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03/01/2012

Philippe Beck, Poésies premières : un poème et une recension du livre

                     33. Atticus aujourd'hui.

 

L'ancien ami à venir

ou l'ami chambré

de la dune

et dans la tête du mari heureux

ne se retourne pas,

normalement.

C'est pourquoi

le ménage complet

détruit la notion même

du paradis des célibataires

laissant derrière eux

de l'essence de foyer

pour mieux

la boire.

Il n'a pas

à se retourner,

s'il n'est pas parti.

Ami de sa femme,

ego qui encadre les faits du jour.

= Un qu'il ne faut pas conduire

aux gens.

 

L'alcôve maritale sans secret

est re-banale.

(J'ajoute : la fadeur est hors-sujet.

Le thème : la Dynamo du rapprochement date.)

 

Philippe Beck, Rude merveilleux (1998), dans  Poésies

premières 1997-2000, Flammarion, 2011, p. 129.

 

 

philippe beck,poésies premières










Maurice Blanchot écrivait à propos de Mallarmé qu’il « ne s’échappe pas de la langue nationale, mais va jusqu’à l’étrangeté qu’elle recèle, aussi ancienne que nouvelle, puisque se découvrant des intonations inouïes ou se délivrant par des accords neufs », et il concluait en définissant la langue poétique comme « rupture d’un Dire réfractaire au déjà dit, sans lequel il n’y aurait pas de silence ». (1) C’est à partir de cette idée de rupture que l’on pourrait lire Poésies premières ; Yves di Manno y a réuni trois livres anciens de Philippe Beck, Chambre à roman fusible (1997), Rude merveilleux (1998) et Inciseiv (2000). Ils sont suivis d’une postface inédite (2), dont je retiens une des citations en exergue, celle de Charles Reznikoff, « Le monde est très vaste et je ne peux certainement pas en témoigner dans son entier » : c’est redire que la poésie est ancrée dans l’Histoire, dans le monde, comme aussi bien l’était celle de Virgile (auquel un poème est consacré dans Rude merveilleux, "Publius Maro") ou celle de Novalis, également présent. On lira aussi dans Rude merveilleux : « Impossible d’être automatiquement poète / (obéissant à la commande dehors ou dedans) ; / ou machinalement (comme grand voyageur) ».

   Comment le monde est-il présent ? Il est vivement inscrit dans la littérature — on relèvera aisément les noms cités, dont il faudrait analyser pour chacun d’eux la fonction dans le texte —, le cinéma, la musique et la peinture. Il est appelé par le titre d’une œuvre (Asphodèle, William Carlos Williams), par le biais de ceux qui furent des modèles de personnages, comme Georges Pollard pour le capitaine Achab, ou Owen Chase, chez Melville : bel exemple du rapport entre réel et texte. La mention « du chat jaune de l’abbé Seguin » (p. 21) qui termine un poème autour du jugement d’une œuvre, renvoie au début du livre premier de Vie de Rancé de Chateaubriand (« […] une vieille bonne, vêtue de noir venait m’ouvrir : elle m’introduisait dans une antichambre sans meuble où il y avait un chat jaune qui dormait sur une chaise »). Dans Rude merveilleux, le titre d’un poème, "Accablant le tu" est un jeu à partir du premier vers d’un poème de Mallarmé (« À la nue accablante tu ») dont le prénom est cité : mesure de l’apport de ce maître et conclusion, « Donc il faut bien dire / comment continuer sans / un des patrons » (p. 116) — Philippe Beck revient dans la postface (p. 252-253) sur sa relation à Mallarmé. Un autre stimulus de son travail poétique est cité avec Hölderlin et son Hypérion, Hölderlin qui écrivait en 1797 « La poésie que je fais a plus de vie et de forme ; mon imagination absorbe plus volontiers les formes du monde ».   Le nom de l’acteur Keith Carradine, qui apparaît dans Chambre à roman fusible, peut évoquer la comédie musicale Hair (il en fut un des interprètes), dont on sait l’importance des chansons dans les manifestations contre la guerre du Vietnam, mais il a joué aussi dans des films de Robert Altman, auquel un poème est dédié dans Rude merveilleux ; ce cinéaste a consacré une partie de son œuvre à l’analyse de certaines formes de violence dans la société contemporaine.

   Cette violence est un thème récurrent dans Poésies premières, ce sur quoi Philippe Beck insiste dans la postface : « la violence historique est le thème commun, évident, des livres rassemblés » (p. 252). Par exemple, allusion est faite — "Jogichès", titre, p. 57 — à Léo Jogichès : le lecteur, consultant une encyclopédie, apprendra que ce communiste polonais très actif fut un des fondateurs du Parti communiste d’Allemagne en 1918 ; arrêté pendant la révolution allemande, il est assassiné en prison en mars 1919, peu de temps après Rosa Luxembourg. Mais le plus lisible de la violence historique, et qui donne son sens au titre Chambre à roman fusible, se trouve dans un poème également titré avec un nom de personne ("David Olère", p. 47), nom qui réapparaît dans Rude merveilleux (p. 99) :

 

Le destin d’emportés

de petits emportés par des intermédiaires majeurs

de grands emportés par des aussi grands ;

le destin des anciens petits et grands

destin pleuré, sans regret,

puisqu’il n’y a pas de regret dans ce dessin

de respiration ancienne

et de cuisson future.

