11/07/2019
Fernando Pessoa, Le violon enchanté
35 sonnets, I
Jamais nous n’avons d’apparence, que nous parlions
Ou que nous écrivions ; sauf quand nous regardons. Ce
que nous sommes
Ne peut passer dans un livre ou un mot.
Infiniment notre âme est loin de nous.
Et quelque forte soit la volonté que nos pensées
Soient notre âme, en imitent le geste,
Nous ne pouvons jamais communiquer nos cœurs.
Nous sommes méconnus dans ce que nous montrons.
Aucune habileté de la pensée, aucune ruse des semblants
Ne peut franchir l’abîme entre deux âmes.
Nous sommes de nous-mêmes un abrégé, quand
nous voudrions
Clamer notre être à notre pensée.
Nous sommes les rêves des lueurs de nos âmes,
Et l’un l’autre des rêves les rêves des autres.
Fernando Pessoa, Le violon enchanté, traduction des sonnets
Olivier Amiel, Christian Bourgois, 1992, p. 295.
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