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24/10/2018

Pascal Quignard, Les Larmes

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(…) Les hommes ôtent leurs différentes peaux le soir.

  Puis ils approchent leur corps de la surface lisse de leur miroir. Ils s élavant le visage.

   Ils nettoient leurs crocs avec de petits bouts de bois. Ils essuient une à une leurs griffes. Ils frottent la paume de leurs mains en sorte d’écarter la crasse qui y a imprimée le jour. Ils éteignent la lumière.

  Nus — phosphorescents encore de la lumière qu’ils viennent d’anéantir — ils avancent dans le couloir puis pénètrent dans le noir de leur chambre.

  Ils ouvrent leurs draps et s’y glissent.

  Ils sont si pâles.

  Ils sont comme des grenouilles sur les ries des rivières qui se détachent sur la mousse vête en écarquillant leurs grands yeux exorbités et étranges. Notre pauvre premier monde de têtards est une eau qui est sombre. Avant de naître et de découvrir le soleil nous avons connu un séjour à peu près complètement obscur où nous vivions sans jamais respirer ainsi que le font les carpes et les crabes les poulpes ou les anguilles.

 

Pascal Quignard, Les Larmes, Folio / Gallimard, 2018, p. 189-190.

23/10/2018

Julien Gracq, Petite suite à rêver et autres inédits

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   L’indicible n’a nullement affinité, comme nous tendons spontanément à le croire, avec l’infinitésimal : en fait de seuil d’élocution, la langue oscille plutôt grossièrement entre la paille et la poutre ; il est dans les paysages de l’esprit des cantons entiers et même des chaînes de montagne pour lesquels il ne dispose  d’aucun pouvoir séparateur.

   Autrement dit : Le langage est un outil pour délimiter et saisir tout ce qui ne nousenvahitjamais, et la poésie est en ce sens un contre-langage, parasite du premier, qi dérobe et pervertit au pris de mille ruses les armes de son adversaire : c’est pourquoi il y a peu de poésies de premier jet.

 

Julien Gracq, Petite suite à rêver et autres inédits, dans Europe, "Julien Gracq", mars 2013, p. 12.

22/10/2018

Pierre-Yves Soucy, Reprises de paroles

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XXXI

 

ce monde peut-il tenir d’autres voix

que tous morts seuls     sans pain

la bouche dans la bouche tremblante

 

de prendre la forme d’un silence

le vertige vertical de la beauté

     parvient toujours trop tard

 

la terre s’imprime de pas

que les pas effacent

la parole seule garde les accords

aussi improbables que décombres

 

elles s’aggravent entre vide et réel

 

Pierre-Yves Soucy, Reprises de paroles,

La Lettre volée, 2018, p 41.

21/10/2018

Charles Reznikoff, La Jérusalem d'or

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58

 

Tu crois que tu es une femme

parce que tu as des enfants et des amants ;

mais dans la rue

quand il n’y a qu’Orion et les Pléiades pour nous voir,

tu te mets à chanter, tu joues à la marelle.

 

71

Lorsque le ciel est bleu, l’eau, sur fond de sable, est verte.

On y déverse des journaux, des boîtes de conserve,

   un ressort de sommier, des bâtons et des pierres :

mais les uns, les eaux patientes les corrodent, les autres

   une mousse patiente les recouvre.

 

Charles Reznikoff, La Jérusalem d’or, Unes, 2018, np.

20/10/2018

Cécile A. Holdban, Toucher terre

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                    Autour d’elle

Des images se retournent dans l’ombre

Si simple la nuit assise au fond du corps

d’être pur langage, vérité d’une origine

inscrite.

 

Sortilège du son

on achève l’orage dans le creux d’une oreille

des chevaux mortellement blessés se brisent

entraînent dans les tranchées l’infini galop des mots

 

la lumière creuse plus profond dans ce rêve

en perles sur la peau d’une rosée nocturne

le temps chaviré du poème parmi

les interstices de la foudre.

 

Mais balbutiant il faudra tout reprendre

de la gorge au souffle, resserrer le jour et sa robe trop courte

comme un vêtement d’amour

sur les restes en pièces de la nuit.

 Quelque chose tombait dans le silence. Un son de mon corps. Mon dernier mot fut  je mais je parlais de l’aube lumineuse.(Alejandra Pizarnik)

 

                                                    Cécile A. Holdban, Toucher terre, Arfuyen, 2018, p. 44.

