01/08/2020
Littérature de partout rouvrira le 1er septembre
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31/07/2020
Volker Braun, Poèmes choisis
Eh bien donc je suis content
Eh bien donc je suis content
J’aspire l’air dans mes veines
Et j’ai encore mes cinq sens —
Dans ce monde insensé ? —
J’habite au ras de la terre
Qui n’appartient à personne et à moi.
Je vois encore l’arbre et le poisson
Et les mers qui nagent — C’est leur mort
Que tu vois — Des États
De béton horrible. Et même
Le plus libre, un serviteur
Plaie d’action est encore mortelle.
Je redoute la guerre. —
Et c’est ça qui te réjouit ? —
Vivre au plus grand péril
Du présent, le dernier
Ou le premier homme.
Volker Braun, Poèmes choisis, traduction
Jean-Paul Barbe et Alain Lance, Poésie/
Gallimard, 2018, p. 55.
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30/07/2020
Sharon Olds, Odes : recension
Ce livre d’odes semblerait reprendre la tradition ancienne du blason, qui louait diverses parties du corps féminin (moins souvent du corps masculin), née au XVIe siècle avec Clément Marot et le Blason du beau tétin (et celui du laid tétin) en octosyllabes ; le genre est adopté par quelques-uns de ses contemporains, par exemple, Maurice Scève pour les blasons du sourcil, de l’œil, de la gorge, du soupir, de la larme. On écrit aussi des blasons moins conventionnels, notamment à propos du sexe féminin, celui-ci en décasyllabes de Guillaume Bochetel : « O con gentil, con mignon, con joly, / Con rondelet, con net, con bien poly, / Con ombragé d’un petit poil follet, / Con où n’y a rien difforme ou de laid / (etc.) » Les blasons ne se maintiennent pas au-delà du milieu du XVIIe siècle et diffèrent des poèmes de Sharon Olds sur plusieurs points.
Écrits par des hommes, presque toujours sur des parties du corps féminin, ce sont avant tout des jeux littéraires, chacun rivalisant d’esprit dans la description*. Les odes de Sharon Olds, à propos de l’anatomie des hommes et, plus souvent, des femmes, prennent aussi pour sujet un rêve de victuailles ou la Terre, les amis encore en vie ou l’aube sur la baie de San Francisco. On comprend vite que l’objectif n’est pas seulement de célébrer le corps, et souvent de manière à choquer le lecteur qui attendrait de l’ode quelque chose de lyrique (définition minimale aujourd’hui du genre), mais de placer les descriptions dans la société contemporaine.
Préambule aux sept ensembles de poèmes, la première ode est consacrée à l’hymen, d’abord décrit : « Cher mur, / chère porte, cher échalier, chère porte coupée, tu n’es pas / une chatière ou une porte tambour / mais une piñata à usage unique. » C’est introduire à la position de l’auteure, clairement exprimée vis-à-vis du statut de la femme : pour ce qui est de la rupture de l’hymen, il y a eu choix, « quand, avec qui, où et pourquoi ». Une seconde ode à l’hymen précise ce statut ; à qui s’étonnerait qu’une femme âgée (Olds a alors plus de 70 ans) écrive à propos de son hymen, l’auteure répond, « Mais ce n’est pas que mon hymen » et, plus précisément,
N’est-il pas temps de louer la musique
pourpre qu’elle ne joue qu’une fois, la petite
mort qui marque le début d’une vie
intérieure, et la perpétuation de l’espèce ?
On peut voir dans les odes à différentes parties du corps féminin (clitoris, vagin, vulve, etc.), masculin (pénis, gland) et à des pratiques sexuelles (fellation) une forme de provocation, mais vis-à-vis de quoi ? Faut-il penser que certaines parties du corps et leurs mouvements devraient être exclus de la poésie ? Olds, à propos du mot vagin, écrit que nous « semblons / faire une pause avant de le dire, comme si ce mot / était dangereux ». Il s’agit toujours dans ces odes de refuser la vision lisse d’un corps sans organes, de ses fonctions, qui sont intégrées dans l’ensemble de la vie. C’est pourquoi on lira aussi une "ode sauvage", ode aux pets féminins commentée de manière humoristique, « Suis-je allée aussi loin que / possible, avec ces vers que je me tire du cul ? ». C’est pourquoi aussi on lira un poème autour des toilettes sèches et des merdes devenant engrais ; de toute provenance elles sont égales comme veut le prouver leur énumération. Rien de scatologique ni de vulgaire dans les poèmes sur ces moments et choses de la vie, qui sont restitués comme d’autres.