 

philippe beck,poésies premières

 

   Il s’agit ici des chambres à gaz ; David Olère, juif rescapé d’Auschwitz a dessiné, peint et sculpté ce qu’il avait vécu. On pourrait, en partie, relire Chambre à roman fusible avec en tête ce poème (voir par exemple le tout début : « Mes personnages sont des fumées. // Mais je ne viens pas les voir dans leurs cheminées »), y compris dans l’examen de ce qu’est un roman : voir « Dans les romans passés se cachait l’évidence volée » (p. 26) Le commentaire du poème "David Olère" dans Déductions (éditions Al Dante, 2005, p. 11-12) distingue la chambre à gaz, où « les humains réduits aux poupées » sont niés, et la chambre domestique. L’activité d’écriture ne peut être isolée du monde, et presque tous les noms cités dans Poésies premières, quand ils n’évoquent pas strictement une question poétique, renvoient plus ou moins directement à une action ou à une position dans la société — ainsi celui de Theolonious Monk, puisque pour « le Moine américain » le jazz avait aussi une fonction politique.

   Comment écrire cette violence ? Il y a entre Chambre à roman fusible et Inciseiv une évolution sensible. Le premier ensemble mêle poèmes en prose, prosimètres et poèmes en vers, on ne lit dans le second que trois poèmes précédés d’une prose et le troisième est entièrement en vers : tout se passe comme si le vers s’imposait au fil du temps, permettant mieux (autrement) que la prose de construire un récit. Chambre à roman fusible et Rude merveilleux sont tous deux divisés en séquences numérotées, LIII pour l’un (avec en plus un poème liminaire, un autre qui ferme la série avec le retour des fumées, 67 pour l’autre (qui s’achève par un épilogue), et Inciseiv est partagé en quatre ("Le cœur", "Le sans-cœur", "L’âme", "Le génie").

   Comment une rupture est-elle introduite dans la langue ? Pour l’essentiel, dans un travail sur la syntaxe (qui est approfondi dans les livres ultérieurs), parfois déroutant : énoncés sans verbe sur un vers, utilisation de symboles mathématiques, de parenthèses, suppression de l’article, usage de la majuscule pour un nom commun. Ce travail, qui ne s’en prend que très rarement à l’ordre des mots, est inséparable d’une création verbale qui s’inscrit dans une longue tradition, notamment celle des rhétoriqueurs ; il s’agit de revivifier la langue (« le français est une langue morte / à 95% + 5% de vie essentielle », p. 223) en formant des verbes (esthétiquer, dépleurer, profonder,etc.), des noms (chercheriez, bravité, défermeture, re-prose, re-poésie, etc.), des adjectifs (poésie, capacieux, décapitale, etc.), parfois des ensembles comme enfantiné, enfantinement, désenfantiner. Une autre rupture tient au statut du je dans Poésies premières ; s’impose, avec l’insistance forte sur la place du monde extérieur, la notion d’impersonne (3)— le moi n’est pas un livre —, clairement exposée dans la postface et présente explicitement dans Inciseiv (p. 235):

  « J’appelle philosophie

l’art d’être dans la poésie

et d’avoir en poésie

beaucoup d’impersonnalité. »

À cette notion se rattache celle  de sobriété, de lyrisme "sec", incisif, ce qu’exprime le titre Rude merveilleux (ici rude est adjectif) et qu’affirme un poème dans Inciseiv (p. 189) :

« Et le cœur de pierre

doit rester sec ?

          Oui.

          La p. est du sec ? [p. = poésie]

          Oui. 

          Inciseiv. »

 

Voie continuée (cf. encore le titre Lyre dure, 2009), la sècheresse n’excluant pas le lyrisme, autrement perçu (4).

J’ai emprunté dans ce survol à la postface, qui nécessiterait à elle seule un compte rendu. Philippe Beck y revient sur les livres réunis dans Poésies premières, précise quelles en furent les matrices, explique l’unité de l’ensemble et, longuement, les enjeux de son abandon progressif du prosimètre dont il esquisse ce qu’en a été l’usage dans la littérature. Ce serait beaucoup, ce n’est pas tout : les réflexions commencées ici sur la prosodie, complexes, annoncent deux livres à paraître, Qu’est-ce que la poésie ? (Folio / Gallimard) et Contre Boileau.

Cette recension a paru en 2011 dans Terre de Femmes


1  Maurice Blanchot, "La parole ascendante", dans Lettres à Vadim Kosovoï, suivi de La Parole ascendante, éditions Manucius, 2009, p. 172.

2  Titrée Notes pour trois livres en un ou : Poésies premières, monde, hétéro-anthologie.

3  voir « l’écriture s’explique avec ce qu’elle n’est pas, dont elle provient, le monde, et produit une personne publiée, un impersonne » (p. 250-251), et : Beck, l’Impersonnage : rencontre avec Gérard Tessier, Paris, Argol, 2006.

4  Sur ce point et l’ensemble du travail de Philippe Beck, voir les études réunies dans le n° double de la revue il particolare (2011).

02/01/2012

William Carlos Williams, Tableaux d'après Bruegel

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Chant

 

tu es à jamais Avril

pour moi

l'éternel indécis

 

forsythia blonde

jeune fille

aux jambes bien droites

 

à qui ignorant

comme je l'étais

j'apprenais

 

à lire les poèmes

mes bras

autour de ton cou

 

nous nous serrâmes

dange-

reusement

 

plus qu'une jeune

fille

n'aurait dû

 

un restant de gelée

saisit

des fleurs jaunes

 

au printemps

de l'année

 

 

Poème

 

La rose se fane

et puis renaît

de sa graine, naturellement

mais où

 

sinon à l'abri du poème

ira-t-elle

pour que sa splendeur

ne s'altère

 

William Carlos Williams, Tableaux d'après Bruegel,

traduit de l'américain et présentés par Alain Pailler,

éditions Unes, 1991, p. 53 et 57.

01/01/2012

Antoine Emaz, Sauf

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                                 L'élan, l'impact

 

Au commencement, une poignée de terre ou une tête, serrée, trop.