17/10/2018

Jean Roudaut, Littérature de rêve

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                                       Vu d’ici 

  Les rêves rendent vaniteux. Jamais, éveillé, je ne serais capable de dessiner la nuit. Mais en rêve, je découvre, à mesure que je les fais, des fresques merveilleuses. Je construis des palais et des villes imprévisibles. La clarté du jour, partout où je me promène est plus douce qu’une peau de dame. De part et d’autres de la rue, hiératiques, se dressent en ancêtres, Atlante et Caryatide. Ils s’aimeraient, s’ils avaient encore des yeux pour voir. En veillant, ils dorment.

   La même nuit, après le faux temps du changement de décor, de la fenêtre je vois à la rue une enfant immobile et attentive. Quand je la rejoins, elle est devenue aussi grande que moi. Elle porte des bottes cavalières, une robe légère, voile ou zéphyr, que le vent serre contre ses jambes. Malgré son chapeau à larges bords, je vois les yeux, siennois, le sourcil prolongé vers la tempe par  un trait noir.

   Je l’accompagne jusqu’au palais fermé, sa demeure royale.

  Elle passe le portail, comme si elle le traversait,et disparaît entre les statues qui lui rendent les honneurs.

  Une seconde fois perdue.

 Jean Roudaut, Une littérature de rêve, fario, 2017, p. 24-25

                                     *

                                          ce jeudi 18 octobre, à partir de 19 h,

                                    Soirée autour de Tête en bas d’Étienne Faure,

                                  avec un hommage à Julien Bosc, éditeur et poète

                                   librairie Liralire, 116, rue Saint-Maur, 75011, Paris.

 

16/10/2018

Claude Dourguin, Ciels de traîne

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Il y a toujours plus de vérité dans la réalité passée par l’art, la peinture, la littérature, que dans son état brut, comme elle se livre à la perception. Tout est faux — au sens d’exactitude — chez Stendhal et nul comme lui pour nous apprendre l’italianité, l’opéra, la passion, évoquer la vie de province sous la Monarchie de Juillet, désigner la bêtise etc. Chardin en dit davantage sur la nature des fruits que ceux qui sont devant nous sur la table.

   Qu’entendre par cette « vérité » ? La part profonde du mystère, de tremblement, d’obscurité, d’infini, approchés, suggérés ; l’au-delà de l’apparence dans chaque artiste saisit un fragment, différent chaque fois, une face nouvelle, sans que jamais il puisse être épuisé. 

*

 La langue ne parvient à cerner le réel en sa complexité, en sa totalité, en sa fragilité, mais elle donne autre chose que lui, son aura, sa part tremblante justement, ce qui le déborde, peut-être sa face voilée, incertaine qui le relie à un ailleurs sinon à une transcendance. Oui, la langue dans son effort de désignation, d’appréhension se charge de mystère, et ce n’est pas rien : même inadéquat, même insuffisant ce mouvement vaut qu’on le tente.

Claude Dourguin, Ciels de traîne, Corti, 20I1, p. 44-45 et 17.   

                                 * * *

                                     Soirée autour de Tête en bas d’Étienne Faure,

                                  avec un hommage à Julien Bosc, éditeur et poète,

                                          le jeudi 18 octobre, à partir de 19 h,

                                   librairie Liralire, 116, rue Saint-Maur, 75011, Paris.

 

15/10/2018

Étienne Faure, Tête en bas

 

                                  Soirée autour de Tête en bas d’Étienne Faure,

                               avec un hommage à Julien Bosc, éditeur et poète,

                                        le jeudi 18 octobre, à partir de 19 h,

                              librairie Liralire, 116, rue Saint-Maur, 75011, Paris.

 

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Parfois s’excusant, les livres

— d’avoir vécu, d’être jaunes —

chutent, obscurs,

soudain remarqués sur la planche

par leur absence — on les ramasse,

en relit quelques lignes, extraits de vie,

fulgurances, les adopte un temps

puis leur sens retombe, les mains les rangent

au plus haut, côté ciel, en réchappent

un dactyle, une fleur inhalée de longue date,

foin du monde où s’arrêta la lecture d’avant,

et des lettres d’amour recluses

autrefois parcourues en hâte, emmêlées avec

les mots du livre qui les protègent, les enveloppent,

les mots protégeant les mots jusqu’à la prochaine

lecture quand d’autres mots s’acclimatent

au noir des signes, qu’on y voie.

 

chutes

 

Étienne Faure, Tête en bas, Gallimard, 2018, p. 81.