Il s’agit toujours d’écrire à propos de l’expérience humaine. Celle du corps est première, elle fait prendre conscience qu’il est source de plaisirs s’ils sont choisis et partagés ; Olds commente ainsi sa sortie avec un homme pour qui l’amour ne comptait pas, « j’ai cru mourir, mon cœur / c’est mon corps, le prix d’un baiser, c’est ta vie ». Ce corps vieillit et il est nécessaire de vivre ses changements, ses déformations, d’où une "Ode à ma graisse", une "Ode à mon cou de vieille", en louant « ce qui disparaît et qu’on ne peut jamais rattraper », en acceptant « l’excitante absence de charme » parce que, « face au temps », ce qui importe ce ne sont pas seulement les « doubles mentons flétris » mais « mes muses, ma vérité qui n’est pas la beauté ». Ce corps est aussi dans la société, et les odes à la sœur, à la mère, aux amis, aux amants l’expriment sans ambiguïté ; dans une ode à Evie Shokley, poète afro-américaine, l’auteure rappelle son « aveuglement » de n’avoir pas compris immédiatement que sa peau blanche la faisait différente dans une société toujours ségrégationniste. Son premier acte politique a été justement, en sortant de chez l’orthodontiste, d’entrer dans une chaîne de personnes qui empêchait l’accès à une vente pour protester contre la ségrégation — « Premier pas hors du silence ».
Le silence, c’est dans l’enfance celui des repas, de l’absence d’échange avec les parents ; ce qui est constant dans ces années familiales, hors la présence bienfaisante de la sœur, ce sont les coups de la mère avec qui elle rompt par le seul fait de s’enfuir pour ne pas être battue. Rupture mais non pas abandon du lien maternel : elle se souvient dans "Ode de l’harmonie" de la « voix de soprano de [s]a mère » et de son « regard déchirant, enfantin » quand elle l’a veillée. Ses cendres étant dispersées, elle est heureuse qu’elle soit « disséminée — qu’elle soit partout / et nulle part ». Cette relation à la nature, au "grand tout", est constante dans le livre et ne se manifeste pas seulement dans les odes au vent ou au pin ; à propos des arbres dans la ville, le lien de l’humain à tout ce qui est vivant est affirmé nettement, « ce que font les arbres, surtout, / c’est respirer avec nous, nous offrir une respiration / artificielle naturelle ».
Dans les Odes, Sharon Olds renoue avec la poésie whitmanienne que la traduction de Guillaume Condello, quand on se reporte au texte anglais, restitue avec bonheur : certaines odes semblent être écrites directement en français. Ce livre, l’un des derniers de l’auteure, est sans doute une bonne entrée dans l’œuvre mais il faut souhaiter qu’il ne restera pas le seul à être proposé aux lecteurs.
*Le premier recueil de blasons est publié vers 1568-1573, Les blasons du corps masculin et féminin, Composez par plusieurs poètes avec les figures au plus près du naturel, Paris, Veuve Bonfons (Gallica).
Sharon Olds, Odes, traduction Guillaume Condello, Le corridor bleu, coll. SING, 136 p., 15 €. Cette note de lecture a été publiée par Sitaudis le 3 juillet 2020.
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29/07/2020
Julien Bosc, Le coucou chante contre mon cœur
Attendre
Ouvert
Ne pas fléchir
Tout silencer
Voir
Se replier au point de n’être plus
La pensée se dilue
Les nerfs fondent
La chair reprend ses droits
Le corps chavire une vague l’emporte les fonds l’accueillent
Que m’arrive-t-il
Je ne sens plus rien
Mes oreilles saignent
Un voile froisse mes paupières
Mon ventre fait sous moi
Des mains ou je ne sais me tirent
La bougie s’éteint
Le vent tombe
Avec les pétales du pavot
Le feu l’arc-en-ciel Orion le soleil : pleurerais-je ?
Julien Bosc, Le coucou chante conte mon cœur,
Le Réalgar, 2020, p. 25.