Fuir haut.

 

Gong bleu. N'importe où l'impact. Un long frémissement à peine, immense, léger.

       

Une tête contre le ciel s'étoile. Miettes.

 

Pluie de sable sec.

 

Fin, en bas. De force rassemblée, une tête à nouveau serrée, un peu.

 

***

Dans la peur coincé, puis comme un souffle au point où on avait peur sans mots.

 

Brusquement, tout le corps emporté par le souffle monte, libre, vite, heurte le ciel, trop près.

 

La force brise net contre : un bruit d'os. Ciel à peine étoilé.

 

Longtemps la poussière retombe.

 

En bas, on est au bout, à la fin, avec quelques mots et la peur qui revient.

 

***

La peur trop : l'élan vers l'air, plus haut.

 

Bleu massif et sans bords.

 

Tant que l'élan nous plaque au ciel, on tient contre, sans appui.

 

Au bout de la force, une retombée lente, vidé.

 

Les mots, la tête à la fin, une poignée de sable sec.

 

***

être à l'étroit

trop brusque

l'appel

 

gong bleu choc

 

la tête en miettes

en bas

on refait figure

 

compact

à nouveau

on se tient comme on peut

 

Antoine Emaz, L'élan, l'impact, dans  Sauf,

dessins de Djamel Meskache,Tarabuste, 2011, p. 53-54.

© Photo Tristan Hordé

 

 

 

31/12/2011

Paul Claudel, Connaissance de l'Est

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     Décembre

 

   Balayant la contrée et ce vallon feuillu, ta main, gagnant les terres couleur de pourpre et de tan que tes yeux là-bas découvrent, s'arrête avec eux sur ce riche brocart. Tout est coi et enveloppé ; nul vert blessant, rien de jeune et rien de neuf  ne forfait à la construction et au chant de ces tons pleins et sourds. Une sombre nuée occupe tout le ciel, dont, remplissant de vapeur les crans irréguliers de la montagne, on dirait qu'il s'attache à l'horizon comme par des mortaises. De la paume caresse ces larges ornements que brochent les touffes de pins noirs sur l'hyacinthe des plaines, des doigts vérifie ces détails enfoncés dans la trame et la brume de ce jour hivernal, un rang d'arbres, un village. L'heure est certainement arrêtée ;  comme un théâtre vide qu'emplit la mélancolie, le paysage clos semble prêter attention à une voix si grêle que je ne la saurais ouïr.

   Ces après-midi de décembre sont douces.

   Rien encore n'y parle du tourmentant avenir. Et le passé n'est pas si peu mort qu'il souffre que rien lui arrive. De tant d'herbe et d'une si grande moisson, nulle chose ne demeure que de la paille parsemée et une bourre flétrie ; une eau froide mortifie la terre retournée. Tout est fini. Entre une année et l'autre, c'est ici la pause et la suspension. La pensée, délivrée de son travail, se recueille dans une taciturne allégresse, et, méditant de nouvelles entreprises, elle goûte, comme la terre, son sabbat.

[1896]

 

Paul Claudel, Connaissance de l'Est [1900, 1907 et 1960], préface de Jacques Petit, Poésie / Gallimard, 1974, p. 72.

30/12/2011

Jacques Dupin, Une apparence de soupirail

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   J'étais le seul. L'œil en activité. Elle était le nombre. Dormant. Le nombre, et le monstre. Dormant. Elle est le trait, la soif, l'herbe folle. Elle est la veuve, et l'éclair, d'un orage futur...

 

   Comme s'affile la lame, commence l'écoute, la dictée... Quelques gouttes de sang, et cet étirement du vide entre chien et loup...

   Difficulté des étoiles à me suivre. Allégresse du corps à les réfracter.

 

Séquence de l'eau qui te presse, te divise — te divinise. Qui m'enserre dans l'étreinte de son épaisseur liquide. Et noie le souffle, la voix. Sous son scintillement, sa divination. Sa course...

 

   Écrire sans casser le silence. Écrire, en violation d'un lieu qui se retire ; quadrature du texte, visage désencerclé, non-lieu... La rapacité du vide, le calme, — étonne ses proies...

 

   La terre et le ciel. Et la peur, la ligne d'horizon. Leur complicité et leur agonie. Fertilisant le fond de l'œil. Et leur guerre, les arrérages de la nuit.

 

   On me crève les yeux. C'est le jour. Je m'expose, en cette infirmité, écrivant : c'est le jour. Intouchable, désœuvré. Mal dégrossis par la dénégation du JOUR.

 

   Quelle créance claire oscille entre tes seins... Accompagnant, niant, le battement des étoiles contre la vitre... Broyant la couleur sur ma bouche... Ouvrant une veine de nuit dans la voix...

Rien... Soulevant l'herbe. Relevant sa trace dans l'herbe...

 

Jacques Dupin, Une apparence de soupirail, Gallimard, 1992, p. 91-97.

29/12/2011

Yves Bonnefoy, L'heure présente

 

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                                                    Bête effrayée

 

   Ils l’ont heurtée dans ces buissons qu’ils écartaient pour se faire voie. À hauteur de leurs yeux dans les branches où elle avait grimpé, maintenant enchevêtrée dedans, prise au piège. Il la voient, elle les regarde. Son regard est un cœur battant , une pensée.

 

   Et voici que tu la prends dans tes mains, la retire de ce feuillage, elle ne se débat pas, dirais-tu même que tout son corps se détend ? Comme si elle se savait déjà morte, avec l’ultime recours, sous le ciel clair, c’est l’après-midi encore, d’essayer de feindre de l’être.

 

   Morte, pour être abandonnée sur ces pierres qui n’ont pas de cesse sous leurs sandales, et là-bas, dans cette garrigue, c’est déjà un peu de la nuit.