13/10/2018

Georges Didi-Huberman, Passer, quoi qu'il en coûte

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(…) Après tout, les réfugiés ne font que revenir. Ils ne « débarquent » pas de rien ni de nulle part. Quand on les considère comme des foules d’envahisseurs venues de contrées hostiles, quand on confond en eux l’ennemi avec l’étranger, cela veut surtout dire que l’on tente de conjurer quelque chose qui, de fait, a déjà eu lieu : quelque chose que l’on refoule de sa propre généalogie. Ce quelque chose, c’est que nous sommes tous les enfants de migrants et que les migrants ne sont que nos parents revenants, fussent-ils lointains (comme on parle des « cousins »). L’autochtonie, que vise, aujourd’hui, l’emploi paranoïaque du mot « identité », n’existe tout simplement pas et c’est pourquoi toute nation, toute région, toute ville ou tout village sont habités de peuples au pluriel, de peuples qui coexistent, qui cohabitent, et jamais d’ « un peuple » autoproclamé dans son fantasme de « pure ascendance ». Personne en Europe n’est « pur » de quoi que ce soit — comme les nazis en ont rêvé, comme en rêvent aujourd’hui les nouveaux fascistes —, et si nous l’étions par le maléfice de je ne sais quelle endogamie pendant des siècles, nous serions à coup sûr génétiquement malades, c’est-à-dire « dégénérés ».

 

Georges Didi-Huberman, Niki Giannari, Passer, quoi qu’il en coûte, éditions de minuit, 2017, p. 31-32.

11/10/2018

Niki Giannari, Des spectres hantent l'Europe

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Des spectres hantent l’Europe

     (lettre d’Idomeni)

 

(les migrants)

Se posent ici,

attendent et ne demandent rien,

seulement passer.

 

De temps en temps, se retournent vers nous

d’une réclamation incompréhensible,

absolue, hermétique.

Figures insistantes de notre généalogie oubliée,

délaissée, personne ne sait où et quand.

Dans ce vaste temps de l’attente,

nous enterrons leurs mort à la va-vite.

D’autres leur éclairent un passage dans la nuit,

d’autres leur crient de s’en aller

et crachent sur eux et leur donnent des coups de ped,

d’autres encore les visent et vont vite

verrouiller leurs maisons.

Mais ils continuent, eux, à travers la sujétion

dans les rues de cette Europe névrosée

qui « sans cesse amoncelle ruines sur ruines »

au moment même où les gens observent le spectacle,

depuis les cafés ou les musées,

les universités ou les parlements.

 

Niki Giannari, texte bilingue, dans Georges Didi-Huberman et N. G., Passer, quoi qu’il en coûte, éditions de Minuit, 2017, p. 13 et 15.

 

 

 

 

10/10/2018

Pierre Reverdy, La guitare endormie

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                            Panorama nocturne

 

         Les étoiles sont près du toit et le reflet sur la façade

Un sillon tortueux creuse le sol autour de la colline

                  Du pavillon

                  Du temple

                  De la ville

Les trois chemins qui montent sont bordés de maisons

         Des lampes éclatent en fruits lumineux entre les arbres noirs

Et les feuilles de bronze qui tombent du soleil

Là-haut il y a vraiment une tête et des épaules sous la neige

Mais tout le long des toits autour du cercle merveilleux

              Des voix qui chantent

 

Pierre Reverdy, La guitare endormie, dans Œuvres complètes, I, Flammarion,

2010, p. 271.

09/10/2018

Laurent Cennamo, L'herbe rase, l'herbe haute

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À midi le poème

 

À midi le poème porte un mouchoir

sur la tête. Tu lisais sur le balcon. L’enfant

blond en été, la fleur de coquelicot qui dépasse

du muret de pierres sèches. Les grands chênes

poussiéreux à l’horizon, le Petit Salève

lavandière penchée au-dessus de son invisible

baquet d’où jaillit un nuage de papillons.

Tu lisais, toi aussi à l’envers. Écrire

Beaucoup plus tard serait comme traverser

Le miroir, écrire dans l’air, comme Tolstoï

Dans la petite gare, Kafka

sur la photographie fraiche contre le mur,

fourrure, épais manchon. Ton front brûlant,

comme le cygne plonge sa tête et son

long cou dans les eaux du lac,

éblouissantes. Tu es un enfant encore pour peu

de temps, bientôt le poème prend fin (il est

midi) le ciel bascule et le Petit Salève

comme une bille dans son château de bois

 

Laurent Cennamo, L’herbe rase, l’herbe haute,

Bruno Doucey, 2018, p. 47.

