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09/07/2023

Shakespeare, Sonnets et autres poèmes

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154

Le petit dieu de l’Amour s’était endormi,

Posant près de lui le tison qui enflamme les cœurs,

Tandis que des nymphes toutes vouées à la chasteté

Étaient accourues ; mais dans ces mains virginales

La plus belle vestale s’empara de ce feu

Qui avaient échauffé des milliers de cœurs purs ;

Et c’est ainsi que le chef de l’ardent désir

Fut dérangé par une main pure dans son sommeil.

Ce tison fut plongé dans l’eau froide d’un puits,

Lequel fut échauffé par le feu de l’Amour,

Se transformant en bain et en précieux remède

Pour les malades ; mais moi, victime de ma maîtresse,

     J’y vins pour m’y soigner, et constatai ce fait :

     L’amour échauffe l’eau, l’eau n’éteint pas l’amour.

 

Shakespeare, Sonnets et autres poèmes (Œuvres complètes, VIII), Pléiade / Gallimard, 2021, p.555.

08/07/2023

Shakespeare, Soonets et autres poèmes

 

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77

Ton miroir te dira combien tes beautés s’usent,

Tu verras au cadran fuir tes chères minutes,

Les pages blanches seront empreintes de ton esprit,

Et de ce livre tu pourras tirer cette leçon :

Les rides exhibées par ce miroir fidèle

Te feront souvenir de la tombe béante ;

À l’ombre furtive du cadran, tu sauras

Que le temps, ce voleur, va vers l’éternité.

Vois ce que ton souvenir ne peut préserver,

Confie-le à ces pages en friche, et tu verras

Ces enfants bien gardés, issus de ton cerveau,

Prendre de ton esprit connaissance nouvelle.

     Ces devoirs, chaque fois que tu t’y emploieras

     Te seront profitables, enrichiront ton livre.

 

Shakespeare, Sonnets et autres poèmes (Œuvres complètes, VIII), Pléiade/Gallimard, 2021, p.401.

07/07/2023

Shakespeare, Sonnets

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54

Pourquoi m’as-tu promis une journée si belle,

Me permettant de voyager sans mon manteau,

Laissant de vils nuages me surprendre en chemin,

Et masquer ta splendeur de vapeurs insalubres ?

Il ne te suffit pas de fendre les nuages,

Et sécher mon visage maltraité par l’orage,

Car il n’est personne pour célébrer un baume

Qui soigne la blessure sans gommer la disgrâce ;

Ta honte, elle non plus, ne peut guérir ma peine ;

Malgré ton repentir, moi, je subis ma perte ;

Le regret du coupable est faible réconfort

À qui porte la  croix d’une aussi grave offense.

     Ah ! mais ces larmes que verse ton amour sont

     Riches perles qui rachètent tous les méfaits.

 

Shakespeare, Sonnets et autres poèmes,(Œuvres complètes, VIII), Pléiade/Gallimard, 2022, p. 315.

01/09/2022

Shakespeare, Sonnets

 

                Sonnet 147

 

My love is a fever, longing still

For that which longer nursed the disease,

Feeding on that which doth preserve the ill,

Th’uncertain sickly appetite to please.

My reason, the physician to my love,

Angry that his prescriptions are not kept,

Hath left me, and I desperate now approve

Desire is death, which physic did except.

Past cure I am, now Reason is past care,

And, frantic-mad with evermore unrest,

My thoughts and my discourse as madmen’s are,

As random from the truth vainly express’d.

    For I have sworn thee fair, and thought thee bright

    Who art as black as hell, as dark as night.

    p. 540.

 

 

Las ! mon amour traîne toujours après

ce qui ne fait qu’aigrir sa maladie,

se nourrissant d’un obstiné progrès

vers une illusoire et morbide envie.

Et ma raison mandée pour me guérie

et fâchée qu’on ignore son remède

me quitte : à présent je dois convenir

qu’un désir mortifère me possède.

Et me voilà malade comme un chien

ici et là bavant d’ineptes choses

et ne pouvant plus retrouver un bien

qui me sauverait de cette névrose.

T’ai-je comparée au soleil qui luit ?

Toi, enfer plus noir que la nuit.

 

William Cliff, cité p. 341.

 

Mon amour est comme une fièvre qui n’a de cesse

De raviver la flamme de son mal

En se nourrissant de ce qui attise

L’incertain et pervers appétit de plaire.

Au chevet de l’Amour, ma Raison, furieuse

De voir ses ordonnances non suivies,

M’a quitté et je comprends enfin, au désespoir,

Que privé de remèdes le Désir est la Mort.

Insoucieux, n’ayant plus souci de ma raison

Sans cesse agité, fou, accablé par les sorts

Mes pensées, mes discours sont ceux d’un insensé

Proférés au hasard, n’ayant cure de vérité ;

Car je t’ai juré blonde au teint de lait, toi qui

Noire comme l’enfer et brune comme la nuit.

 

Patrick Reumeaux, cité p. 718-719.

