanouit brusquement (« Puis soudain je vous perds »), comme si les mots manquaient pour maintenir sa consistance. Ils sont bien là, les mots, mais pour exprimer nettement qu’ils sont la seule existence du "tu / vous" ; c’est « celui qui ne fut / à qui je parle », « Vous avez été / serez / (…)/ un dieu absent / ouvrant les paumes / frère / d’un ailleurs ». "Tu" comme suite de mots, seulement une forme nécessaire pour explorer ce que pourrait être un échange, « Je serai / vous / celui qui fut / à qui je parle / ou / qui ne fut pas / mais demeure ». Peut-être qu’une relation entre un "je" et un "tu" n’existe qu’avec les mots — Car / rien n’est / que / l’au-delà de / la forme » —, la présence du "tu" étant plusieurs fois affirmée comme suspendue au désir du "je" ; l’un et l’autre comme des formes à investir — c’est leur statut dans la langue. C’est une condition suffisante pour que les souvenirs, les temps de l’enfance, le passé donc, renaissent dans le présent, souvent avec leur charge émotive qu’on lit proche d’un Verlaine : « Dans les vieux parcs / viennent les chagrins / au souvenir / des pavots et des / musiques ».

 

On voit là que Ciel sans prise n’a rien d’un livre de poésie abstrait. Parfois énigmatique, qui suggère plus qu’il ne dit, qui demande à être relu, et la forme choisie est un élément important dans le plaisir de la lecture. Esther Tellermann use rarement de la paronomase (jaspe / gypse) et des répétitions de sons (« des paupières et des paumes ») ; outre les ellipses de verbes, elle introduit régulièrement des constructions syntaxiques qui exigent une (re)lecture attentive (compléments multiples ou éloignés du verbe, cascade de relatives) ou dont l’ambiguïté n’est pas immédiatement levée — un exemple : « (…) peut-être / secret / que le / corps porte / et soudain / irradie / la brûlure », où « secret » peut être lu comme sujet de « irradie ».. Livre que l’on peut lire sans rien connaître des ensembles précédents, auxquels on peut le rattacher tant l’œuvre est homogène. 

 

Esther Tellermann, Ciel sans prise, éditions Unes, 2023, 220 p., 20 €.
Cette recension a été publiée par Sitaudis le 12 octobre 2023.

13/06/2023

Esther Tellermann, Ciel sans prise

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Sans

     les reins

qu’un soir ondule

     sans votre

plainte

     qui m’étreint

sans votre douleur

et vos crépuscules

mais une nuit bleue

     happe

        votre front

votre haleine se fit

     étang

un jour vos mains

 sont

     broussailles

brûleront le chagrin.

 

Esther Tellermann, Ciel sans prise,

éditions Unes, 2023, p. 76.

12/06/2023

Esther Tellermann, Ciel sans prise

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J’avais retenu

     de vous

des pauses      une

silhouette      

     qui attend

continue d’être.

Des bouts de rues

     grises

toi encore

qui reste

avec le galet

     blanc

 le temps qui se

retire.

 

Esther Tellermann, Ciel sans prise,

éditions Unes, 2023, p. 65.

09/06/2023

Esther Tellermann, Ciel dans prise

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Tout à coup

s’était figé

     l’oubli

nous écartions

les persiennes pour

deviner

     un monde

qui palpite un reste de floraison

     des rumeurs

     un nulle part

qui gonfle votre

     force

 

Esther Tellermann, Ciel sans prise,

éditions Unes, 2023, p. 41.

08/06/2023

Esther Tellermann, Ciel sans prise

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Puis soudain

je vous perds

et me fige

reste aux portes

car rien n’avait

prêté serment

peut-être un

secret que le

corps porte

et soudain

      irradie

la brûlure

 

Esther Tellermann, Ciel sans prise,

éditions Unes, 2023.

07/05/2023

Esther Tellermann, Ciel sans prise

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Puis soudain

 je vous perds

et me fige

 reste aux portes

 car rien n’avait

 prêté serment

peut-être un

 secret que le

 corps porte

et soudain

     irradie

la brûlure.

 

Esther Tellermann,  Ciel

 sans prise, éditions Unes,

2023,p. 43.

06/05/2023

Esther Tellermann, Ciel sans prise

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Devons-nous

puiser d’autres abandons

     pour renaître ?

Et la terre nous

porte encore

vers l’incertain

une fois encore vient

     le vertige

des rues vides

et des senteurs acides

pour encore vous

bercer

     décliner

tous les verts.

 

Esther Tellermann, Ciel sans prise,

éditions Unes, 2023, p. 79.

05/05/2023

Esther Tellermann, Ciel sans prise

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Déjà s’étaient

éteints    les horizons

nous devions recueillir

la lumière des chambres

des nuits rompues

par l’absence

de lendemains.

Déjà nous devions

rassembler les

vents et les os    et

tous les gestes

mais voici la main

qui oppose

   le fruit.

 

Esther Tellermann, Ciel sans prise,

éditions Unes, 2023, p. 29.

14/07/2022

Esther Tellermann, Carnets à bruire

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Dans une de vos

 mains je voyais

l’étendue

reconnaissais

la langue qui illumine

les orages

terre rase ou

terre rassemblée

comme si l’air

modelait

     l’image

débordait

     le plein jour.

 

Esther Tellermann, Carnets à bruire,

La lettre volée, 2014, p. 51.

12/07/2022

Esther Tellermann, Corps rassemblé

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Vinrent

les nuits qui

refont les courbes

     de dessous

des silhouettes

     emplissent

ce qui reste de jour

des lignes violettes

soulignent

     les deuils

vous m’étiez arrachée

          restiez

avec l’encre

pourpre

     la ligne de lumière

 

Esther Tellermann, Corps rassemblé,

édirions Unes, 2020, p. 48.

11/07/2022

Esther Tellermann, Un versant l'autre

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Partie de toi me

laisse

       l’autre encore

est étincelle

        d’un point

où pousse l’hibiscus

un jour écorché

miettes de paroles

comme neige

halos de lunes

et obsidiennes

en mots simples

voulions

         advenir

 

Esther Tellermann, Un

 versant l’autre, Poésie/

Flammarion, 2019, p. 69.