 

   Touche ce pelage, c’est doux. Mais attention à ces griffes !

 

   Le pelage est le marron sombre d’une châtaigne tombée, il a même cette étroite bande de blanc qu’offrent, par en-dessous, les châtaignes. Mais c’est aussi la couleur que prend maintenant le flanc de cette colline que jusqu’à présent nous suivions. Bien finies les étincellances qui bougeaient dans ses ajoncs, il y a un instant encore. Monte la terre brune sous le vert sombre et le peu de jaune et de rouge.

 

   Et regarde ces yeux !

 

   Les yeux sont l’énigme du monde. ououiouiyt  Car est-ce un regard, ce que tu vois dans cette vie que tu tiens dans tes mains, en commençant à te demander ce que tu vas faire d’elle, oui, lui rendre la liberté, mais quoi d’autre, d’abord ? D’autant que ni toi ni moi ne savons lui donner de nom.

 

   Une belette, une baleine, disait Hamlet. Ou rien que la dérive des nuages dans le ciel de la nuit maintenant tombée. Le flageolet a des trous sur lesquels nos doigts ne savent pas se poser ! une belette, dis-tu, un furet ? Qu’est-ce qu’un furet, qu’est-ce qu’un blaireau ? Je voudrais connaître les noms, dis-tu. Moi je voudrais en imaginer, mais le langage est aussi fermé sur ses ajoncs et ses pierres que le sol de cette colline, tout près de nous, même sous nos pieds. Et je ne vois même plus, si, tout de même un peu, ces petits yeux, ce regard.

 

   Et brusquement la bête se débat, se libère presque. Et tu resserres tes mains, tes doigts. Elle est à nouveau tout immobile.

 

   Va la poser sur cette pierre, là, devant nous. Cette pierre qui brille un peu, car voici que la lune s’est levée, elle a quelques formes pour cet affleurement du rocher, une étendue presque nue, et plate, bien qu’elle ait des bosses mais légères. On croirait la table d’un sacrifice.

 

   Je touche le dos de la bête, ne dois-je pas lui dire adieu, avant qu’elle ne s’échappe, dans ce monde qui ne nous a pas enseigné tous les mots qu’il faudrait, tous les gestes qui délivreraient ?

 

   Et déjà tu te penches, mais nous sursautons, l’un et l’autre, un cri a été poussé, là-bas, près de ces ruines où nous étions, tout à l’heure. Un cri, puis, nous écoutons, quel silence, et à nouveau c’est lui, et qui se prolonge, ce hululement, puis s’arrête.

 

   C’est le même, nous disons-nous. Et de même qu’auprès du temple, nous avons peur.

 

   Mais rien, rien d’autre, rien de plus dans le silence de là-bas et de toutes parts, ce silence qui fait corps avec ce qu’il y a de nuit autour de nous, et en nous. Car c’est vrai, je l’ai déjà dit, qu’il fait nuit maintenant, sauf toutefois sur cette petite étendue de pierre grise, presque brillante.

 

   Distraitement tu as posé sur la pierre la bête qui est sans mouvement. Et d’un bond elle se déploie et déjà elle a disparu dans les broussailles sombres voisines.

 

Yves Bonnefoy, L’heure présente, Mercure de France, 2011, p. 47-50.

28/12/2011

Michel Deguy, Figuration

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Haïku du visible

 

Un    L'équidistant Lui le lucide

L'impartial quand la terre dormeuse

Se retourne vers lui

 

Deux    La coque azur

Incrustés d'arbres sous la ligne de pendaison

L'air qui cède à l'oiseau

Qui s'efface

 

Trois     Le treillis le réseau le tamis

Le nid d'intervalles

Un feu de paille aussi longtemps que le soleil

Et ces murs une piste de plantigrades

Murs tracés à coups de griffe

Et debout comme un moulage de combat

 

Quatre     L'eau bien épaisse bien ajointée

L'eau remplie remplissant

L'eau sans jour sur le poisson mouillé

 

Et la terre comme fonds la recouverte la patiente

    L'implicite

 

Michel Deguy, Figurations, Poème-proposition-études, "Le Chemin",

Gallimard, 1969, p. 86.

 

 

 

27/12/2011

Ugo Foscolo, Les Tombeaux et autres poèmes

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Qu'attends-tu ? Déjà du siècle fuit la trace ;

Là où du temps les décrets sont rompus,

Il s'abîme, emportant dedans la nuit

Vingt de tes années, et l'oubli froid les lange.

 

Car si la vie est angoisse, erreur, colère,

De ton être, assez d'heures tu as traîné ;

Vis mieux alors, et par l'étude laisse

Des modèles à ceux qui te diront ancien.

 

Enfant malheureux, et amant sans espoir,

Sans patrie, âpre pour tous et pour toi-même,

Jeune d'années mais rugueux de visage,

 

Qu'attends-tu ? Brève est la vie, pérenne l'art ;

À qui d'œuvrer fièrement n'est point permis,

Que de libres écrits lui portent gloire.

 

 

Che stai ? Già il secol l'orma ultima lascia ;

Dove del tempo son le leggi rotte

Precipita, portando entro la notte

Quattro tuoi lustri, e obblio freddo li fascia.

 

Che se vita è l'error, l'ira , e l'ambascia,

Troppo hai del viver tuo l'ore prodotte ;

Or meglio vivi, e con fatiche dotte

A chi diratti antico esempi lascia.

 

Figlio infelice e disperato amante,

E senza patria, a tutti e a te stesso,

Giovine d'anni e rugoso in sembiante,

 

Che stai ? Breve è la vita e lunga l'arte ;

A chi altamente oprar non è concesso

Fama tentino almen libere carte.