© Photo Chantal Tanet
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28/07/2020
Laurent Albarracin, L'herbier lunatique
Retirant la pierre de l’eau
elle luit vivante et morte
On aurait donc arraché
un cœur à ses battements.
Mouille un caillou
assombris-le
et son éclat sèche aussitôt
comme un peu de brume lui venant
Souffle sur la pierre
pour attendrir
ton souffle
En soupesant une pierre
sentir la pierre faire bloc avec son poids
faire pierre avec la pierre
On ne sépare pas le chacun
du tout
Tout l’opaque de la pierre
est le durcissement d’une clarté
tout le dur de la pierre
l’éclat de sa durée
Laurent Albarracin, L’herbier lunatique
Rougerie, 2020, p. 8, 9, 10, 11.
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27/07/2020
Serguei Essenine, Journal d'un poète
Première neige
En route. Silence blanc.
Sous les sabots sonne un galop.
Dans les prés seuls batifolent
des volées de corbeaux gris.
Envoûtée par quelque fée
la forêt somnole en rêvant.
Ne dirait-on pas le sapin
natté de tresse blanche.
Courbé comme une petite vieille
appuyée sur un bâton.
À la cime du houppier
un pivert martèle le tronc.
Le cheval caracole — vaste, l'espace !
La neige étale son châle de flocons.
Sans fin, la route fuit
comme un ruban à l'infini.
(1914)
Sergueï Essenine, Journal d'un poète, traduit
du russe, présenté et annoté par Christiane
Pighetti, éditions de la Différence, 2014, p. 49.
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26/07/2020
André Frénaud, HÆRES
Mais qui a peur ?
Les arbres mouillés,
les armes rouillées,
l’astre dérobé,
le cœur engourdi,
chevaux encerclés,
château disparu,
forêt amoindrie,
accès délaissé,
lisière éperdue,
source dessaisie,
— La neige sourit.
André Frénaud, HÆRES,
Poésie/Gallimard, 2006, p. 147.
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25/07/2020
André Frénaud, La Sainte Face
Comptine à la moustache
La virgule qui s’en, qui s’en va
clopin-clopant, c’est la moustache, adieu papa.
C’est la moustache au rat qui s’en va. C’est la moustache,
c’est la moustache.
Oh ! S’en reviendra-t-il, s’en ressouviendra-t-il
en tronçons de... Ahah, le gros rat, le gros roi ?
C’est la question... La question, c’est la moustache.
André Frénaud, La Sainte Face, Poésie/ Gallimard,
1985, p. 195.
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24/07/2020
André Frénaud, Il n'y a pas de paradis
Un par deux
J’ai maintenant deux corps,
le mien et le tien,
miroir où se fait beau
celui que je n’aimais pas.
Qui ne me portait pas chance
Des succès qui ne m’accordaient rien.
L’amour que nous nous rendons
nous a délivrés des rencontres,
aussi des vertus inutiles.
André Frénaud, Il n’y a pas de paradis,
Poésie/Gallimard, 1967, p. 50.
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23/07/2020
Antoine Emaz, Carnets
Carnets
Le moi n’a aucune importance — c’est ce qui le traverse, ou ce dont il est le lieu, qui peut amener à écrire.
Le moi est une page, il attend.
Art poétique
ne dire que du vrai
payé comptant
quel que soit l’angle
quelle que soit la débâcle de mots
et travailler ensuite
même le dégoût du vrai
même sa laideur
son insignifiance
Ce que je fabrique ne correspond à rien d’écrit, même si je peux entendre résonner dans mon travail d’autres travaux.
Définissons donc comme poème ce qui, écrit, ne correspond à rien... et cessons d’envier les définitions, fausses également parce que tyranniques, d’autres formes — je pense à la note, au roman, au récit.
Antoine Emaz, Carnets, dans Rehauts n° 45 juin 2020, p. 6, 16, 16.
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22/07/2020
Bernard Noël, Le Mal de l'espèce
Le Mal de l’espèce
......Elle envoya des recommandations : il s’agissait de les suivre avec ponctualité. Elle exigeait que le désir soit préservé à l’extrême et outré autant que possible. Elle comptait sur ta volonté pour qu’ainsi soit ouverte dans la limite une brèche qui, certes, ne la romprait pas mais la repousserait encore et encore jusqu’à l’illusion de l’avoir dépassée. Elle aimait, tu l’as tout de suite compris, l’au-delà, c’est-à-dire cette région que nous portons à fleur de peau et que, pourtant, nous ne savons pas envahir pour nous abandonner simplement à la floraison du bonheur. Elle écrivit donc avec précision qu’elle attendait beaucoup de réserve le premier jour — une réserve passionnément tendue et qui, sûrement, aurait pour effet de créer un appétit beaucoup plus vif que la précipitation vers le plaisir.