 

Shakespeare, Sonnets et autres poèmes, édition Jean-Michel

Déprats et Gisèle Venet, Pléiade/Gallimard, 2021.

 

 

17/11/2021

Shakespeare, Sonnets

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81

 

Soit je vivrai pour composer ton épitaphe,

Soit tu me survivras, moi pourrissant en terre,

La mort ne peut d’ici dérober ta mémoire,

Même quand je serai tout entier oublié

Ton nom grâce à mes vers aura vie immortelle,

Si je dois (disparu) mourir au monde entier,

La terre m’offrira une tombe ordinaire

Quand tu reposeras au fond des yeux des hommes.

Tu auras pour tombeau mes doux et nobles vers

Que reliront sans fin des yeux encore à naître

Et des langues à venir rediront ton être,

Quand tout ce qui respire au monde expireras ;

     Toi tu vivras toujours (ma plume a cette force)

      Où le souffle prend souffle, dans la bouche des hommes.

 

Shakespeare, Sonnets et autres poèmes, traduction Jean-Michel Déprats, Pléiade/Gallimard, 2021, p. 409.

16/11/2021

Shakespeare, Sonnets

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5

 

Ces heures, dont l’œuvre raffinée a créé

Ce regard merveilleux où tous les yeux s’attachent,

Seront plus tyranniques envers leur propre ouvrage,

Détruisant tout ce qui excellait en beauté.

Car, jamais en repos, le temps mène l’été

Jusqu’au hideux hiver et l’anéantit,

Sève toute glacée, feuilles vertes en allées,

Beauté vêtue de neige et partout nudité,

Alors s’il ne restait de l’été un parfum,

Liquide emprisonné entre des murs de verre,

La beauté et sa puissance d’engendrer mourraient

Sans même laisser un souvenir de ce qu’elles furent.

     Mais les fleurs distillées, confrontées à l’hiver,

     Perdent leur apparence, leur essence survit.

 

Shakespeare, Sonnets et autres poèmes, traduction Jean-Michel Déprats, Pléiade/Gallimard, 2021, p. 257.

15/09/2020

Anne Seidel, Khlebnikov pleure

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SARAT II / Origine

 

le poème commence

nous laissons une image

telle une fumée

de cheminées

monter, un navire

qui sombre

nous regardons les petits

 

(tristia-)

 

meurtri

 

étroit,

silencieux, bourdonnant ou rusé.

 

soir (avec fin)

étranger

 

effleurée, la couverture brillante

près

des réseaux électriques

un lambeau de shakespeare

 

Anne Seidel, Khlebnikov pleure, traduction

(allemand) de Laurent Cassagnau,

éditions Unes, 2020, p. 13.

29/11/2018

Shakespeare, Sonnet

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                  Sonnet CXXXV

 

Chacune a ce qu’elle désire, toi tu as ton Oui,

et Oui en prime, et Oui encore plus ; plus

qu’assez je suis ce qui te vexe encore quand

ainsi je m’ajoute à ton doux Oui ; toi dont le

Oui est large et spacieux, m’accorderas-tu de

cacher mon Oui dans le tien ? En d’autres

Oui semblera digne et pour mon Oui pas

l’ombre d’un je veux bien ? La mer toute

d’eau reçoit bien encore la pluie qu’elle ajoute

abondante à son magasin ; toi riche en Oui

ajoute pareil à ton Oui ce Oui de moi qui

fera ton Oui plus large encore. Un « Non ! »

cruel est tuant pour les prétendants ; pense-

les tous un seul, et moi dans ce seul Oui.

 

Shakespeare, traduction Pascal Poyet, dans

Koshkonong, n° 15, automne 2018, p. 1.

08/10/2017

Shakespeare, Le Viol de Lucrèce

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Ceux qui convoitent vraiment sont rendus si absurdes par leur désir qu’ils gaspillent et abandonnent aussi bien ce qu’ils n’ont pas que ce qu’ils possèdent : espérant davantage, ils ont bientôt moins. Ou, s’ils obtiennent, ils ne gagnent dans cette surabondance que satiété, et en souffrent tant de maux qu’on peut dire qu’ils sont minés par ce pauvre enrichissement.

 

Shakespeare, Le Viol de Lucrèce, dans Les poèmes, traduction Yves Bonnefoy, Mercure de France, 1993, p. 65.

21/02/2016

Shakespeare, Le Marchand de Venise

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                                          Portia

 

Si faire était aussi facile que savoir ce qu’il est bon de faire, les chapelles seraient des églises et les chaumières des pauvres gens des palais princiers. C’est un bon prêtre, celui qui se conforme à ses propres sermons ; il m’est plus facile d’enseigner à vingt personnes ce qu’il est bon de faire que d’être une de ces vingt qui suivent mes propres leçons. Le cerveau peut bien inventer des lois pour modérer le sang, mais une nature ardente saute par-dessus les décrets les plus froids — la folle jeunesse est un lièvre qui bondit par-dessus les filets de cet estropié qu’est le bon conseil —, cependant ce raisonnement n’est pas de nature à me choisir un mari. Hélas ! ce mot « choisir » ! Je ne peux ni choisir qui je voudrais ni refuser qui me déplaît, ainsi la volonté d’une fille vivante est-elle bridée par les dernières volontés d’un père mort ; n’est-il pas dur, Nerissa, de ne pouvoir ni choisir ni refuser personne ?

