23/11/2015
Emily Jane Brontë, Poèmes, traduction Pierre Leyris —— Écrire après ?
Il devrait n’être point de désespoir pour toi
Il devrait n’être point de désespoir pour toi
Tant que brûlent la nuit les étoiles,
Tant que le soir répand sa rosée silencieuse,
Que le soleil dore le matin.
Il devrait n’être point de désespoir, même si les larmes
Ruissellent comme une rivière :
Les plus chère de tes années ne sont-elles pas
Autour de ton cœur à jamais ?
Ceux-ci pleures, tu pleures, il doit en être ainsi ;
Les vents soupirent comme tu soupires,
Et l’Hiver en flocons déverse son chagrin
Là où gisent les feuilles d’automne
Pourtant elles revivent, et de leur sort ton sort
Ne saurait être séparé :
Poursuis donc ton voyage, sinon ravi de joie,
Du moins jamais le cœur brisé.
[Novembre 1839]
Emily Jane Brontë, Poèmes, traduction de Pierre Leyris,
Poésie / Gallimard, 1983, p. 87.
Écrire après ?
Face à des innocents lâchement assassinés par d'infâmes fanatiques, la poésie peut peu, pour le dire à la façon de Christian Prigent. Ça, le moderne ? Quoi, la modernité ? Cois, les Modernes… Face à l'innommable, seul le silence fait le poids ; comme à chaque hic de la contemporaine mécanique hystérique, ironie de l'histoire, l'écrivain devient de facto celui qui n'a rien à dire. Réduit au silence, anéanti par son impuissance, son illégitimité. Son être-là devient illico être-avec les victimes et leurs familles.Nous tous qui écrivons ne pouvons ainsi qu'être révoltés par l'injustifiable et nous joindre humblement à tous ceux qui condamnent les attentats du 13 novembre. Et tous de nous poser beaucoup de questions.
Surtout à l'écoute des discours extrémistes, qu'ils soient bellicistes, sécuritaires, islamophobes ou antisémites sous des apparences antisionistes. C'est ici que ceux dont l'activité – et non pas la vocation – est de mettre en crise la langue comme la pensée, de passer les préjugés et les idéologies au crible de la raison critique, se ressaisissent : le peu poétique ne vaut-il pas d’être entendu autant que le popolitique ? Plutôt que de subir le bruit médiatico-politique, le spectacle pseudo-démocratique, les mises en scène scandaculaires – si l'on peut dire -, ne faut-il pas approfondir la brèche qu'a ouverte dans le Réel cet innommable, ne faut-il pas appréhender dans le symbolique cette atteinte à l'entendement, ce chaos qui nous laisse KO ? Allons-nous nous en laisser conter, en rester aux réactions immédiates, aux faux-semblants ? Une seule chose est sûre, nous CONTINUERONS tous à faire ce que nous croyons devoir faire. Sans cesser de nous poser des questions.
Ce communiqué, signé de Pierre Le Pillouër et Fabrice Thumerel, est publié simultanément sur les sites :
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21/10/2015
Emily Jane Brontë, Poèmes
Mon plus grand bonheur, c'est qu'au loin
Mon plus grand bonheur, c'est qu'au loin
Mon âme fuie sa demeure d'argile,
Par une nuit qu'il vente, que la lune est claire,
Que l’œil peut parcourir des mondes de lumière —
Que je ne suis plus, qu'il n'est
Terre ni mer ni ciel sans nuages —
Hormis un esprit en voyage
Dans l'immensité infinie.
[Février ou mars 1838]
I’m happiest when most away
I’m happiest whan most away
I can bear my soul from its home of clay
On a windy night when the moon is bright
Ant the eye can wander through worlds of light —
When I am not and none beside —
Nor earth nor sea nor cloudless sky —
But only spirit wandering wide
Through infinite immensity.
[February or March, 1838]
Emily Jane Brontë, Poèmes, traduction de
Pierre Leyris, Poésie Gallimard, 1963, p. 49.
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29/09/2014
Emily Jane Brontë, Poèmes, traduits par Pierre Leyris
Mon plus grand bonheur, c'est qu'au loin...
Mon plus grand bonheur, c'est qu'au loin
Mon âme fuie sa demeure d'argile,
Par une nuit qu'il vente, que la lune est claire,
Que l'œil peut parcourir des mondes de lumières —
Que je ne suis plus, qu'il n'est rien —
Terre ni mer ni ciel sans nuages —
Hormis un esprit en voyage
Dans l'immensité infinie.