Bernard Noël, Le Mal de l’espèce, dans La Comédie intime, Œuvres IV, 2015, p. 289.
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21/07/2020
Bernard Noël, Qu'est-ce qu'écrire
Qu’est-ce qu’écrire ? III
Il y a ce mouvement que je n’arrive pas à fixer.
Dans la vie courante, ce serait un élan qu’un geste traduirait. Il n’est pas moins présent dans le corps, et cependant il y demeure insaisissable, comme toujours en train de fuir devant. Devant quoi ? Devant ce qu’il ouvre ou attire ou entraîne. Il laisse le goût de sa trajectoire sans laisser une trace : un goût que j’essaie sur un sens puis l’autre sans réussir à le percevoir clairement. C’est... me dis-je en décidant de mettre un nom dessus pour en finir, mais le nom glisse et se dérobe. Il s’agit d’une germination instantanée qui précède une activité si mince, si rapide qu’elle a tout juste eu lieu pour s’effacer. En vérité, je devrais ne pas l’avoir même remarquée.
Bernard Noël, Qu’est-ce qu’écrire ? III, dans La Place de l’autre, Œuvres III, P.O.L, 2013, p. 213.
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20/07/2020
Bernard Noël, De Gauche, autrement
De gauche, autrement
Depuis toujours, la pensée politique est orientée vers la prise du pouvoir, et par conséquent vers sa conservation. Cela s’exprimait autrefois par l’hérédité du pouvoir absolu. La succession démocratique a introduit la relativité — jusqu’à quel point ? Et l’instauration du pouvoir économique ne rétablit-elle pas le pouvoir absolu, mais masqué ?
Le comble du génie politique est de faire admettre à l’opprimé la nécessité de son oppression. Le chômage remplit très bien cette fonction. Rien n’est plus terrible dans l’Histoire que d’y observer la permanence d’un complexe de servilité, qui a toujours permis l’exploitation consentante de la majorité. La logique de cette permanence aboutit à ce pouvoir économique intelligent, brutal et universel.
Bernard Noël, De gauche, autrement, dans L’Outrage aux mots, Œuvres, II, P.O.L, 2011, p. 387.
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19/07/2020
Bernard Noël, Des formes d'elle
Des formes d’elle
I
vivre dis-tu
c’est la venue
d’un mystère il s’empare
de nous tu vois cette ombre
sur le corps
tu vois
ce fantôme en dessous
la matière a besoin
de matière
ce besoin
est notre infini
ma langue
touche en toi une serrure
intime
tu fais de moi
un moi par-dessus les morts
par-delà les vivants
Bernard Noël, Des formes d’elle, dans
Les Plumes d’Éros, Œuvres I, P. O. L,
2009, p. 279.
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18/07/2020
Paul Claudel, Connaissance de l'Est
La pluie
Par les deux fenêtres qui sont en face de moi, deux fenêtres qui sont à ma gauche, et les deux fenêtres qui sont à ma droite, je vois, j’entends d’une oreille et de l’autre tomber intensément la pluie. Je pense qu’il est un quart d’heure après midi ; autour de moi, tout est lumière et eau. Je porte ma plume à l’encrier, et, jouissant de la sécurité de mon emprisonnement intérieur, aquatique, tel qu’un insecte dans le milieu d’une bulle d’air, j’écris ce poème.
Ce n’est point de la bruine qi tombe, ce n’est point une pluie languissante et douteuse. La nue attrape de près la terre et descend sur elle serré et bourru, d’une attaque puissante et profonde. Qu’il fait frais, grenouilles, à oublier, dans l’épaisseur de l’herbe mouillée, la mare ! Il n’est point à craindre que la pluie cesse ; cela est copieux, cela est satisfaisant.
Paul Claudel, Connaissance de l’Est (1929), Poésie / Gallimard, 1974, p. 82.
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