07/06/2024
Vadom Kosovoï, Correspondance Maurice Blanchot–Vadim Kosovoï
Après la lecture de L’Instant de ma mort, de Maurice Blanchot :
La mort en instance, serait-elle toujours la même DEVANT le même jeune homme ou le même enfant ? Et EN lui toujours aussi légère ?
Je la vis sans peut-être la voir (car je fermai les yeux, on le sait) à l’âge de sept ans ou, pour être plus précis, de six ans et demi, dans une petite gare, devant notre train qui devait repartir. Ce fut un lourd obus d’artillerie, trop lourd pour moi, qui gisait à même le sol, couvert d’immondices, (je le remarquai au dernier instant), que je levai péniblement, puis jetai (ou plutôt laissai tomber). Et qui s’enfonça dans mon œil gauche, quasi déchiqueta ma jambe gauche, couvrit ma tête, ma poitrine et mes bras de maintes traces indélébiles de souffrance. Je m’assis, la tête penchée.
Je la revis (si seulement ce « je » m’appartient) de nombreuses fois encore sur les corps mutilés de ces enfants qu’on apportait à l’hôpital, inertes et mugissants, pour les soigner un peu ou plutôt pour les laisser mourir. Je savais, me semble-t-il, que la douleur et l’agonie d’autrui me concernaient de près, qu’elles me promettaient ma propre fin.
Je la revis métamorphosée (mais toujours la même, celle que je croyais connaître, si ce n’est avoir connue) dans mes rêves illuminés, en prison, (deuxième ou troisième année), à travers le feu de plusieurs fins du monde les unes plus fantasmagoriques que les autres.
Je la vis une fois pour toutes (toujours en prison) bien plus calme, voire impassible, pendant une nuit d’adieu et d’extrême épouvante, après une expérience particulièrement lourde de hachisch, une mort qui me rendait mon MOI STRATÉGIQUE, affreusement émietté, dispersé par l’effet du poison [...].
Correspondance Maurice Blanchot –Vadim Kosovoï, Lettre à Maurice Blanchot du 3 novembre (1994 ?), dans PO&SIE, n° 112-113, éditions Belin, 2005, p. 110.
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13/07/2019
Vadim Kosovoï, Hors de la colline
Jeunesse éternelle
d’éblouissantes koboldinettes qui trônaient sur un tas d’ordures
et voilà par le sale balai dépouillées à poil fesses de crotte
un pressoir les berçait de son poing ossifié
une brassière leur siffla un cric-crac d’oisillon
et le seigneur piqué de son au groin du porcelet
en personne les bénit au passage d’un gros coup de casquette
alors quand
quand leurs tignasses d’emprunt brillotèrent de limaille sénile
d’éblouissantes koboldinettes se prirent par les pattes de chiasse
impérissablement
pour dansse le glas tintamarre du sordide balai écorcheur
Vadim Kosovoï, Hors de la colline, version française de l’auteur
avec la collaboration de Michel Deguy et Jacques Dupin, préface
de Maurice Blanchot, illustrations de Henri Michaux, Hermann,
1984, p. 91.
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01/08/2013
Vadim Kosovoï, Hors de la colline
Ni fleurs ni couronnes
comme désastre ils furent en leur jeunesse gris
au seuil de mort gardant comme crachoir l'œil
lucide
d'un bout de bottes deux fois touchèrent la peste
fécale
où pelucheux poussah l'ours au rencart barbote cabossé
du bonnet
car leur moustique poupon s'est déployé pourceau
broutant tripes pour quatre et va vite crapule
s'étouffer de vipères
plus pur que bleu des ciels ils virent un soubresaut
là-haut du dirigeable
en jeunesse seuil de mort
mais point ne s'inclinèrent devant la solitaire amorce
d'oiseau lancé au frisquet cent frissons
par l'homme bête limpide
Vadim Kosovoï, Hors de la colline, version française de
l'auteur avec la collaboration de Michel Deguy et Jacques
Dupin, illustrations de Henri Michaux, Herman, 1984, p. 87.
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