[Février ou mars 1838]
I'm happiest when most away...
I'm happiest when most away...
I can bear my soul from its home of clay
On a windy night when the moon is bright
And the eye can wander through wrld of light —
When I am not and not beside —
Nor earth nor sea nor cloudless sky —
But only spirit wandering wide
Through infinite immensity
[February or March 1838]
Emily Jane Brontë, Poèmes, choisis et traduits par Pierre Leyris, Poésie / Gallimard, 2003 [1963], p. 49 et 48.
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09/09/2014
Emily Jane Brontë, Poèmes (1836-1846), traduction Pierre Leyris
Viens-t’en avec moi
Viens-t’en avec moi
Il n’est plus que toi
Dont mon cœur puisse se réjouir ;
Nous aimions par les nuits d’hiver
Errer dans la neige :
Si nous renouvelions ces vieux plaisirs ?
Noires et folles, les nuées
Tachent d’ombre, là-haut, les terres élevées
Comme elles faisaient autrefois,
Et ne s’arrêtent que là-bas,
À l’horizon confusément amoncelées,
Tandis que les rayons de lune
Si prestement luisent et fuient
Qu’à peine pouvons-nous dire qu’ils ont souri.
Viens avec moi — viens te promener avec moi ;
Nous étions bien plus autrefois,
Mais la Mort nous a dérobés nos compagnons
Comme le Soleil la rosée ;
Oui, la Mort les a pris un à un, nous laissant
Tous deux seuls désormais ;
Aussi mes sentiments se voudraient-ils aux tiens
Nouer étroitement, n’ayant d’autre soutien.
« Non, ne m’appelle pas, cela ne saurait être ;
L’Amour serait-il si constant ?
La fleur de l’Amitié peut-elle dépérir
Pour revivre après de longs ans ?
Non, quand même le sol est humide de larmes
Et si belle qu’elle ait pu croître ;
Car la sève une fois tarie, son flux vital
Ne s’épanchera jamais plus :
Mieux encore que ne fait l’étroit cachot des morts
La Terre sépare le cœur des hommes. »
[Printemps 1844]
Come, walk with me
Come, walk with me ;
There only thee
To bless my spirit now ;
We used to love on winter nights
To wander throw the snow.
Can we not woo back old delights ?
The clouds rush dark and wild ;
They fleck with shade our mountain heights
The same as long ago,
And on the horizon rest at last
In looming masses piled ;
While moonbeams flash and fly so fast
We scarce can say they smiled.
Come, walk with me — come, walk with me ;
We were not once so few ;
But Death has stolen our company
As sunshine steals the dew :
He took them one by one, and we
are left, the only two ;
So closer would my feelings twine,
Because they have no stay but thine.
« Nay, call me not ; it may not be ;
Is human love so true ?
Can Friendship’s flower droop on for years
And then revive anew ?
No ; though the soil be wet with tears,
How fair soe’er it grew ;
The vital sap once perished
Will never flow again ;
And surer than that dwelling dread,
The narrow dungeon of the dead,
Time parts the hearts of men. »
[Spring 1844]
Emily Jane Brontë, Poèmes (1836-1846), choisis
et traduits d’après la leçon des manuscrits par
Pierre Leyris, édition bilingue, Poésie / Gallimard,
1963, p. 144-147.
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19/09/2012
Emily Jane Brontë, Poèmes, "L'amour et l'amitié"
L'amour et l'amitié
L'amour à la sauvage églantine est pareil
Et l'amitié pareille au houx.
Si le houx reste obscur quand fleurit l'églantine,
Lequel fleurit plus constamment ?
La sauvage églantine est suave au printemps ;
L'été, ses fleurs embaument l'air.
Attendez toutefois que revienne l'hiver,
Qui dira l'églantine belle ?
Dédaigne l'églantine et sa vaine couronne,
Fais du houx luisant ta parure
Afin, lorsque décembre aura flétri ton front
Qu'il y respecte sa verdure.
[automne 1839]
Love and friendship
Love is like the wild rose-briar,
Friendship like the holy-tree —
The holy is dark when the rose-briar blooms
But which bloom most constantly ?
The wild rose-briar is sweet in spring,
Its summer blossoms scents the air ;
Yet wait till winter comes again
And who will call the briar fair ?
Then scorn the silly rose-briar now
And deck thee with the holly's sheen,
That when December blights thy brow
He will may leave thy garland green.
[Autumn, 1839]
Emily Jane Brontë, Poèmes, traduction de Pierre Leyris, édition
bilingue, Poésie / Gallimard, 1983 [1963], p. 89 et 88.