 

Ugo Foscolo, Les Tombeaux et autres poèmes / Dai Sepulcri

ed altre poesie, traduit de l'italien et présenté par Michel Orcel, collection

Villa Médicis, Académie de France à Rome, 1982, p. 65 et 64.

 

26/12/2011

André Frénaud, Hæres

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Mais qui a peur ?

 

Les arbres mouillés,

les armes rouillées,

l'astre dérobé,

le cœur engourdi,

chevaux encerclés,

château disparu,

forêt amoindrie,

accès délaissé,

lisière éperdue,

source dessaisie,

 

— la neige sourit.

décembre 1974

 

 

  L'homme

 

L'homme

exposé

retourne

à l'origine

à la Mère

est jeté

en défi

au Destin

hors des lieux

par instants

adoptifs.

 

Origine de l'œuf

 

L'œuf se ferme-t-il ou bien s'ouvrira-t-il ?

L'aube traversera-t-elle

ces frondaisons épaisses de la nuit ?

Ou si le couchant s'appesantit décidément, si le globe

s'entoure de cernes concentriques, de paupières,

  l'une après l'autre qui se fermeront,

rapetissant puis annulant

ce point qui étincela comme jamais, un instant bref,

et qui n'en finit pas de disparaître,

ce point, peut-être, qui est là de nouveau,

   qui grandit.

 

L'œuf qui se précise passera-t-il par ce poisson

pour nous faire advenir ?

 

C'était déjà la fin. Et c'est encore la fin.

C'est encore le retour, ou déjà le retour.

 

André Frénaud, Hæres [1982], p. 147, 189, et

Nul ne s'égare, p. 260, dans Nul ne s'égare [1986],

précédé de Hæres, préface d'Yves Bonnefoy,

Poésie / Gallimard, 2006.
 

25/12/2011

Pascal Quignard, La nuit sexuelle

 

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                                    Golgotha

   Le Golgotha est encore un orage. C'est encore une colline enveloppée d'un orage qui vient créer la nuit noire en plein jour. La mère regarde son enfant mort. Au puits de la grotte s'est substituée la nef d'une église. À la torche s'est substitué le cierge. Mais les corps humains tombés dans la mort présentent la même opisthotonie déroutante. De Lascaux au-dessus de Montignac à Colmar sur la Lauch en Alsace, c'est toujours le corps incurvé de la transe. Opisthotonie, possession, transe, cauchemar — tous jettent soudain les bras en arrière, disloquent la tête, arquent le corps, font tomber sur le sol derrière eux. Sous les yeux de la jument nocturne (mare), l'elfe pesant sur son ventre, la Morgane de Füssli est arquée comme le chasseur paléolithique du Puits.

 

   Le passage du charognage à l'attaque imitée des mœurs des grands animaux a demandé des centaines de millénaires à notre espèce. La représentation de la scène de charognerie doit être distinguée de celle de la curée. Les pièges, qui sont animaux, sont plus anciens que la chasse (la prédation imitée), qui est humaine. Il faut disjoindre ces deux fonctions. D'un côté le charognage, ses pièges, ses battues, ses fosses, ses grottes. De l'autre la vision immobile, le guet-appensé, l'attaque, la mise à mort, le partage sanglant de la viande fondant le sacrifice. Des millénaires pour chaque stade, encore que ces deux stades soient des lectures de signes, des « visions ». Ce sont des millénaires de visions réelles mais aussi de hantises diurnes, d'hallucinations affamées, de rêves nocturnes involontaires. La scène primitive qi s'élève involontairement dans les songes fit appel à ces deux lots d'images fondamentales, d'abord antéhumaines, puis préhistoriques.

   D'une part charognage. De l'autre curée.

 

   La chasse inventée à partir de la carnivorie imitée, la sacrifice sanglant de victimes humaines, l'initiation sanglante des pubères, les guerres historiques sont autant de rituels reproduisant la métamorphose princeps de proie en prédateur.

   Durant des millénaires les hommes exterminent les fauves.

   Les surmassacres furent d'abord des démonstrations spectaculaires des prouesses prédatrices des hommes.

   C'est l'arène romaine. Ce sont les pyramides méso-américaines. Toute vie se paie d'une autre vie.

   In suo peccato morietur. Chaque humain mourra dans son péché. Nous amassons des trésors pour le jour de colère. Nudus exii de utero matris. Nu je suis sorti de l'utérus de ma mère. Nu je retournerai dans la terre. Car nous n'avons rien apporté à ce monde.

   Le mal, dit Augustin, convocat spectatores.

   La souffrance illimitée attire irrésistiblement (éternellement) les regards.

   La suite des séquences de la passio et Mors Jesu est traditionnelle dès la fin du monde antique : l'arrestation nocturne dans le jardin de Gethsémani, la flagellation, le couronnement d'épines, le portement de Croix, la montée au mont des Oliviers, la crucifixion des pieds et des mains, le percement du flanc par le fer de la lance, la mort dans l'orage sur le calvaire, la descente de Croix, la mise au tombeau. Comme le fond de la nuit est bleu Dürer dessina Die Grüne Passion, en 1503 et en 1504, au crayon blanc, sur un papier dont la teinte bleue vire lentement au vert.

 

Pascal Quignard, La nuit sexuelle, chapitre X, Flammarion, 2007, J'ai lu en images, 2009, p. 77-81.



