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17/07/2019

Samuel Beckett, Peste soit de l'horoscope

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                  Précepte

 

Passe les années d’études à gaspiller

Le courage qu’il faut pour les années d’errance

Dans un monde qui se détourne poliment

Des incongruités de l’érudition

 

                                               Gnome, 1934

 

Samuel Beckett, Peste soit de l'horoscope, traduction

Édith Fournier, éditions de Minuit, 2012, p. 27.

03/07/2019

Étienne Faure, Scrutations

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Dans la ville à pied, sans repli, sans arrière

pays, origines, hors cela, il emprunte

sous le nom de rue, pont, grève

un parcours exempté de fil, anonyme,

laissant l’impasse pour attraper les quais

via les passages, les cours et circuler

inclus dans la foule  en mue sans arrêt

selon l’heure ou l’allure à laquelle on passe,

interdit soudain sous un nom, un bouquet

au mur scellé (mortellement blessé)

après la chute de naguère, le bruit d’un corps au sol,

épitaphe à jamais cernée du crible des impacts

encore aux murs, semblant dire : passant,

nous allons mourir, et personne n’en saura rien,

ou bien de continuer de parler aux vivants

plus avant, ceux qui vont te survivre

— et le flâneur éclairé sous un angle

un instant exposé au soleil du soir,

médite à découvert avant de traverser vite,

regagner l’ombre.

 

passage à découvert

 

Étienne Faure, Scrutations, dans la revue de

belles-lettres, 2019, I, p. 110.

15/11/2016

Lorand Gaspar, Patmos et autres poèmes

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Il marchait un matin d’hiver

dans les rues vides d’un dimanche à Paris —

vent froid, ciel gris,

l’air un peu hagard, égaré

de l’errant qui ne sait pas au juste où il va —

il avait pourtant un désir précis :

arriver par delà le désespoir —

 

Lorand Gaspar, Patmos et autres poèmes,

Poésie/Gallimard, 2001, p. 170.

10/07/2013

Peter Huchel, La neuvième heure

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     Par les routes

 

La troupe vagabonde

des feuilles glacées,

le jour l'a rabattue sur la fosse à feu

avec ses lacets.

 

Près du chariot

à l'abri de la bâche,

la bohémienne

à ses pieds,

emmitouflé, l'enfant endormi.

Elle sort de sa veste de mouton

un jeune chien qui tète,

en l'allaitant

elle nourrit dans la neige le vent affamé.

 

Sœur lointaine

de la déesse asiatique,

le croissant de silex,

tu l'as perdu

au bord des étangs infernaux.

Tu entends dans la nuit l'aboi

derrière les traces de roues, d'un campement l'autre.

 

 

     Unterwegs

 

Die streifende Rotte

vereister Blätter

fällte der Tag

mit Drähten über der Feuergrube.

 

Neben dem Karren

im Schutz der Plache

die Zigeunerin,

zu ihren Füßen

eingewickelt das schlafende Kind.

Sie hebt aus dem Schafspelz

einen jungen Hund an die Brust,

ihn säugend,

säugt sie den hungrigen Wind im Schnee.

 

Ferne Tochter

der asiatischen Göttin,

die Feuersteinsichel

hast du verloren

am Rand der höllischen Teiche.

Du hörst das Gebell in der Nacht

das der Radspur folgt von Lager zu Lager.

 

Peter Huchel, La neuvième heure [Die neunte Stunde], traduit de l'allemand par Maryse Jacob et Arnaud Villani, Atelier La Feugraie, 2013, p. 63 et 62.