 

Shakespeare, Le Marchand de Venise, Acte I, scène 2, traduction Jean-Michel Déprats, édition établie par Gisèle Venet et J.-M. Déprats, Pléiade Gallimard, 2013, p. 1043.

30/07/2015

Shakespeare, Sonnets, traduction Pierre Jean Jouve ; William Cliff

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XIII

 

  Ah si vous étiez vous à vous-même ! mais, amour, vous n’êtes vous-même à vous-même que tant que vit ici votre vous-même : contre cette fin qui accourt vous devez vous prémunir, et votre chère semblance à quelque autre la départir.

   Alors cette beauté dont vous avez la jouissance, elle ne trouverait de fin alors vous seriez votre vous-même encore après mort de vous-même, votre doux fruit portant votre très douce forme.

   Qui peut laisser si belle maison tomber à ruine, qu’un soin familier maintiendrait en honneur, contre bourrasque et vent du jour d’hiver et stérile rage du froid éternel de la mort ?

   Oh seulement l’infécond. Cher amour vous savez que vous eûtes un père : que votre fils aussi de vous puisse le dire.

 

William Shakespeare, Sonnets, traduction Pierre Jean Jouve, dans Pierre Jean Jouve, Œuvre, II, édition établie par Jean Starobinski, Mercure de France, 1987, p. 2081.

 

13

Est-ce que tu t’appartiens ? Mon Chéri,

tu ne t’appartiens pas sur cette terre

et avant que ton destin soit fini

tu dois donner de vivre à un autre être.

Lors ta beauté que tu tiens en partage

ne cessera pas avec ton décès

mais elle durera dans l’héritage

délectable que tu auras laissé.

Qui voudrait en effet que la froidure

puisse dégrader son bien tout entier

alors qu’il peut contre l’horreur future

sauver sa beauté par un héritier ?

Et toi-même n’as-tu pas eu un père ?

Fais donc un fils qui bénisse ta sève !

 

Shakespeare, Sonnets, traduction William Cliff,

Les éditions du Hasard, 2010, p. 33.

31/03/2014

Shakespeare, Sonnet 1 (2)

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Deux traductions du premier des Sonnets de Shakespeare. 

 

 From fairest creatures we desire increase,

That thereby beauty's rose might never die,

But as the riper should by time decease,

His tender heir might bear his memory ;

But thou contracted to thine own bright eyes,

Feed'st thy light's flame with self-substantial fuel,

Making a famine where abundance lies,

Thyself thy foe, to thy sweet self too cruel,

Thou that art now the world's fresh ornament.

And only herald to the gaudy spring,

Within thine own bud buriest thy content,

And, tender churl, mak'st waste in niggarding,

   Pity the world, or else theis glutton be,

   To eat the world's due, by the grave and thee.

 

The Oxford Shakespeare, The Complete Works, Clarendon Press, Oxford, 1988, p. 751.

 

Des plus beaux êtres, nous voulons croissance

et que par eux la rose point ne meure,

qu'ils laissent dans leur tendre descendance

la richesse qu'ils eurent à leur heure ;

mais toi fasciné par tes propres yeux,

tu te nourris toi-même de ta flamme,

empêchant que le lit de tes aïeux

se perpétue en fécondant la femme.

Ô toi, du monde si bel ornement

mais seul héraut de tes années superbes,

hélas ! ton bourgeon meurt en enterrant

ce que tu devrais nous offrir en gerbes

car tu ne peux permettre qu'au tombeau

tu donnes tout entier ton corps si beau.

 

Shakespeare, Sonnets, édition bilingue, traduits par William Cliff, Les éditions du Hasard, 2010, p. 9.

 

 

Les êtres les plus beaux on voudrait qu'ils s'accroissent

et que jamais leur splendeur n'en vienne à mourir

mais puisque avec le temps ce qui mûtit périt

qu'en soit mémoire au moins quelque tendre héritier.

 

Mais toi tu ne te voues qu'à l'éclat de tes yeux,

tu en nourris le feu par ta propre substance,

tu crées de la famine en un lieu d'abondance,

ennemi de toi-même et cruel à ton charme.

 

Toi qui es aujourd'hui le chatoiement du monde

et le seul messager du triomphal printemps,

dans ton propre bourgeon tu enterres ta sève

et par économie, cher faraud, tu gaspilles.

 

Ô prends pitié du monde ou sinon dévores

toi et la tombe, ce qu'au monde vous deviez.

 

Shakespeare, dans Jean Grosjean, Une voix, un regard, textes retrouvés, 1947-2004, édition de Jacques Réda, préface de J.M.G. Le Clézio, 2012, p. 232.