24/12/2011

Edmond Jabès, Je bâtis ma demeure

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La tortue

 

Toute à sa lenteur

comme l'aiguille à

l'heure elle détruit

l'immobilité

de la nuit pierreuse

devenue chemin

Le but est grenade

fendue par l'attente

aux écailles larges

La soif a les yeux

mornes des brasiers

qu'elle décourage

 

 

La fourmi

 

Fermière des ans

rivée à la terre

L'été c'est le coq

Avec les racines

audacieux paysage

elle épelle l'arbre

d'hier et de demain

Une perle au front

de la discipline

 

 

           La métamorphose du monde

 

L'insistance qu'ont les flammes à mettre les points sur les i

Le départ est fixé au lendemain de la course

On applaudit les nains qui d'une main atteignent

le nombril des saisons

Les oiseaux participent à la métamorphose du monde

S'envoler pour permettre à l'étoile de s'envoler enfin

La tête en bas les pieds n'ont plus leur raison d'être

sinon de crever les nuages

Le feu a pris dans les maisons L'homme pour lui

ne réclamait pas tant de chaleur

mais

 

Edmond Jabès, Je bâtis ma demeure, Poèmes 1943-1957,

préface de Gabriel Bounoure, postface de Joseph Guglielmi,

Gallimard, 1959, p. 266, 266 et 233.

23/12/2011

Vitezslav Nezval, Prague aux doigts de pluie

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                                      Nezval en 1919


Maïakovski à Prague

 

 

Entre les coiffeurs et les popes

Un athlète agile comme une antilope

Ses jeux préférés c'étaient

Les vers et le revolver à tambour

Qui veut de la vodka qui se bouche les intestins

Gauche gauche gauche

 

Quand Maïakovski vint à Prague

J'étais dans un théâtre au vestiaire

Haut-de-forme de maître de poste

Qu'il est impossible d'enlever

 

C'était futuriste

Comme nos vies brèves

Et comme ce passant superbe

Qui boirait de la jambe gauche

 

Il avait l'air trop sérieux pour un poète

Il était trop empâté pour une grenouille

Ah tout ce qui serait arrivé

Si la veste et la fiancée étaient de la même cuvée

 

C'était de la honte

Que naît la haine

Comme les éléphants il dédaignait toute chose

Plus le ciel est lointain plus il est monotone

 

Surtout dans les bars

Où n'importe qui admire le charlatan

Il l'avait vu danser à Harlem

Il aimait les palmiers autant que les pommes de terre

 

Des volets

Et Maïakovski est mort

Lui qui pleurait dès qu'il était seul

Tu connais cela et moi aussi je connais cela

 

Comme nous aimons Prague

Chaque fois qu'il venait quelqu'un de là-bas

Les tavernes et les ménages bouleversés

Et la Voltava tout à coup séduisante

Comme une baigneuse

 

Nous nous éloignons dans la nuit

À l'angle d'une rue Maïakovski agite son chapeau

Tu te jettes tête baissée

Dans des vers indéfinissables comme la nuit

 

Et Prague est de nouveau vivante

Le charme des blondes de la petite charcuterie

Comme les ouvrières sont belles

Et nous ne le savions pas

 

Tu marches et tu parles

Les perspectives défilent

Belles et usées

Comme ton manteau marron

 

Je connais dans les faubourgs un immeuble

Auquel il ressemble

Comme la poésie à la réalité

Et comme la réalité à la poésie sa demi-sœur

 

Vitezslav Nezval,  Prague aux doigts de pluie, et autres poèmes  (1919-1955), traduit du tchèque par François Kérel, Préface de Philippe Soupault, Les  Éditeurs Français Réunis, 1060, p. 63-64.

22/12/2011

Joyce Mansour, Carré blanc

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Du doux repos

 

 

Prends vite une plume

Écris

Je volerai je volerai

L'orbite de la lune sauvage

Les grêles sanglots des vagues

Venues de l'autre rive

Vagues vaguelettes bandelettes et babillage

Écris

Roule entre mes bras

Ainsi qu'un caillou entre le ciel et le fond

D'un puits

Le sable sauvegarde de l'aveugle

Sur le parchemin de sa nuit

Prends vite du papier

Écris

Suis moi entre les plates bandes

tranchées béquilles épines

Écoute

Les confidences de la rose

Mâchées hachées anodines

Écris donc sur le dos d'un raz-de-marée

Grave ton signe

Mille fois inscris

La joie muette de l'ordure

Sous les voiles soumises

De l'aigue-marine

Trace

Le trait indélébile

Mon vert cœur épris ô maléfice de la lune

Signe résolument de ta verge hautaine

Sur le casque et le heaume de l'escargot cacheté

Écris signe barre

Je me noie dans l'encrier du moindre mot

Jamais

 

 

Poème sur papier rose

 

 

Ma passion gravée sur une petite pierre

Seule roule aveugle

Vers

Le nombre

Quinze

 

Servante effroyable de ta cuisse contraire

Ma bouche vide ton corps de son sperme

Ma langue greffe des sauvageons

Sur le buste du Quai Voltaire

Suivre ton usage

Dormir

 

Irruption des barbares

Versons la semence ânonnante de samedi

Dans la gamelle de la dixième chambre

Effaçons la Justice de nos portillons

Quel mot est plus faux que le mot gratuit

 

Joyce Mansour, Carré blanc, "Le Soleil Noir", éditions du Soleil, 1965, p. 121-122 et 67.

 

21/12/2011

Kobayashi Issa, Sous le ciel de Shinano

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la neige doucement descend

qui aurait encore le cœur à rire

sous le ciel de Shinano

 

au soir

parlant avec la terre

les feuilles tombent

 

au soir tombant

un vol d'oies sauvages les fumées

blotti sur moi-même

 

herbes échevelées

le froid se sent

rien qu'à vue d'œil

 

silence des réclusions d'hiver

cette nuit j'ai entendu

la pluie tomber sur la montagne

 

juste de quoi faire un feu

les feuilles mortes

que le vent m'a apportées


Kobayashi Issa [1763-1827], Sous le ciel de Shinano, textes choisis et traduits par Alain Gouvret et Nobuko Imamura, Arfuyen, 1984, n.p.


