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28/01/2025

Edmond Jabès, Le Soupçon Le Désert

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D’aussi loin que je me souvienne et autant que je puisse l’assurer, je crois que ce sont les fautes d’orthographe que je faisais, enfant, adolescent, qui ont été à l’origine du questionnement qui s’est développé par la suite. Je ne comprenais pas qu’un mot reproduit un peu différemment, avec une lettre de moins ou de trop, ne représentait, brusquement, plus rien que mon maître pouvait se permettre de le biffer rageusement à l’encre rouge sur mon cahier et s’arroger arbitrairement le droit de me punir de l’avoir, pour ainsi dire, inventé.

 

Edmond Jabès, Le Soupçon, Le Désert, Gallimard, 1978, p. 57.

 

01/07/2019

Cécile Mainardi, Idéogrammes acryliques

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Ai lu aujourd’hui sur une stèle du cimetière Cauca-de l’épitaphe « à la mort innattendue de son fils » pas une faute d’inattention comme on disait à l’école non une vraie faute d’orthographe une entorse à la règle dérisoirement gravée dans la pierre comme si elle se justifiait par une forme d’illettrisme devant la mort ne rendait pas le fils à la vie le retranchait plutôt à la réalité dicible de son nouvel état à chaque lecture à chaque lecteur à chaque promeneur qui passe par là et qui accidentellement tombe dessus

 

Cécile Mainardi, Idéogrammes acryliques, Flammarion, 2018, p. 58.

24/09/2018

Raymond Queneau, Entretiens avec Georges Charbonnier

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R. Q. (…) L’origine de l’orthographe, vous savez, cela a été une invention des imprimeurs, des maîtres imprimeurs, pour que tout le monde ne soit pas imprimeur !

G. C. La défense du monopole !

R. Q. La défense du monopole. Que l’orthographe soit quelque chose de compliqué, d’extrêmement difficile, pour qu’on monte les grades des corporations, d’apprenti, de maître, etc., etc.

  L’orthographe, les questions de traits d’union, de tréma, de trucs comme cela, ce sont des subtilités. Quand on pense que jusqu’à la timide réforme de 1901, on se faisait recaler au baccalauréat parce qu’on mettait, je ne sais pas, un mot sans trait d’union, et cela faisait une faute, ou des choses comme cela ! Enfin ce n’est pas sérieux ! Ce n’est pas cela, la langue française, non ? C’est des petites choses !

   En s’obstinant à défendre la place du tréma sur l’ « e » ou l’ »u » ou des niaiseries comme cela, tout d’un coup, il faut bien constater que la langue parlée est totalement différente de la langue écrite. Et c’est très notable en français. Ce qu’il est intéressant de noter c’est qu’en anglais cela ne s’est pas passé comme cela, alors que l’anglais a aussi une orthographe qui est beaucoup plus extravagante que celle du français. La question ne se pose pas, parce qu’il n’y a jamais eu justement cette espèce de gangue imposée au langage par des règles orthographiques secondaires.

 

Raymond Queneau, Entretiens avec Georges Charbonnier, Gallimard, 1962, p. 84-85.