22/07/2023
Gerard Manlay Hopkins, Sonnets terribles
Pire, non : rien. Degré de l’au-delà des peines,
Maux neufs nourris aux maux anciens, serrent plus forts,
Grande consolatrice, où est ton réconfort ?
Mère nôtre, ô Marie, ton soulagement vienne !
Mes cris jappent, en harde, accolés à leur chef,
Mal cosmique — à l’enclume archaïque il bruit, gri-
Mace — se calme, arrête. La furie glapit :
« Vite ! Et que je sois cruelle ! Le fort fait bref. »
Ô l’esprit ! il a ses montagnes ; ses écorces
D’à-pics inouïs, inhumains. Ni ne peut tel abîme
Contenir notre esprit limité. Là ! pécore,
Rampe, sous l’aise agit l’ouragan : toute vie
Mort achève et tout jour meurt de sommeil aussi.
Gerard Manley Hopkins, « Terribkes sonnets », 1885-1886¡, dans Le Chaos dans 14 vers, anthologie bilingue du sonnet anglais, traduction Pierre Vinclair, éditions Lurlure, 2023, p. 265.
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21/10/2021
Robert Creeley, Dire cela
Consolatio
Ce qui est parti est parti
Ce qui est perdu est perdu
Ce qui est senti comme battement —
ce qui est pensée, ce qui est maison,
Qui est ici, qui est là —
qu’est-ce que la patience aujourd’hui.
Quelle idée du monde,
pourquoi son écho en retour.
Aujourd’hui je commence —
Pourquoi craindre la fin.
Robert Creeley, Dire cela, traduction
Jean Daive, NOUS, 2014, p. 92.
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09/09/2020
Étienne Faure, Vues Prenables
Et puis après tout ce remue-ménage
laisser les dieux se reposer,
les meubles se déglinguer, lentement
retrouver le guingois propice à la résonance.
Sans inquiétude à l’idée de chute
il reste et prend goût en précaire imposture
à la minime durée qui lui échoit,
pour rire, traverser la langue et s’attarder
dans un vérisme où le soleil dru tombe
sur des motifs très humbles :
ici l’abandon d’un mot qui tout disait
mais boiteux contrariait le texte
— une mortaise le remplace
pas trop visible, ainsi qu’une console au pied plus clair,
ces meubles naguère aimés
quand jeune (pas un ver, rien de vermoulu)
il parlait aux meubles ; ils l’écoutaient, endurant ses mots
poussés jusqu’à la sciure.
énième consolation
Étienne Faure, Vues prenables, Champ Vallon,
2009, p. 95.
Photo Tristan Hordé
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04/06/2012
William Butler Yeats, L'escalier en spirale (traduit par J.-Y. Masson)
Jeunesse et vieillesse d'une femme
II
Avant la création du monde
Si je mets du noir sur mes cils,
Si je fais mes yeux plus brillants
Et mes lèvres plus écarlates,
Ou vais de miroir en miroir
En leur demandant si tout va bien,
Nul étalage de vanité en cela :
Je cherche le visage que j'avais
Avant la création du monde.
Et si je regardais un homme
Comme s'il était mon bien-aimé,
Alors que mon sang reste froid
Et que mon cœur est indifférent ?
Pourquoi devrait-il m'estimer cruelle
Ou s'estimer trahi ?
Je voudrais qu'il aime ce qui était
Avant la création du monde.
V
Consolation
Oui, il y a bien de la sagesse
Dans les sentences des sages :
Mais étends ce corps un instant
Et laisse reposer ta tête
Jusqu'à ce que j'aie dit aus sages
En quel lieu l'homme trouve son réconfort.
Comment la passion pourrait-elle être aussi violentc
Si je n'avais jamais pensé
Que le crime d'être né
Assombrit tout notre destin ?
Mais au lieu même où le crime est commis,
Le crime peut aussi être oublié.
Father and child
She heards me strike the board and say
That she is under ban
Of all good men and women,
Being mentioned with a man
That has the worst of all bad names;
And thereupon replies
That his hair is beautiful,
Cold at the March wind his eyes.
Consolation
O but there is wisdom
In what the sages said:
But strecht that body for a while
And lay down that head
Till I have sold the sages
Where man is comforted.
How could passion run so deep
Had I never thought
That the crime of being born
Blackens all our lot ?
But where the crime's committed
The crime can be forgot.
W. B. Yeats, L'escalier en spirale [The Windox Stairs and Other Poems], présenté, annoté et traduit de l'anglais par Jean-Yves Masson, Verdier, 2008, p. 131 et 135, 130 et 134.
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