 

Quelques éléments bibliographiques sur le haïku en français.

 

 

Anthologie du haïku en France, sous la dir. de Jean Antonini, Lyon, Aléas, 2003.

Au fil de l'eau : les premiers haïku français, éd. établie par Éric Dusert, Paris, Mille et une nuits, 2003.

BAUDRY Micheline (sous la direct.), Sur d'autres pas : géographie du haïku canadien-français, Seichamps, Association française de haïku, 2004.

BAUMANN Lucien, Haïkaï à la française, Strasbourg, L. Baumann, 1983.

BELLEN Salim, L'Échelle brisée, Seichamps, Association française de haïku, 2006.

BERGÈSE Paul, Le coucou du haïku, gravures de Titi Bergèse, Véron, éd. de la Renarde rouge, 2003.

BIGA Daniel, La Chasse au haïku, Bouvron, Les éd. du Chat qui tousse, 1998.

BLANCHE Patrick, L'apprenti-bouddha et l'arbre d'en face, Seichamps, Association française de haïku, 2006.

BOISSÉ Hélène, Le jour ne se lève jamais seul : haïkus, Association française de haïkus, 2009.

BORDES Luc, L'esprit du promeneur : haïkus, Lyon, Assocaition française de haïku, 2009.

BOUDET  Alain, Haïku du soleil, ill. d'Adeline Lorthios, Toulon, Pluie d'étoiles, 2004.

Bourgeons éclos, (sous la direct. de Daniel Py), par les lauréats du concours Haïku-Sebryu d'internet, illustr. par Ion Codrescu, Seichamps, Association française de haïku, 2003.

CALAFERTE Louis, Haïkaï du jardin, Paris, Gallimard, 1991.

CALMANT Michel, 66 haïkus anciens et modernes, préface de Dietrich Krusche, Paris, Librairie-galerie Racine, 2007.

CAZALIS Alain et MORI Eiko,  Haïku, 5 eaux-fortes d'A. Cazalis et 5 de E. Mori, avec 32 poèmes haïkus de Claude Carcassonne, Marseille, L'Échoppe, 1993.

CHIPOT Dominique (coordination de -), Le soleil sur la rosée, ouvrage collectif, illustré par les élèves de l'école Pauline Kergomard d'Arras, Seichamps, Association française de haïku, 2006.

CLAUDEL Paul, Cent phrases pour éventail, présentation de Michel Truffet, Paris, Gallimard, 1996 (1ère éd., 1926).

CONSTANTIN Pierre, Vivant (haïku), encres de Michel Joyard, Cannes, éd. Tipaza, 1999.

CONVERSET Pierre, Haïku des pierres, photog. de l'auteur, textes de J. Poullaouec, préf. d'Yves Coppens, Rennes, Apogée, 2006.

COURTAUD Pierre, Trente-trois haïkaï des sites et autres modèles, La Souterraine, La Main courante, 1987.

COURTAUD PIERRE, Onze haïkaï de la fluidité, ill. par Guy Teste, Berthecourt, G & g, 2001.

DESCÔTEAUX Diane, L'heure du thé : haïku, préf. de Georges Karedas, Paris, éd. Karedas, 2008.

DRUART Henri, Pincements de cordes, 288 haïkaïs en 24 séries, préface de René Maublanc, Reims, éd. du Pampre, 1929.

D'un ciel à l'autre : anthologie de haïkus de l'Union européenne, Seichamps, Association française de haïkus, 2006.

Éclair soudain : haïkus francophones, Seichamps, Association française de haïku, 2005.

FOURIER Claire, Le temps de le dire : haïku d'été, Paris, éd. J.-P. Rocher, 2004.

FOURIER Claire, Tâches de rousseur : haïku d'automne, préf. de Jean Markale, Paris, éd. J.-P. Rocher, 2006.

FRAIN Irène, Chat haïku, eaux-fortes de Bernard Vercruyce, Auvers-sur-Oise, Au chat mage, 1997.

GASC Yves, Infimes débris : 60 haïkus, Paris, éd. Saint-Germain-des-Prés, 1980.

GASC Yves, L'Eaublier : 99 haïkus, Paris, Le Méridien, 1990.

GILBERT-LECOMTE Roger, Neuf haïkaï, Montpellier, Fata Morgana, 1977.

Gong, revue francophone de haïku, Seichamps, Association française de haïku, n° 1, nov. 2004.

GUINSBOURG Élisabeth, 1000 haïkus, dessin de Danièle Le Bricquir, Paris, Caractères, 1999.

Haïku, Le Hotwald, éditions LUS [= Libre université de Samadeva], 2007.

Haïku : anthologie canadienne, préparée sous la dir. de Dorothy Howard et André Duhaime, Montréal, éd. Asticou,

HULIN Bruno, Le Geai grincheux, ill. de Jean-Marc Demabre, Seichamps, Association française de haïku, 2004.

LACHÈZE Henri, D'un silence à l'autre : haïkaï, Sainte-Geneviève-des-Bois, Maison rhodanienne de poésie, 1999.

Le Haïku en français, Seichamps, Association française de haïku, 2003.

LANOUE David, Fou de haïkus, traduit de l'anglais (américain) par Alain Adaken et Richard Carter, Rennes, La Part commune, 2008.

MALINEAU Jean-Hugues, Trente haïku rouges ou bleus, ill. de Christian Piéron, Toulon, Pluie d'étoiles, 2000.

MARICOURT Paul de, D'un quai à l'autre : haïkus et senryûs du métro, illustr. de Thierry Poulhès, Seichamps, Association française de haïku, 2008.