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19/03/2012
Emily Jane Brontë, Poèmes (1836-1846)
Il devrait n'être point de désespoir pour toi
Il devrait n'être point de désespoir pour toi
Tant que brûlent la nuit les étoiles,
Tant que le soir répand sa rosée silencieuse,
Que le soleil dore le matin.
Il devrait n'être point de désespoir, même si les larmes
Ruissellent comme une rivière :
Les plus chères de tes années sont-elles pas
Autour de ton cœur à jamais ?
Ceux-ci pleurent, tu pleures, il doit en être ainsi ;
Les vents soupirent comme tu soupires,
Et l'Hiver en flocons déverse son chagrin
Là où gisent les feuilles d'automne.
Pourtant elles revivent, et de leur mort ton sort
Ne saurait être séparé ;
Poursuis donc ton voyage, sinon ravi de joie
Du moins jamais le cœur brisé.
[Novembre 1839]
There should be no despair for you
There should be no despair for you
While nightly stars are burning,
While evening sheds its silent dew,
Or sunshine gilds the morning.
There should be no despair, though tears
May flow down like a river:
Are not the best beloved of years
Around your heart forever ?
They weep — you weep — it must be so;
Winds sigh as you are sighing;
And Winter pours its grief in snow
Where Autumn's leaves are lying.
Yet they revive, and from their fate
Your fate cannot be parted,
Then journey onward, not elate,
But never broken-hearted.
[November, 1839]
Emily Jane Brontë, Poèmes (1836-1846), choisis
et traduits d'après la leçon des manuscrits par Pierre Leyris,
édition bilingue, [1963], Poésie / Gallimard, 1983, p. 87 et 86.
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25/09/2011
Emily Jane Brontë, Poèmes (1836-1846)
Viens-t’en avec moi
Viens-t’en avec moi
Il n’est plus que toi
Dont mon cœur puisse se réjouir ;
Nous aimions par les nuits d’hiver
Errer dans la neige :
Si nous renouvelions ces vieux plaisirs ?
Noires et folles, les nuées
Tachent d’ombre, là-haut, les terres élevées
Comme elles faisaient autrefois,
Et ne s’arrêtent que là-bas,
À l’horizon confusément amoncelées,
Tandis que les rayons de lune
Si prestement luisent et fuient
Qu’à peine pouvons-nous dire qu’ils ont souri.
Viens avec moi — viens te promener avec moi ;
Nous étions bien plus autrefois,
Mais la Mort nous a dérobés nos compagnons
Comme le Soleil la rosée ;
Oui, la Mort les a pris un à un, nous laissant
Tous deux seuls désormais ;
Aussi mes sentiments se voudraient-ils aux tiens
Nouer étroitement, n’ayant d’autre soutien.
« Non, ne m’appelle pas, cela ne saurait être ;
L’Amour serait-il si constant ?
La fleur de l’Amitié peut-elle dépérir
Pour revivre après de longs ans ?
Non, quand même le sol est humide de larmes
Et si belle qu’elle ait pu croître ;
Car la sève une fois tarie, son flux vital
Ne s’épanchera jamais plus :
Mieux encore que ne fait l’étroit cachot des morts
La Terre sépare le cœur des hommes. »
[Printemps 1844]
Come, walk with me
Come, walk with me ;
There only thee
To bless my spirit now ;
We used to love on winter nights
To wander throw the snow.
Can we not woo back old delights ?
The clouds rush dark and wild ;
They fleck with shade our mountain heights
The same as long ago,
And on the horizon rest at last
In looming masses piled ;
While moonbeams flash and fly so fast
We scarce can say they smiled.
Come, walk with me — come, walk with me ;
We were not once so few ;
But Death has stolen our company
As sunshine steals the dew :
He took them one by one, and we
are left, the only two ;
So closer would my feelings twine,
Because they have no stay but thine.
« Nay, call me not ; it may not be ;
Is human love so true ?
Can Friendship’s flower droop on for years
And then revive anew ?
No ; though the soil be wet with tears,
How fair soe’er it grew ;
The vital sap once perished
Will never flow again ;
And surer than that dwelling dread,
The narrow dungeon of the dead,
Time parts the hearts of men. »
[Spring 1844]
Emily Jane Brontë, Poèmes (1836-1846), choisis et traduits d’après la leçon des manuscrits par Pierre Leyris, édition bilingue, Poésie / Gallimard, 1963, p. 144-147.
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