08/10/2018

Ingeborg Bachmann, Malina

 

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Des livres ? Oui, j’en lis beaucoup, j’ai toujours beaucoup lu. Non, je ne sais pas si nous nous comprenons. Je lis de préférence par terre, ou sur mon lit, presque toujours couchée, non, les livres importent moins que la lecture, noir sur blanc, les lettres, les syllabes, les lignes, ces fixations inhumaines, ces signes, ces conventions fixes, ce délire issu de l’homme et figé dans son expression. Croyez-moi, l’expression en délire, elle provient de notre délire. Ce qui compte aussi, c’est le fait de feuilleter, de courir, de fuir d’une page à l’autre, d’être complice d’un épanchement délirant qui s’est coagulé ; ce qui compte, c’est la bassesse d’un enjambement, l’assurance de la vie dans une seule phrase, et la réassurance des phrases dans la vie. Lire est un vice qui peut se substituer à tous les autres pour nous aider à vivre, parfois ; c’est une débauche, une intoxication qui vous ronge.

 

Ingeborg Bachmann, Malina, traduction Philippe Jaccottet et Claire de Oliveira, Seuil, 2008 (1973), p. 77.

07/10/2018

Rémi Chechetto, Laissez-moi seul

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(…) loin la mort, loin dans le pays laissé loin d’ici, loin dans le pays où je suis né, où nous sommes nés dans la lumière, la poussière, où nous portions les toits des maisons afin que la tranquillité habille et habite notre corps, où nous célébrions les fêtes, pleurions les défaites, où les terres portaient nos noms, où elles paraient nos noms de leurs pierres

 

et les feuilles des arbres s ‘élargissaient afin que l’ombre soit plus tendre, nous étions pain dans les chansons, et lune et robe et chemise et chemin solitaire, nous mêlions l’écho de nos voix aux voix de la colline, les dieux étaient les compagnons de nos veillées, ils nous servaient leurs mots, nous leur servions nos mets, nous pouvions tenter d’être ce que nous voulions, mettions nos pas dans ceux de l’avenir, ne levions les mains que pour accueillir et cueillir la pluie, et nous n’étions pas coupables d’être nés

 

d’être nés là

 

pas coupables

 

arriva la foudre, ou plutôt les bombes furent là, les fusils furent là, engendrant la foudre, prodiguant la foudre, la décuplant, comme arrivée de partout et partout là, partout, jusqu’à la présence de la foudre jusque sous ma peau, et la foudre me vola le soleil qui était mon pain, me vola le toit de ma maison, mes amandiers, mon chant, ma table, l’ombre tendre, mes mots en ordre et mes mots en désordre, ma famille, mes amis, ma boussole, mes blessures anciennes, me vola, décréta que ma terre ne portait pas mon nom et que mon nom était pire q’une quantité inutile, plus négligeable qu’un mégot

(…)

 Rémi Chechetto, Laissez-moi seul, Lanskine, 2018, p. 8-9.

06/10/2018

Maurice Olender, Un fantôme dans la bibliothèque

      cécile mainardi,le degré rose de l'écriture

(…) dans ces années d’enfance, (…- Auschwitz était encore proche dans les familles qui, tout en buvant du thé trop chaud au citron, ne cessaient de dénombrer  ceux des leurs qui n’étaient jamais revenus.

   Mais le fait est là. Auschwitz, c’était l’enfer, une autre planète, absolument, et un temps désormais hors d’atteinte pour une mémoire humaine. Inassimilable, ce passé ne cessait cependant jamais de recharger le présent. Ces intensités d’absence formaient une poche pleine d’oubli où nos existences puisaient leurs jours et leurs nuits.

   Et l’enfant était pris dans une mémoire obligée aux images d’un feu blanc, inabordables.

   Cependant, même sans contenu disponible, la mémoire est un instrument de deuil. Irrémédiablement liée à l’absence, à la mort et aux morts. La mémoire c’est même la seule chose qui nous reste de la mort d’autrui. Et de la mort on ne connaît que la mémoire des vivants. Mais cette mémoire-là, lieu où l’exercice quotidien s’accomplit à notre insu, n’a pas grand chose à voir avec la reconnaissance d’un passé historique. Elle est, cette mémoire, hantée par une absence fondatrice. Et de cette absence du mort à la mémoire il n’y a qu’un pas que vient combler l’oubli. Il porte alors nos existences.

   Comment dire pourquoi il arrive qu’on puisse si bien se passer d’un vivant et tellement moins bien du mort ? Où a-t-on mal d’une absence qui est cette part de l’autre qui nous blesse ? La mémoire a beau être blanche, et même silencieuse, elle n’en demeure pas moins. Et elle persiste cette fraction intime qui nous anime tout en restant inassimilable.

 

Maurice Olender, Un fantôme dans la bibliothèque, ‘’La Librairie du XXIesècle, Seuil, 2017, p. 97-98.