MAUDUY Jean-Pierre, Assis sur un muret de pierre : poèmes et esprit du haïku, J.-P. Mauduy, 2003.

MELANÇON Robert, Quartiers d'hiver, avec 3 photographies d'Yves Laroche, Seichamps, Association française de haïku, 2007.

MICHELOT Soizic, Haïku, Petits chants de la pluie et du beau temps,  Rennes, La Part commune, 2010.

NOIR Michel, J'entends une fourmi : haïkus, Paris, éd. de La Différence, 1994.

OSANATI Jacques, La tulipe et l'espoir : haïku et son commentaire, photog. de Xavier Coulmier, Aix-en-Provence, l'Ouisti, 2007.

PALAQUER Patrice, Chroniques d'Oburo : haïku d'un planqué, illust. de Nishi, Seichamps,

Association française de haïku, 2003.

Ploc, La revue du haïku, Association pour la promotion du haïku, Seichamps, n° 1, déc. 2008.

POULLAOUEC Jacques, Haïku des quatre éléments, Rennes, La Part commune, 2006.

POUPAS Jean-Pierre, Bref, des haïku, Le Pallet, Traces, 2002

POUPAS Jean-Pierre, Haïku d'œil, vignettes de M.-F. Lavaur, Le Pallet, éd. Traces, 2005.

POUPAS Jean-Pierre, Ma tasse de thé : haïku monostiques, Le Pallet, Traces, 1998.

PY Daniel, Haïku : 1999-2000, trad. en anglais de l'auteur, ill. d'Odette Py, Aguessac, éd. associatives Clapàs, 2001.

QUERO Pascal, Pas de fil entre les regards, illustrations de Line Michaud, Seichamps, Association française de haïku, 2006.

QUINTA Philippe, Comme nous la mouche, haïkus et senryûs, Seichamps, Association française de haïku, 2008.

RAOUL Louis, Flaques du chemin : haïku, ill. de Michel-François Lavaur, Le Pallet, Traces, 1997.

RAY Lionel, Pages d'ombres, suivi de Un besoin d'azur et de Haïku, Paris, Gallimard,

Regards de femmes : haïkus francophones, réunis sous la direction de Janick Belleau, Montréal, éd. Adage, 2008.

RELIQUET Philippe, D'un loin si sombre : poèmes, haïku (1998-2003), avec deux dessins de Fred Deux,

RENONDIN Françoise, Si la terre ainsi demeure, suivi de 19 haïkus, Blois, F. Renondin, vers 1998.

RIBIÈRE René, Haïkaï, poèmes, Cavaillon, imprimerie Mistral, 1968.

ROUBAUD Jacques, Io et le loup : dix-sept plus un plus un haïku en ouliporime, Paris, Oulipo, 1981.

SELLÈS Jacques, Haïkus sous la neige, suivi de Gouttes de vitre, Le Bugue, l'Ivre cœur, 2002.

SIGG Juan, Parfums escarpés, Seichamps, Association française de haïku, 2005.

STÉFAN Jude, Stances (ou 52 contre-haï-ku), Cognac, Le temps qu'il fait, 1991.

TABLADA José Juan, Papillons de l'instant, adaptés par Patrick Blanche, Association française de haïku, 2009.

TANGUY Pierre, Haïku du chemin : en Bretagne intérieure, Rennes, La Part commune, 2002.

TANGUY Pierre, Haïku du sentier de montagne, préf. d'Alain Kerven, Rennes, La Part commune, 2007.

TIXIER Roland, Temps ordinaire banlieue est, 100 haïkus inédits, Grenoble, Le Pré carré, 2004.

Trois graines de haïku, Seichamps, Association française de haïku, 2009.

VERBEKE Geert, Baobab, Seichamps, Association française de haïku, 2006.

VILLENEUVE Jocelyne, Feuilles volantes, recueil de poèmes rédigés à la façon du haïkaï, suivi d'une bibliographie du haïkaï, Canada, Naasman, 1985.

WHITE Kenneth, Les cygnes sauvages : voyage haïku, trad. de l'anglais par Marie-Claude White, Paris, Grasset, 1990.

 

 

20/12/2011

Henti Michaux, Moments, Traversées du temps

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                                                         Lignes

 

                Sur des lignes tracées sans but sur le papier ; sur des pages de

                lignes. 


                                                      

 

Ennoblie par une trace d'encre, une ligne fine, une ligne, ou plus rien ne pue

 

Pas pour expliquer, pas pour exposer, pas en terrasses, pas monumentalement

 

Plutôt comme par le Monde il y a des anfractuosités, des sinuosités, comme il y a des chiens errants

 

une ligne, une ligne, plus ou moins une ligne...

 

En fragments, en commencements, prise de court, une ligne, une ligne...

... une légion de lignes

 

Alevins de l'eau nouvelle d'un sentiment qui point, parle, rit, ravit ou qui déjà par moments poignarde

 

Échappées des prisons reçues en héritage, venues non pour définir, mais pour indéfinir, pour passer le râteau sur, pour reprendre l'école buissonnière, lignes, de-ci de-là, lignes,

 

Dévalantes, zigzagantes, plongeantes pour rêveusement, pour distraitement, pour multiplement... en désirs qui s'étirent, qui délivrent.

 

Débris sans escorte, le réel déminé,

Souris du souvenir indéfiniment se profilant à 'horizon de la page,

ou bien tracés légers d'avenir incertain.

 

D'aucune langue, l'écriture —

sans appartenance, sans filiation

Lignes, seulement lignes.

 

Henri Michaux, Moments, Traversées du temps, "Le Point du jour", Gallimard, 1973, p. 29-31.